Partager la publication "Biodéchets : la France ou l’inaction climatique"
La France avait 8 ans pour être prête et elle n’a rien fait ou presque. En termes de gestion des biodéchets, le pays est loin d’être prêt pour l’échéance du 1er janvier 2024. À cette date, la loi AGEC (Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire) imposera aux collectivités de proposer aux usagers, en particulier aux ménages, une solution de tri à la source des biodéchets (déchets alimentaires – type épluchures, viande ou poisson non consommé, etc/ – et des déchets verts comme l’herbe de tonte).
Le hic est que cette obligation – inscrite dans la loi depuis 2015 – reste très floue et peu contraignante. En conséquence, rares sont les communes – à peine plus de 800 – qui ont mis en place une réelle politique de gestion des biodéchets ou seront prêtes pour 2024. Pourtant, on estime que cela permettrait, chaque année, de détourner de l’incinération 12 millions de tonnes de biodéchets pour les orienter vers la méthanisation ou le compostage. Or les déchets représentent près de 5 % des émissions de gaz à effet de serre, selon le CITEPA.
À près de 100 jours de la date fatidique, l’association citoyenne Zero Waste France a tenu à rappeler la nécessité d’un texte réglementaire beaucoup plus précis que les consignes données à l’heure actuelle. “Dans les poubelles OMR [Ordures ménagères résiduelles, NDLR], chaque habitant jette en moyenne 280 kilos par an par habitant, dont 83 kilos de biodéchets, explique Juliette Franquet, directrice de Zero Waste France. C’est une hérésie d’incinérer ces biodéchets qui sont constitués à 80 % d’eau alors qu’ils pourraient retourner à la terre, soit par le biais du compost, soit dans le digestat de la méthanisation.”
Aujourd’hui, le texte législatif ne prévoit ni texte réglementaire, ni sanction. Zero Waste France réclame un décret et une application avec des directives claires, comme la réduction de 25 kilos des biodéchets par an et par habitant d’ici 2030 (et 30 kilos d’ici 2035) ou encore une réduction de 75 % de ces biodéchets d’ici 2030. À l’heure actuelle, pour répondre à la réglementation, une agglomération pourrait très bien proposer un point d’apport volontaire des biodéchets pour plusieurs dizaines de milliers d’habitants.
Or, la préconisation de Zero Waste France est que chaque citoyen ait accès à un point de collecte à moins de 100 mètres de son habitation en zone urbaine dense. L’option de la collecte en porte à porte s’est révélée aussi très efficace si elle est accompagnée d’une campagne de sensibilisation ad hoc.
Sans attendre la loi AGEC, certaines communes françaises ont entrepris de faire de la gestion des biodéchets une de leurs priorités depuis plusieurs années. Pour certaines depuis plus de 20 ans comme c’est le cas pour Lorient Agglomération qui y travaille depuis 2022. “100 % de la population est déjà desservie par une collecte et, en 2019, l’intercommunalité, qui gère tout de A à Z de la collecte à la transformation, revendiquait 38 kilos de biodéchets par an et par habitant collectés”, précise Pauline Debrabandere, coordinatrice de campagnes chez Zero Waste France.
En Alsace, 18 communes de la communauté de communes de Thann-Cernay (42 000 habitants) réalisent elles-aussi la collecte en porte-à-porte de façon hebdomadaire. Résultat : 57 kilos de biodéchets par habitant sont collectés chaque année. À Besançon, une double politique a été mise en place à partir de 2008. D’un côté, un plan de compostage de proximité a été créé avec une vingtaine de chalets de compostage dans les espaces urbains et du compostage domestique pour les zones moins denses.
Un an plus tard, c’est une tarification incitative qui a été lancée. Plus la poubelle OMR était lourde, plus élevée était la tarification. Une autre manière d’inciter au tri des biodéchets. Avec du recul, c’est un combo gagnant : le poids de la poubelle OMR a été divisé par deux en quinze ans. Et cette politique est prise en exemple dans bien des agglomérations aujourd’hui.
Il existe en revanche des initiatives qui n’ont pas totalement porté leurs fruits. C’est le cas par exemple à Paris. La Ville a initié un test grandeur nature depuis quelques années. Il concerne trois arrondissements de la cité : le IIe, le XIIe et le XIXe. Des bioseaux et des sachets biodégradables ont été distribués en porte-à-porte. Le problème est que cette initiative, pour une grande partie, a été lancée juste avant l’épidémie de Covid. La sensibilisation a donc été largement amputée et la collecte s’est rapidement arrêtée sans communication adaptée. Le tri des biodéchets a donc été fait pour rien pendant plusieurs mois… Depuis, le système est revenu à la normale mais la récolte des biodéchets à Paris reste très décevante.
La Ville de Paris réfléchit donc à abandonner le porte-à-porte pour des points de collecte dans les quartiers. Mais le plan est encore loin d’être en place et ne devrait pas être prêt d’ici au 1er janvier 2024. D’une manière générale, les communes pointent du doigt les coûts de mise en place de cette nouvelle législation. Alors même que l’Ademe estime que 18 millions de tonnes de biodéchets pourraient être valorisées chaque année. Le service public des déchets en France est certes déjà coûteux (de l’ordre de 14 milliards d’euros par an) mais une amélioration du système ne serait pas inutile.
Une autre question qui se pose avec la systématisation des biodéchets, c’est leur devenir une fois le tri et la collecte réalisés. Zero Waste France préconise l’économie circulaire et le retour à la terre avec l’utilisation du compost par les agriculteurs alentours. Mais il existe deux principales façons de valoriser les biodéchets, appelés aussi “or vert” :
● 33 % : c’est la part moyenne des déchets organiques dans les ordures ménagères
résiduelles, soit 83 kg de biodéchets pour 254 kg d’OMR (ADEME, 2017).
● 5,5 millions de tonnes : c’est la quantité de biodéchets en France qui chaque année,
finissent incinérés ou enfouis au lieu d’être compostés et valorisés (calcul Zero Waste
France à partir des données ADEME de 2017)
● 101 : c’est le nombre de communes qui, en 2019, proposaient une collecte séparée des biodéchets (ADEME)
● 6,2 % : c’est la part de la population française couverte par la collecte séparée des
biodéchets fin 2019 (ADEME)
● 815 : c’est le nombre de collectivités qui avaient mis en place des solutions de gestion
de proximité pour les biodéchets en 2019 (ADEME)
● 10 millions de tonnes : ce sont les pertes et gaspillages alimentaires par an en France (ADEME).
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