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COP26 : de nouveaux engagements… l’an prochain

“Une insulte aux millions de personnes dont les vies sont ravagées par la crise climatique”; “Une honte, une véritable trahison”; “Une COP de pays du Nord, qui reflètent donc les priorités des pays riches”; “Des engagements vides”; “Un rendez-vous raté pour l’humanité”… Les ONG Greenpeace, Action Aid, Réseau Action Climat, Amis de la Terre ne mâchent pas leurs mots à propos de la COP26. Du “bla bla bla”, avait déjà dit Greta Thunberg. 

Après l’adoption samedi, dans la douleur, du “pacte de Glasgow pour le climat”, texte officiel de la COP26, les constats sont amers. Même le président de la COP26 Alok Sharma s’est dit “profondément désolé” et a reconnu que “le pouls de l’objectif de 1,5°C est faible”. Le chef de l’ONU, António Guterres, estime lui qu’il est temps de passer “en mode urgence”.  Car “la catastrophe climatique frappe toujours à la porte”.

Vers un monde à 2,7°C

En effet, les promesses actuelles des États mènent à un réchauffement planétaire allant jusqu’à 2,7°C, a estimé l’ONU. Le principal échec est là. Car seulement 2 °C serait déjà “une condamnation à mort pour les populations d’Antigua-et-Barbuda, des Maldives, des Fidji, du Kenya ou du Mozambique, des Samoa, de la Barbade…”, a prévenu Mia Mottley, Première ministre de la Barbade.

À lire aussi : COP26 : l’objectif des 1,5 °C maintenu en respiration artificielle

Les énergies fossiles montrées du doigt à la COP26

En ligne de mire la responsabilité des énergies fossiles : charbon, pétrole, gaz. L’appel de la COP26 à “accélérer l’élimination progressive du charbon et des subventions aux combustibles fossiles” dans la première version du pacte de Glasgow, aurait pu être un signal fort. Il a été vidé de sa substance au fil des amendements. Certes, la “réduction” de ces énergies est enfin citée dans une déclaration finale d’une COP. Mais quel terrible aveu de faiblesse en plus de vingt ans de COP.

Des mauvais élèves qui doivent maintenant redoubler

Adopté par 196 pays, le pacte de Glasgow réaffirme les objectifs de la COP21 de Paris. Il s’agit de “poursuivre les efforts de limiter l’augmentation de la température à 1,5°C”. Ce qui nécessite une réduction des émissions “rapide, profonde et soutenue”, de “45 % en 2030 par rapport à 2010”. Plus “la neutralité carbone au milieu du siècle”.

Le texte appelle donc tous les pays “à réviser et à renforcer” leur objectif 2030 d’ici à la fin 2022, “pour s’aligner” avec les 1,5°C. Comme des mauvais élèves qui doivent maintenant redoubler. Mais, par la même occasion, le bébé est peu ou prou refilé à l’Egypte qui accueillera la COP27. Avec en plus une mention qui souligne que des “circonstances nationales particulières” pourront être prises en compte. Éventuellement pour ne pas le faire.

À lire aussi : COP26 : des bons, des mauvais élèves, et des cancres !

Le financement, grosse aiguille dans le pied

Le pacte de Glasgow constate également “avec grand regret” que la promesse faites par les pays développés en 2009 de donner 100 milliards de dollars par an aux pays en développement, n’a pas été tenue. Les pays riches étant les grands responsables du réchauffement, la promesse servait à compenser leur “dette climatique”. Le texte de la COP26 les “exhorte” à le faire “urgemment”. Après 2025, cette enveloppe devra être augmentée. Comme devra être doublée l’enveloppe pour l’adaptation au changement climatique.

La question du financement devient la grosse aiguille dans le pied des COP. Les pays du Sud estimaient déjà que les promesses financières non tenues des pays riches “brisaient” leur confiance. Les débats de la COP26 n’ont pas arrangé la situation. 

Les dérèglements climatiques les affectent déjà. Ils demandaient un mécanisme de compensation financière, au titre de “pertes et dommages”. Ils ont reçu une fin de non recevoir de la part des pays riches, notamment des États-Unis et de l’Union européenne, qui ont refusé de créer un fonds dans lequel les pays vulnérables pourraient puiser pour répondre à la crise. Le pacte de Glasgow propose seulement un dialogue sur cette question. Situation de blocage.

À lire aussi : Pascal Canfin à la COP26: “Il faut craquer les problèmes les uns après les autres”

Un marché mondial du carbone non sécurisé

La COP26, c’était aussi la question des marchés du carbone. En souffrance depuis 2015, le problème de l’article 6 de l’accord de Paris, devant organiser ce marché mondial, a trouvé une issue. Le texte adopté doit permettre d’éviter que les réductions d’émission de CO2 soient à la fois comptées chez les vendeurs et chez les acheteurs. Un mécanisme de plainte indépendant doit également être créé pour les communautés qui pourraient éventuellement être affectées par ce marché. “Mais ce n’est pas suffisant pour empêcher les entreprises et les États de mauvaise foi de contourner le système”, a déclaré à l’AFP l’architecte de l’accord de Paris, Laurence Tubiana. Il manque selon elle un organe de surveillance de la mise en œuvre de ces marchés.

COP26 : de multiples accords internationaux

En marge de ces négociations, la conférence de Glasgow a enfin été l’occasion d’une multiplication d’accords internationaux : réduction des émissions de méthane, réduction des subventions aux énergies fossiles, arrêt de l’utilisation du charbon, arrêt de la production de gaz et de pétrole, arrêt de la déforestation, engagement de la finance, voitures zéro émission… Cependant, malgré leur intérêt, ils restent eux-mêmes à ce jour soit partiels, soit futurs, soit les deux en même temps. Même s’ils sont respectés, leurs effets resteront forcément réduits sans généralisation. 

C’est là où le bât blesse. Pour être efficace, la lutte contre le réchauffement exige une action forte, unie. Or, la COP26, comme les COP en général, a surtout montré des pays ou groupes de pays qui suivent avant tout leurs propres intérêts, non l’intérêt commun : sortir des énergies fossiles. Au pas de charge. Tant qu’il en sera ainsi, les chances d’aboutir resteront nulles. Et il y a urgence…

À lire aussi : Lutte climatique : la France en retrait à la COP26

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