Partager la publication "Circuits courts : une diversité de modèles au service de la résilience alimentaire"
- Impacts sur leur santé : rien de plus sain et nourrissant qu’un fruit cueilli à maturité et cultivé de manière naturelle.
- Impacts en matière de sécurité alimentaire : une ville comme Londres n’a que 3 jours d’autosuffisance en cas de rupture de pétrole. Seul 2 % de l’alimentation des villes est produite localement, et 98 % de ce qui est produit est exporté selon une étude Cabinet Utopies 2017.
- Impacts sur le dynamisme économique : la multiplication des échanges économiques sur un même territoire est facteur de développement et d’emploi.
Une croissance rapide
Au delà des fameuses AMAP et “Ruches”, il existe de nombreux modèles de groupements d’achat, épiceries coopératives, centrales d’achat, distributeurs indépendants, organisant des ventes/achats en circuit court.
Mais il est aujourd’hui impossible de rendre pleinement compte de ce secteur, de nombreuses initiatives étant organisées de manière informelle, et non fédérées en réseaux, donc ne produisant pas de statistiques.
Une diversité de modèles
Cela nous a amené à amorcer un premier niveau d’étude comparative des modèles mis en œuvre. L’idée est de pouvoir ensuite construire des outils pour accompagner les porteurs de projets et les aider à choisir (et hacker) les modèles qui semblent les plus adaptés à leur situation.
L’idée est aussi de mettre en lumière des modèles organisationnels peu médiatisés, et pourtant très efficaces, créateurs d’emploi sur les territoires, et rendant l’alimentation locale accessible à tous.
Les hubs alimentaires
Le hub est l’acteur qui prend en charge l’organisation des commandes/ventes et la livraison au client. Il exerce une activité de distribution.
Selon les modèles, le hub alimentaire peut être un producteur lui-même s’il gère la distribution en direct, un groupe de producteurs par exemple dans le cas d’un drive fermier, un groupe d’acheteurs dans le cas d’un groupement d’achat, ou un intermédiaire externe non géré par les producteurs ni les mangeurs.
Panorama comparatif
Cette première classification est certainement discutable, et nous la publions telle quelle avec une volonté d’itérer de façon collective pour améliorer le modèle avec l’ensemble des acteurs concernés. Nous avons identifié 4 grandes familles de circuits courts.
1- La vente directe
Ici, aucun intermédiaire ni regroupement. Chaque producteur gère en direct la vente de ses propres produits, et uniquement de ses produits. Ce modèle permet au producteur de garder l’intégralité de la marge, tout en offrant des produits très bon marchés aux mangeurs.
D’après notre expérience, ce modèle fonctionne mais a aussi des limites, principalement car les mangeurs souhaitent souvent pouvoir acheter une diversité de produits en un même endroit, ce qui est difficile en pure vente directe, sans mutualisation de différents catalogues produits.
Dans le cas de la vente groupée, plusieurs producteurs décident de distribuer ensemble leurs produits, offrant ainsi une diversité de choix plus grande, et des volumes potentiellement plus importants, répondant ainsi à la demande des mangeurs, mais aussi des transformateurs ou restaurants collectifs.
Les producteurs ainsi organisés peuvent également mutualiser une partie des coûts logistiques et de commercialisation. Ici, le collectif de producteurs constitue le hub alimentaire.
Une autre grande famille de circuits courts concerne les achats groupés. Il s’agit pour des acheteurs de se regrouper afin de sélectionner des fournisseurs et de négocier les conditions d’achats, du fait des volumes importants commandés.
Souvent, les individus d’un groupement d’achat peuvent bénéficier des mêmes conditions d’achat qu’un professionnel, une boutique par exemple. Les produits peuvent être 20 à 50 % moins chers, ce qui renforce l’accessibilité des produits bio/locaux pour tous. Les acheteurs organisés ensemble constituent le hub alimentaire.
Enfin, nous avons regroupés au sein de la dernière famille les intermédiaires externes qui font le lien entre consommateurs et producteurs. L’intermédiaire n’est gouverné et organisé ni par les producteurs, ni par les acheteurs, mais par une entité tierce. L’organisation, la commercialisation et la logistique sont gérés par ce tiers qui joue alors ce rôle de hub.
