Partager la publication "Comment mesurer le coût environnemental des vêtements de seconde main ?"
2021 a été l’année de tous les records pour les vêtements de seconde main. Le marché du prêt-à-porter d’occasion a bondi de 140 % entre 2019 et 2021, selon l’Observatoire Natixis Payments. Avec un achat sur trois qui est effectué en ligne l’an passé, contre un sur cinq en 2020, les applications comme Vinted, LeBonCoin ou encore Vestiaire Collective ne cessent de gagner en popularité. Mais peut-on vraiment parler d’une consommation plus responsable, encourageant une économie circulaire ?
Rien n’est moins sûr car il est nécessaire d’adopter une vision holistique du problème. “Afin de calculer l’empreinte carbone du cycle de vie d’un vêtement de seconde main, il faut d’abord pouvoir estimer sa durée de vie moyenne et la comparer à sa durée de vie réelle“, affirme Pierre Galio, chef du service consommation et prévention de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME).
L’impact carbone à la fabrication d’une robe en polyester est de 45 kg équivalent CO2, selon les résultats d’une étude de l’ADEME évaluant les impacts environnementaux des équipements de notre quotidien, publié en 2018. “Si le consommateur la conserve un an de plus après avoir atteint sa ‘durée d’usage moyenne’, cela éviterait l’émission de 28 kg éq. CO2. En évitant un nouvel achat, il économise ainsi 25 € sur la durée d’allongement d’usage de sa robe”, peut-on lire dans ce rapport.
Pour l’immense majorité des produits du quotidien, tels que le mobilier, les jouets, les produits électroniques et le textile, l’étape la plus polluante est celle de la fabrication. “Dans les différentes étapes de production, il y a l’extraction des matières premières, la fabrication (eau, pesticide, teinture, déchet, etc.), l’usage, la fin de vie et entre-temps les étapes de transport, précise M. Galio. Mais le plus impactant pour son bilan carbone, c’est majoritairement l’étape de fabrication. Ce qui n’est pas vrai pour les équipements qui consomment beaucoup en phase d’usage comme la voiture, le four ou le frigo.“
D’après l’ADEME, cela veut donc dire que, plus on conserve un bien longtemps, plus on décale ou annule la fabrication d’un produit neuf, et donc des nouvelles émissions de gaz à effet de serre. “La question environnementale n’est pas de savoir combien de propriétaires aura un vêtement, mais de savoir s’ils offriront une durée de vie supérieure à ce qu’il aurait eu en temps normal, ajoute M. Galio. On est sur des questions comportementales.”
“‘Le vêtement le plus écologique qu’on peut avoir, c’est celui qu’on a déjà‘, rappelle Naomi Poignant. À partir du moment où on achète un nouveau vêtement, on est dans cette logique de consommation. La priorité, c’est avoir des vêtements qui tiennent le plus longtemps possible.”
D’après Faouzi Bensebaa, professeur en sciences de gestion à l’université Paris Nanterre et coauteur du livre La nouvelle jeunesse de l’occasion avec Joan Le Goff, incite à repenser le système de manière plus globale. “Une économie de mode durable, c’est dire ‘on tourne en rond’, c’est aller vers la circularité de l’économie, affirme-t-il. Que la notion de déchet disparaisse, pour que rien ne se perde.” Un modèle idéal, selon lui, est celui de la sobriété. “Ça serait un modèle de réduction draconien de la consommation, précise-t-il. En prolongeant la vie d’un produit, certes on va vers la durabilité, mais on reste toujours dans une dynamique de consommation. Dans le marché d’occasion, l’inutile ne disparaît pas pour autant”
Acheter des vêtements neufs de manière responsable et durable, pour Naomi Poignant, c’est connaître l’origine, de préférence locale, des matières premières et de s’assurer de comment elles sont produites. “Par exemple pour le coton, c’est savoir d’où il vient, de s’assurer qu’il provient de labels responsables, encadrés par certaines réglementations, connaître la main d’œuvre, etc.”, dit-elle.
L’écoconception est une notion qui vise à fabriquer des matériaux plus résistants, et donc plus durables dans le temps, et par conséquent qui ont moins d’impact environnemental et social à la fabrication. « C’est réfléchir en amont pour que le produit dure plus longtemps », affirme Mme Poignant. Le danger, d’après elle, est qu’aujourd’hui, chaque individu peut devenir, s’il le souhaite, vendeur. « Du coup, il n’y a pas forcément cette réflexion, que peuvent avoir certaines marques sur l’optimisation des packaged in, des transports, etc. », ajoute-t-elle.
Pour l’ADEME, l’objectif des producteurs est d’éviter le renouvellement trop fréquent des gammes, de faire de l’intemporel, et de prévoir une filière de réparation et de récupération. « Si on reste sur un modèle économique en volume pour maximiser les ventes, ça s’opposera toujours aux problématiques environnementales, d’après M. Galio. Il faut créer de la valeur autrement. »
De son côté, Vinted affirme procéder à une évaluation approfondie de son impact environnemental. La plateforme travaille actuellement sur la mise en place des pratiques plus durables, comme de nouvelles options d’emballage, l’utilisation d’énergie verte pour leurs serveurs hébergeant l’application, l’incitation des membres à choisir des points relais pour la livraison, éviter autant que possible la livraison à domicile ou encore faciliter les membres à acheter en lots pour réduire les frais d’expédition.
Dans cette même logique d’écoconception, la loi 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire incite les entreprises optimiser le cycle de vie de leurs produits, à mieux collecter, à favoriser le réemploi, à ne plus jeter ni gaspiller, ou encore à intégrer un taux minimal de matière recyclée. Autant de pistes que les marques de mode devraient explorer de manière plus systématique.
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