Partager la publication "Comment TikTok est devenu un enjeu géopolitique"
Elle permet de partager de courtes vidéos de danse, de playback, des contenus musicaux ou humoristiques. A priori, rien de très politique. Pourtant, l’application TikTok est dans le collimateur du président américain. Vendredi 31 juillet, Donald Trump annonçait à des journalistes, à bord de l’avion présidentiel Air Force One, qu’il comptait bannir l’application du territoire étasunien, et qu’il signerait même le document dès le lendemain.
Depuis, il a mis un peu d’eau dans son vin. L’entreprise chinoise ByteDance, à l’origine du réseau social, a jusqu’au 15 septembre pour négocier la vente de ses activités américaines à une entreprise locale. Un sursis que l’on doit probablement à Satya Nadella, patron de Microsoft, qui a évoqué ce dimanche 1er août avec Trump l’éventualité d’une récupération de Tik Tok par Microsoft.
Sécurité nationale…
Si le président américain nous a habitué à ses coups de tête, cette fois-ci il était possible de voir l’orage venir. Le 6 juillet, le secrétaire d’État américain Mike Pompeo avait déjà signalé qu’il envisageait d’interdire les applications chinoises, pour des motifs de sécurité nationale. TikTok, la plus populaire d’entre elles – elle a été téléchargée 123 millions de fois sur le seul territoire américain depuis sa création – est notamment soupçonnée par l’administration de Trump de partager les données de ses utilisateurs avec Pékin.
Il faut dire qu’en 2019, le réseau social très prisé des 16-24 ans a souffert d’une mauvaise publicité, en payant une amende de 5,7 millions de dollars aux États-Unis pour avoir illégalement collecté les données personnelles de ses utilisateurs mineurs. Rien ne prouvait cependant que ces données aient été transmises au gouvernement chinois.
L’application fait l’objet d’une enquête du CFIUS, l’agence américaine chargée d’analyser les investissements étrangers aux États-Unis du point de vue de la sécurité nationale. Jusqu’ici, elle n’a publié aucun rapport public. “Nous ne sommes pas politiques, nous n’acceptons pas de publicité politique et nous n’avons pas d’agenda” s’est défendu Kevin Mayer, patron de TikTok et ancien responsable de Disney+.
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…ou concurrence économique ?
De l’autre côté du Pacifique, le quotidien nationaliste chinois Global Times dénonçait le 2 août “la chasse et le pillage de TikTok par le gouvernement américain en concertation avec des entreprises high-tech américaines”.
Selon Le Monde, la motivation principale de Donald Trump serait effectivement de ralentir la conquête technologique chinoise. Car TikTok n’est pas la seule entreprise à être visée par le gouvernement américain. Washington s’est d’abord attaqué à Huawei, le géant des télécoms chinois.
En 2019, de premières mesures interdisaient à l’entreprise de se fournir en composants américains sans l’approbation du gouvernement. Au printemps 2020, les smartphones de Huawei se sont vu interdire l’utilisation du système d’exploitation Android, ou des applications Google et Facebook. L’embargo contre Huawei empêchait également l’entreprise de participer aux appels d’offre pour le développement du réseau 5G sur le territoire américain. Or, sur le marché des smartphones, Huawei est en seconde position… derrière le coréen Samsung et devant l’américain Apple.
Huawei et TikTok sont peut-être simplement les victimes d’un nouveau front dans la guerre commerciale opposant la Chine et les États-Unis depuis plusieurs années. Longtemps considérée comme l’atelier du monde, la Chine s’impose aujourd’hui sur le marché de la tech, bousculant le leadership jusque-là inégalé des États-Unis en la matière.