Partager la publication "Communication durable : l’heure de la transformation positive a sonné"
Pour aborder la question de la communication durable, WE DEMAIN a échangé avec Capucine Pierard, vice-présidente de Havas Media Group. Où en sont les agences média dans la transition écologique ? Comment les entreprises doivent-elles adapter leurs communications pour mieux s’aligner avec les problématiques actuelles ? Pour Capucine Pierard, la réponse est claire : « Pour la transformation positive, comme en amour, il faut des preuves ! »
WE DEMAIN : Votre credo, c’est la transformation positive dans la communication. De quoi s’agit-il concrètement ?
Capucine Pierard : Force est de reconnaitre que la publicité pollue et a encouragé la société de sur-consommation. Mais il n’est pas impossible d’améliorer les choses. Nous avons développé chez Havas le premier outil au monde permettant de mesurer et optimiser l’impact carbone de la diffusion publicitaire. Récemment, nous y avons ajouté la mesure de l’impact carbone de la création publicitaire (telle que la production d’un film).
Les chiffres tirés de cet outil ont permis une prise de conscience des annonceurs. Une idée qui prend de l’ampleur : des outils similaires, mais avec des méthodologies différentes, ont été développés par d’autres acteurs du secteur. L’heure est maintenant à la convergence. Pour cela, il nous faut adopter des normes communes entre tous les acteurs du secteur afin de progresser en termes d’intelligence collective.
Est-ce qu’agir sur la communication est à la hauteur des enjeux ?
Il faut aller plus loin. La communication est par essence transformative. Nous touchons au cœur de l’entreprise et à son modèle économique. Nous avons élaboré des ateliers pour travailler avec les entreprises sur le « prototypage » de nouveaux services intégrant l’économie circulaire, le produit en tant que service, les plateformes de partage, etc. Nos clients sont désormais pour la plupart en ordre de marche, que ce soit sur l’éco-design, le sourcing des matières ou une nouvelle conception de la communication.
Comment articulez-vous vos conseils avec les recommandations de l’ONU ?
Nous avons croisé notre étude “Meaningful Brands” [des marques qui ont du sens, NDLR] avec le programme des 17 Objectifs en Développement Durable (ODD) de l’ONU, donnant naissance à l’outil IMPACT17. Il permet d’interroger différents niveaux de population sur l’impact de l’entreprise sur tel ou tel ODD. Véritable scanner du développement durable de l’entreprise – et semblable, sur la forme, au jeu Trivial Pursuit – il permet d’interroger différents niveaux de population (grand public, consommateurs, collaborateurs de l’entreprise etc.) sur l’impact perçu de l’entreprise sur tel ou tel ODD. Cela permet de rendre immédiatement visible le besoin d’alignement entre les attentes d’une communauté face à une marque et la perception qu’elle se fait de cette entreprise.
Comment se mesure le succès – ou non – d’une transformation ?
La capacité à embarquer TOUTES les parties prenantes, et notamment mettre les collaborateurs à contribution pour en faire de véritables acteurs et ambassadeurs. Le changement ne peut se faire sans une co-construction dans l’entreprise en associant son corps social et une saine « coopétition » entre acteurs d’un marché pour cesser la compétition à tout craint.
Havas a publié un ouvrage intitulé « Meaningful Transformation », la Transformation Positive des Marques. En quelques mots, de quoi s’agit-il ?
Il s’agit d’apporter profondément du sens et de la valeur aux marques et entreprises que nous accompagnons. Et à ce que nous appelons « les gens » : consommateurs, clients, collaborateurs, citoyens, mais aussi la communauté dans laquelle Havas évolue. Il faut désormais s’interroger sur la façon dont on peut apporter du bien dans la dimension personnelle et du bon au collectif à travers les marques. L’entreprise n’est pas seulement vouée à vendre des produits et des services. Elle doit avoir un supplément d’âme.
Mais cela ne se décrète pas…
En tant qu’acteur du changement, cela fait partie de notre mission. Il y a quinze ans, nous avons lancé une vaste étude « Meaningful Brands » portant sur la perception des marques auprès de 350 000 personnes dans le monde. Quels bénéfices fonctionnels, personnels et collectifs ces marques apportent elles aux gens ? Comme le dit joliment le poète Pierre Reverdy : « Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour ». La communication et avec elle, la transformation, doivent se nourrir d’actions et de preuves.
Cela nous permet de suivre l’évolution des attentes des consommateurs-citoyens. A travers cette étude, nous avons vu la société évoluer dans le temps. A travers les années, nous avons vu évoluer ce qui n’était au départ que des signaux faibles, une attente de « For Good » des gens vis-à-vis des marques. Décrypter ces informations en avance de phase et en faire des marqueurs puissants d’une transformation à mener pour le collectif, c’est dans notre ADN
Au-delà des mots, comment cette philosophie du changement trouve une application ?
Nous pratiquons la transformation des entreprises depuis toujours. Pour cela, Havas a créé le mouvement « New Deal », dont la vocation est de rendre les entreprises vectrices de la transformation positive de la société. New Deal, dont la première édition a eu lieu en septembre 2022, organise des conférences pour partager les exemples concrets de ces transformations engagées.
À la rentrée l’année dernière, nous avions proposé trois soirées thématiques : Performance plurielle, Progrès social et Environnement. Cela a permis à des entrepreneurs de partager leurs initiatives et solutions concrètes avec le reste de la communauté. Nous avons d’ores et déjà décidé que New Deal reviendrait en décembre 2023.
Quelle est votre plus grande fierté en matière de transformation positive auprès d’une des sociétés que vous accompagnez ?
Lorsque notre client Décathlon a validé la mise en place de l’outil M4 (Meaningful Marketing Mix Modélisation), que nous avons développé en avant-première. Non seulement il intègre l’optimisation du mix marketing mais aussi le critère de l’impact carbone.
Qu’est-ce qui est le plus difficile à faire accepter ?
Le fait d’abandonner la notion de profits court terme pour consentir à investir dans cette transformation à moyen-long terme. Néanmoins, les dernières études montrent que les entreprises ayant basculé vers cette transformation responsable ont optimisé leur profitabilité de plus de 20 %.
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