Des modèles souvent hybrides
Dans la plupart des cas, un opérateur va être à cheval sur plusieurs modèles de distribution, qu’il opère en parallèle. Par exemple, un producteur bio local vend sur le marché sa propre production, mais aussi des produits de fermes et d’artisans de son territoire.
En plus, il achète des agrumes bio à des grossistes à Rungis et les revend sur son stand. Dans ce cas, il est à la fois sur l’activité vente directe / vente mobile sur stand et sur l’activité vente directe intermédiée / épicerie — primeur, avec une activité achat-revente à la fois auprès de producteurs locaux et d’un grossiste.
Autre exemple, la frontière est parfois floue entre ventes et achats groupés, et les modèles sont souvent hybrides, regroupant par exemple dans une coopérative à la fois des producteurs et des acheteurs (mangeurs, transformateurs…).
Micromarché à Nantes organise à la fois des groupements d’achat dans plusieurs quartiers de la ville, et gère une micro-épicerie/café-bar-restaurant, jouant ainsi un rôle d’intermédiaire sur un modèle d’achat-revente en circuit court.
Différents modèles, différents impacts
Ces différents modèles organisationnels ont bien entendu des impacts différents sur l’écosystème d’acteurs, sur le plan environnemental, social et économique.
1- Impacts économiques
La plupart de ces modèles a pour objectif d’améliorer le niveau de revenu du producteur : lorsqu’il vend en circuit courts, il valorise mieux ses produits et son travail. À condition bien entendu qu’il calcule correctement son prix de revient et inclut l’ensemble des coûts logistiques, ce qui n’est pas toujours le cas.
Mais le hub alimentaire peut aussi dans certains modèles être source de création d’emploi, ou de revenus complémentaires pour les pilotes de hubs. Comme dans le cas d’Alter-conso à Lyon par exemple, ou des “Ruches”.
La plupart de ces hubs (mais pas tous !) permettent aux membres d’avoir accès à des produits locaux souvent bio, à des prix bien plus intéressants que dans les circuits de distribution classiques, et permettent donc de faire des économies et de renforcer l’accessibilité des produits locaux, comme dans l’exemple du Collectif Court Circuit
2- Impacts environnementaux
En reconnectant producteurs et mangeurs, les hubs alimentaires développent aussi la sphère d’influence des mangeurs : les circuits courts s’accompagnent souvent de conversion au bio, ou a minima de pratiques minimisant l’usage de pesticides et fertilisants de synthèse.
Ils offrent aussi de nouveaux débouchés aux producteurs bio, soutenant ainsi l’installation de nouveaux producteurs. Par contre, les circuits courts sont critiqués pour leur impact potentiellement négatif sur l’environnement en matière d’émission CO2.
Une étude de l’ADEME montre que paradoxalement, le nombre de km par calorie peut être supérieur aux chaînes d’approvisionnement centralisées des grandes surfaces, car de nombreux acteurs vont faire de multiples trajets de courte distance avec des véhicules non remplis.
3- Impacts sociaux
Les modèles de hubs ont des approches plus ou moins communautaires, et des modes de gouvernance plus ou moins impliquant pour les parties prenantes. Mais certains développent des modèles permettant réellement de recréer des moments de convivialité, partage et co-construction dans les quartiers et les immeubles.
Comme par exemple le groupement d’achat Panier Rusé à Lille qui organise des ateliers de partage de savoirs, comme sur la fabrication de produits ménagers, ou l’association VRAC (Vers un Réseau d’Achat en Commun) qui vise à développer des groupements d’achats dans les quartiers défavorisés à Lyon.
L’impact social des hubs touche aussi à la protection sociale du producteur. Les AMAP par exemple vont plus loin sur la protection social du producteur en instaurant un principe de partage des risques.
Quand on sait qu’un agriculteur se suicide tous les deux jours en France, les circuits courts contribuent aussi, en améliorant la situation économique des producteurs, à freiner ce phénomène.
Myriam est co-fondatrice du projet Open Food France, qui travaille sur le développement et le changement d’échelle des circuits courts alimentaires en France, via deux axes principaux :
- la mise à disposition d’une place de marché pour les opérateurs de circuits courts
- l’analyse des modèles organisationnels et économiques et la construction de programmes d’essaimage.
L’objectif est de gagner collectivement en efficacité en levant les verrous technologiques qui empêchent aux acteurs de coopérer, sur le volet logistique par exemple.