Partager la publication "Comment les transhumanistes ont gagné nos cœurs"
Le terme « transhumanisme » a été créé en 1957 par Julian Huxley, le frère de l’auteur du Meilleur des mondes, mais sa popularisation date des années 1990. À cette époque, les chercheurs réalisent le potentiel de la convergence des NBIC – nanotechnologies, biologie, informatique et sciences cognitives (robotique, intelligence artificielle et neurosciences). Celles-ci permettent en effet la réalisation des trois objectifs transhumanistes : tuer la mort, augmenter les capacités humaines et développer l’intelligence artificielle.
Les transhumanistes entendent que chaque citoyen doit pouvoir décider seul des modifications qu’il souhaite apporter à son cerveau, à son ADN ou à son corps. L’homme du futur sera un organisme prototype, voué à se perfectionner en permanence. Un lobby transhumaniste, situé sur les rives du Pacifique, de la Californie à la Chine et à la Corée du Sud, à proximité des industries NBIC, qui deviennent le cœur de l’économie mondiale, est déjà à l’œuvre pour changer l’humanité. La NASA et Arpanet, ancêtre militaire américain d’Internet, ont été à l’avant-garde du combat transhumaniste.
Ray Kurzweil, le « pape » du transhumanisme, dirige cette université. Il est convaincu que les NBIC vont permettre de faire reculer la mort de façon spectaculaire dès le XXIe siècle. Il a également été embauché par Google comme ingénieur en chef pour faire du moteur de recherche la première intelligence artificielle.
Google a notamment annoncé, le 18 septembre 2013, la création de Calico, qui entend allonger significativement la durée de vie humaine. De grandes ambitions nourrissent cette filiale de Google, qui vise le long terme – de dix à vingt ans – et compte explorer des voies technologiques jamais envisagées pour retarder puis « tuer » la mort. Google a également investi dans de nombreux autres projets biotechnologiques. Désormais, les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) développent une vision transhumaniste; ils ont investi massive- ment dans l’intelligence artificielle.
Au-delà des industriels, de plus en plus de chercheurs s’affichent transhumanistes. En France, par exemple, Pierre-Marie Lledo, spécialiste des cellules souches cérébrales, a fait son outing transhumaniste dans une interview au journal Le Monde. À la question « Faut-il craindre ou se réjouir de l’arrivée d’interfaces cerveau- machine ? », il répond : « Personne n’est choqué par le port de lunettes, mais la société a encore du mal à accepter qu’un individu puisse être un cyborg. Ces craintes sont d’autant plus présentes que la plupart des recherches se font loin de nous, aux États-Unis ou en Asie. Pourtant, nous sommes déjà entrés dans l’ère du transhumain. Il faut accepter le progrès sous réserve qu’il soit équitable.»
Toboggan transgressif
Les transhumanistes ont conquis la population sans livrer bataille. Les innovations technologiques sont de plus en plus spectaculaires, mais la société les accepte avec une facilité croissante : l’humanité est lancée sur un toboggan transgressif. Nous devenons, sans en être conscients, des transhumains. La plupart d’entre nous acceptent la révolution NBIC pour moins vieillir, moins souffrir… et moins mourir ! Plutôt transhumains que morts, pensera l’opinion.
Le transhumanisme semble avoir gagné la bataille, alors même que personne ne connaît ce terme. Est-ce à dire qu’il n’y aura pas d’opposition politique au progrès médical ? L’échiquier politique se reconfigure selon un axe nouveau. Le clivage gauche-droite semble dépassé au XXIe siècle. Demain, l’opposition entre bioconservateurs et transhumanistes structurera l’espace politique. Et les bioconservateurs n’ont pas dit leur dernier mot.
Chronique extraite de We Demain n°9
Laurent Alexandre