Partager la publication "COP27 : la fin du sommet sur le changement climatique s’annonce bien difficile"
Ambiance très pesante à Charm et-Cheikh en Égypte pour cette COP27. Le sort du militant pro démocratie Alaa Abdel-Fattah, emprisonné et en grève de la faim, y plane depuis le début. Une manifestation de soutien de plusieurs centaines de personnes accréditées a même eu lieu dans l’enceinte des négociations samedi.
S’y ajoutent des suspicions d’espionnage du pays hôte, avec notamment une plainte de la délégation allemande auprès de l’ONU qui enquête. Sans parler des restrictions de la liberté de manifester et des conditions d’accueil (manque d’eau potable, prix des chambres, accessibilité pour les personnes handicapés…) dont se plaignent les participants.
L’objectif +1,5 °C sera-t-il maintenu ?
C’est dans cette lourdeur que les négociations vont se poursuivre jusqu’à vendredi avec des questions épineuses. En premier lieu, l’objectif de limiter le réchauffement planétaire à +1,5 °C sera-t-il réaffirmé ? Alors qu’il apparaît scientifiquement “hors d’atteinte”, la présidence égyptienne a dès le départ affirmé son ambition de le “conserver en vie”.
La France elle-même se montre attachée à ce sujet intimement lié à l’Accord de Paris. Néanmoins, en coulisses, le lancement cette année d’une commission de “haut niveau” pour “limiter les risques de dépassement” de ce palier (Climate Overshoot Commission, présidée par le Français Pascal Lamy), y compris en manipulant le climat, est un signe de plus de ce débat.
Quelles seront les nouvelles contributions “renforcées” des pays ?
La priorité reste la réduction “profonde et rapide” des émissions de gaz à effet de serre. Donc, où en sont les nouvelles contributions “renforcées” que devaient fournir les pays aux Nations-Unies pour cette COP27 ?
Rappelons que seulement une vingtaine de parties ont renvoyé leur copie à la date demandée par l’ONU. “Quasiment aucun pays n’a soumis de nouveaux objectifs de baisse d’émissions, à l’exception notable du Mexique”, note le Réseau Action Climat.
Chine – Etats-Unis : reprise de la coopération
“Pire, certains pays comme les États-Unis prônent notamment la compensation via des marchés carbone non régulés pour financer la transition énergétique des pays en développement. Pourtant, certains projets de compensation ont des effets néfastes sur la biodiversité et les droits humains (plantations de monocultures, accaparement de terres et expropriation auprès de communautés locales). Les marchés non régulés augmentent ces risques”, commente-t-il.
Malgré tout, signe plus positif, les Etats-Unis ont également annoncé, suite à la rencontre, lundi au G20 entre les présidents chinois Xi Jinping et américains Joe Biden, la reprise de la coopération entre les deux plus gros émetteurs de gaz à effet de serre de la planète.
Un “bouclier” financier pour les “pertes et préjudices”
Parlons finance maintenant. Qu’obtiendront les pays les plus vulnérables pour les “pertes et préjudices” qu’ils subissent déjà et dont ils ne sont pas responsables ? Ils demandent depuis 30 ans aux pays riches de reconnaître leur responsabilité dans le réchauffement planétaire et réclament la mise en place d’un mécanisme financier spécifique pour y faire face. Mis pour la première fois à l’ordre du jour d’une COP et présenté comme l’un des principaux enjeux, le dossier avance visiblement péniblement.
Outre des promesses de l’Autriche, de la Nouvelle-Zélande ou encore de la Belgique, un “bouclier global” a été lancé sur une initiative conjointe du G7 et du V20, groupe rassemblant les pays les plus vulnérables. L’Allemagne, le Canada, le Danemark, les Etats-Unis, la France et l’Irlande y participent. Son objectif est “d’améliorer la protection financière des populations, dans les pays vulnérables, contre les risques de catastrophes liés au climat”, indique-t-on du côté français.
Des besoins en milliards, des annonces en millions
Et d’expliquer : “L’initiative soutiendra la conception et le déploiement de solutions de protection sociale et d’assurance pour les communautés locales, les entreprises et les ménages, afin de fournir un financement rapide et fiable lorsque les catastrophes se produisent, à l’image des systèmes d’assurance qui peuvent exister dans les pays développés”.
La France promet dans ce cadre 20 millions d’euros dans une enveloppe initiale de 210 millions, appelée à grossir. Le Bangladesh, le Costa Rica, les Fidji, le Ghana, le Pakistan, les Philippines et le Sénégal doivent faire partie des premiers pays à en bénéficier.
Les annonces “se comptent en millions alors que les besoins se chiffrent en milliards”, regrette de son côté le RAC. “Pour la plupart des pays, cet argent n’est en plus pas nouveau. Initialement destiné à aider les pays du Sud à réduire leurs émissions et à s’adapter, il a été redirigé vers les pertes et dommages”, ajoute-t-il.
A quand les 100 milliards par an promis en 2009 ?
Autre sujet toujours épineux: la promesse faite par les pays riches en 2009 de financer à hauteur de 100 milliards de dollars par an en 2020, les besoins des pays du Sud pour lutter contre le réchauffement, n’est toujours pas tenue. Il manque près de 20 milliards et le sujet est devenu totémique pour le Sud qui estime les besoins d’aide extérieure à 1000 milliards à horizon 2030. Quand donc les premiers 100 milliards seront atteints ? La feuille de route de la COP 26 mentionnait 2023.
Avec plus de 6,1 milliards d’euros dont 2,2 en faveur de l’adaptation, la France apparaît comme l’un des principaux bailleurs de cette enveloppe. Elle a appelé “les pays développés qui ne l’ont pas encore fait à se doter de cibles de finance climat ambitieuses et à les mettre en œuvre de toute urgence afin d’atteindre collectivement la cible de 100 milliards de dollars”.
L’ONG Oxfam a pour sa part déjà souligné que les financements climat jusqu’alors promis par les pays riches se composaient en fait pour une bonne partie, de prêts avec intérêts plutôt que de subventions. Bref, la fin de la COP27 s’annonce bien difficile.
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