Les experts n’attendaient pas qu’une machine batte un champion de go avant dix ou vingt ans et Lee Sedol est resté sans voix devant la puissance de l’IA de Google. Réseaux de neurones artificiels, machine learning et deep learning sont redoutablement efficaces et témoignent de la convergence entre les sciences du cerveau et l’informatique : Demis Hassabis a d’ailleurs passé une thèse de neurosciences avant de créer DeepMind, puis de le revendre à Google.
AlphaGo ou le début des victoires de l’IA sur l’homme
AlphaGo marque le tout début des victoires de l’IA sur l’homme. Quasiment aucune activité humaine n’en sortira indemne. Au moment où la loi de Moore ralentit, une nouvelle tendance exponentielle apparaît dans l’univers de l’apprentissage automatique. Elle est explosive : il est plus facile d’avoir une progression exponentielle avec des logiciels qu’avec des processeurs.
On ne peut pas réinventer le design d’un microprocesseur tous les matins. En revanche, un logiciel de type AlphaGo s’améliore en continu. Dès lors, on sous-estime considérablement ce que peut faire l’IA faible – sans conscience artificielle – d’ici à 2030. Pour la plupart des professions, l’arrivée de cerveaux faits de silicium est un immense challenge et pose une question angoissante : comment former les étudiants qui évolueront dans un monde où l’intelligence ne sera plus contingentée ?
Jusqu’à présent, chaque révolution technologique s’est traduite par un transfert d’emplois d’un secteur vers un autre – de l’agriculture vers l’industrie, par exemple. Avec l’IA, le risque est grand de voir beaucoup d’emplois détruits, et non transférés. Surtout si le système éducatif continue d’ignorer ou de nier le tsunami technologique.
Prenons l’exemple des comptables : 100 % de leur activité actuelle sera automatisée et traitée par l’IA faible, mieux que par les professionnels, avant 2030. La complexité changeante des règles fiscales et comptables sera mieux connue et analysée par les algorithmes que par le meilleur des comptables.
Apporter le “bon sens” à la machine
Bientôt, la totalité des écritures sera produite à partir de données nativement numériques et les chefs d’entreprise achèteront de l’IA comptable à très bas prix, “au compteur”, sous la forme d’AIAAS (Artificial Intelligence As A Service). Les premières années, les comptables pointeront les failles, les erreurs, parfois graves, des algorithmes. Cela les rassurera, comme Lee Sedol était certain de gagner 5 à 0 contre AlphaGo.
Ils insisteront sur la dimension humaine et relationnelle de leur métier. Progressivement, ces défenses sauteront tant il apparaîtra que le processus comptable est mieux réalisé, et à coût beaucoup plus faible, par un automate que par un homme. Les nouvelles techniques de deep learning vont permettre de développer des mécanismes quasi intuitifs et d’apporter le “sens commun”, c’est-à-dire le “bon sens” à la machine.
Les anciens métiers peuvent évoluer
La révolution NBIC (Nanotechnologies, Biotechnologies, Informatique et sciences Cognitives) va générer de nombreux nouveaux métiers et les anciens peuvent considérablement évoluer. Une participation accrue au processus informatique des entreprises est une piste à explorer d’urgence pour éviter un désastre annoncé.
Le cas des comptables n’est qu’un exemple des multiples métiers qui vont être secoués par l’arrivée d’IA quasi gratuite, plus performante que les hommes. Le système éducatif n’a pas pris la mesure de la dimension révolutionnaire de l’IA. Il faut un immense effort de prospective pour imaginer le monde qui vient.
Laurent Alexandre est Chirurgien-urologue et neurobiologiste, fondateur de Doctissimo, Président de DNAvision.
@dr_l_alexandre
laurent.alexandre@dnavision.be
Romain Van Steyvoort est étudiant en comptabilité à Bruxelles.