Partager la publication "ChangeNow: les grandes villes face à leur avenir"
Si la plupart des conférences, pitchs et autres événements de ChangeNow sont bien sûr publics, d’autres s’avèrent plus discrets. Tel est le cas de l’échange programmé cette année par les organisateurs entre une quinzaine de maires de grandes villes et trois experts de The Shift Project, think tank qui multiplie les études pour un avenir bas-carbone. La réunion s’est en effet tenue à huis clos, non pas parce qu’elle était secrète, mais “pour permettre aux élus de s’exprimer sans retenue“, souligne Corentin Riet, coanimateur et qui copilote le volet “Résilience des territoires“ de The Shift Project.
Au menu: des questions sur l’alimentation, la rénovation, le transport, l’économie locale ou encore l’emploi bien sûr. Mais également les lourdes problématiques de gouvernance, de grands projets, de concurrence entre métropoles, d’adaptation aux fortes chaleur, d’implication des populations urbaines les plus riches, ou encore de la nécessité d’une vision à horizon 2050.
Territoires: coopérer de manière gagnant-gagnant
En effet, si les communautés urbaines ont généralement déjà pu se lancer dans des plans climat-air-énergie en vue de l’objectif de neutralité carbone de la France, “le périmètre administratif des intercommunalités est souvent inférieur à leur périmètre d’influence réelle“, souligne Corentin Riet. Il serait donc nécessaire de “créer des espaces de gouvernance adaptés à cette influence réelle. Ces structures doivent en plus être décisionnaires pour faire des choix efficaces, compatibles avec une trajectoire bas carbone“, assure-t-il.
Sinon, “les zones périurbaines, qui artificialisent le plus et qui se trouvent dans une certaine servitude des métropoles, continueront à artificialiser“, évalue-t-il. Une telle nouvelle gouvernance pose néanmoins la question de savoir “comment les territoires peuvent coopérer entre eux de manière gagnant – gagnant sur de telles zones élargies“, ajoute l’expert du Shift Project.
Recadrer les projets sur le long terme
Par ailleurs, les grandes villes sont traditionnellement en concurrence entre elles. “Elles sont prisonnières d’une logique d’attractivité et de grands projets qui polarisent toujours l’activité autour d’elles, stimulant les déplacements notamment“, explique Corentin Riet. Selon lui, il s’agit ni plus ni moins maintenant, pour les métropoles, d’imaginer “comment renoncer à leurs grands projets pour se recadrer sur des projets de plus long terme, en phase avec le bien-être de leurs habitants“. Et avec plus de coopération sur des territoires élargis. C’est ce qu’ont initié les agglomérations de Lyon et Saint-Étienne notamment.
Chaleur: imaginer la ville à 50°C
Autre point abordé par The Shift Project devant les maires: la nécessité d’envisager l’adaptation de leurs villes à la chaleur et même à “de potentielles crises majeures pouvant générer des phénomènes de désertion, des villes mortes l’été, un peu comme pendant le premier confinement dû au Covid“.
Cette adaptation passe par des diagnostics, comme celui de la Mission d’information et d’évaluation du Conseil de Paris dont le rapport “Paris à 50°C“ est paru en avril, sous la houlette de l’élu Alexandre Florentin. “Il faut également de réfléchir à la continuité des services (crèches, écoles, culture, etc.) en mode dégradé à 50°C. Tout en se posant la question du lien social, de la vie de quartier dans ces grandes villes, le meilleur moyen de résilience étant de se connaître“, ajoute Corentin Riet.
Faire des riches “des acteurs du changement“
Et puis, “statistiquement, les grandes villes concentrent également les plus riches“, note-t-il. Ajoutant: “Ce sont eux qui devront faire le plus d’efforts, les gens précaires -démunis de marge de manœuvre- devant en revanche être accompagnés. Il s’agit donc pour les villes de trouver des moyens pour que ces plus riches -qui ont en plus souvent du pouvoir et servent de modèles sociaux- deviennent des acteurs du changement“. Sans attendre la mise en place de moyens “plus coercitifs“.
Ne plus avancer “à taton”
Finalement, “il faudrait qu’émerge une vision commune de ces territoires à l’horizon 2050, dessiner collectivement un point d’arrivée”, estime Corentin Riet. Dès lors, “on serait capable de déterminer ce que l’on doit faire et ne pas faire. De trancher et d’arbitrer“. Au lieu d’avancer “à tâtons“.