Partager la publication "COP27 : L’Europe et “l’urgence” d’un développement massif des énergies renouvelables"
“Insuffisants”. C’est le qualificatif employé par les analystes climat du Climate Action Tracker (CAT) pour évaluer les objectifs climatiques, politiques et les financements actuels de l’Union européenne. Si l’objectif de neutralité carbone à horizon 2050 pour l’Europe est jugée “acceptable” par ces experts en analyse des actions climatiques, celui de l’horizon 2030 n’apparaît lui “conforme” qu’à un réchauffement de 2 °C.
La promesse à la COP27, mardi, par Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne, d’un réhaussement de réduction des émissions de gaz à effet de serre à “au moins 57%” de l’objectif 2030 contre “au moins 55 %”, ne semble pas modifier cette appréciation. “Pour améliorer sa notation, l’Union européenne devrait renforcer son objectif à au moins 62 %”. Elle devrait également adopter les politiques nécessaires pour atteindre cet objectif et accroître “considérablement son soutien à l’action climatique” dans les pays du Sud, estime Climate Action Tracker.
Contrairement à l’accord conclu lors de la COP26 à Glasgow, l’Union européenne n’a en plus pas présenté avant la COP 27 la version actualisée de sa feuille de route aux Nations-Unies. Cela doit être effectué “après l’adoption des “éléments essentiels” de l’ensemble du plan Fit for 55″ de juillet 2021 qui a déjà réhaussé l’objectif européen. “Ce retard peut saper la position de leader de l’action climatique de l’Union européenne”, craignent les experts. Il constitue en plus pour l’Europe “une occasion perdue d’encourager d’autres gouvernements à accroître leur ambition”.
C’est d’autant plus dommage que le plan REPowerEU, présentée par la Commission européenne en mai dernier pour “rendre l’Europe indépendante des combustibles fossiles russes”, constitue pour eux “un pas dans la bonne direction”.
Ce plan vise à augmenter la part des énergies renouvelables dans l’énergie finale en 2030 de 40 % à 45 % et à réduire dans le même temps la consommation finale d’énergie à 750 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep) au lieu des 787 Mtep. Il se traduirait par “une réduction des émissions de 58 à 60 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990”, y compris les forêts et le changement d’usage des terres.
L’Europe est même “à un tournant en matière de politique énergétique et climatique” selon Climate Action Tracker : soit remplacer sa dépendance à la Russie par une nouvelle dépendance à d’autres pays, soit “prendre des mesures décisives et passer à des sources d’énergie nationales renouvelables”.
Pour l’instant, “les politiques et les actions en place ne sont pas suffisantes pour atteindre l’objectif de réduction des émissions de l’UE d’au moins 55 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990”, estiment les analystes. Mesures supplémentaires à prendre : “l’élimination progressive du charbon d’ici 2030 au plus tard, puis du gaz fossile peu après”.
Or, l’Union europénne et ses États membres ont multiplié les accords pour accroître les importations de gaz fossile en provenance du monde entier : Algérie, Angola, Azerbaïdjan, Congo, Australie, États-Unis… Et la crise énergétique a facilité de nouveaux investissements dans des infrastructures fossiles : nouveaux terminaux d’importation de gaz naturel liquéfié (GNL) comme en France, gazoducs…
Le risque est de “déplacer la dépendance énergétique de l’Europe vis-à-vis de la Russie vers d’autres pays” et de “bloquer” la politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre, estime CAT. Ce serait d’autant plus envisageable que le gaz fossile a été intégré par l’UE “comme source d’énergie ‘durable’ dans la taxonomie des investissements” européens. Cela “n’est pas compatible avec 1,5 °C. Le gaz n’est pas une option de transition. Il reste un combustible fossile et doit être éliminé”, prévient Climate Action Tracker.
Les experts constatent également qu’en 2022, “le rôle des centrales au charbon a augmenté pour compenser une baisse significative de la production d’électricité à partir des centrales nucléaires et hydroélectriques. Pour se parer à tout déficit d’approvisionnement en gaz fossile, de nombreux États membres ont également décidé de remettre temporairement en service certaines centrales au charbon ou de les garder en réserve pour l’hiver 2022/2023.”
Si les circonstances difficiles actuelles sont utilisées par les États membres pour justifier ces “mesures temporaires”, celles-ci doivent selon CAT être accompagnées “d’une accélération urgente et massive du développement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique” pour préparer l’hiver 2023/2024.
Enfin, l’objectif de l’Union européenne est jugé “insuffisant” en regard de la “part juste” qu’elle devrait prendre dans la lutte contre le réchauffement. Cette “part juste” prend en compte sa dette climatique envers les pays du sud, du fait de l’ancienneté de son utilisation des énergies fossiles. “Si tous les pays suivaient l’approche de l’UE, le réchauffement atteindrait 3 °C”, évalue CAT.
Pour qu’il en soit autrement, des améliorations “devraient être apportées à la cible de réduction elle-même” tandis que d’autres “pourraient prendre la forme d’un soutien supplémentaire à la réduction des émissions réalisée dans les pays en développement sous forme de financement”.
En 2021, l’Union européenne et ses 27 Etats membres ont engagés 23,04 milliards d’euros provenant de sources publiques dont “près de la moitié sous forme de subventions”. 54 % de ces fonds ont été “attribués à l’adaptation au changement climatique” ou à des “actions transversales” atténuation-adaptation. Climate Action Tracker juge ce financement “faible” par rapport à la “juste part” de l’UE. “Pour améliorer sa notation, l’UE doit augmenter le niveau de ses contributions internationales et accélérer l’élimination progressive de la finance fossile”.
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