Partager la publication "COP29 : financements, crédits carbone et contradictions"
Alors que la COP29 s’est ouverte hier, lundi 11 novembre 2024, Bakou en Azerbaïdjan, WE DEMAIN revient sur les attentes et défis pour ce rendez-vous annuel sur le climat qui doit s’étendre jusqu’au 22 novembre, au moins. Sur les seuls trois premiers jours de l’événement, une centaine de dirigeants mondiaux sont attendus afin de lancer des négociations cruciales, qui seront ensuite menées par les ministres de l’environnement et hauts fonctionnaires de la plupart des pays de la planète.
Quelle est la feuille de route de ce sommet ? La question cruciale qui sera abordée est celle du financement de la lutte contre le changement climatique. Les pays en développement attendent des pays développés un vaste financement – on parle de milliers de milliards de dollars – pour les aider à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. L’hémisphère nord étant moteur dans les réchauffement climatique et les pays du sud étant en première ligne face aux dérèglements actuels, les premiers sont fortement incités à aider les seconds pour les aider à faire face aux phénomènes météorologiques extrêmes de plus en plus évidents provoqués par la hausse des températures.
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À l’instar de la COP28 qui s’est tenue l’an passé à Dubaï, les discussions de la COP29 ont lieu dans la capitale d’un des plus grands producteurs de pétrole et de gaz au monde. Mukhtar Babayev, qui préside cette conférence sur le climat, est le ministre de l’écologie et des ressources naturelles de l’Azerbaïdjan. Mais, tout comme le sultan Al Jaber qui présidait la COP28, ce dernier a longtemps travaillé (de 1994 à 2018) pour la compagnie nationale pétrolière et de gaz du pays, Socar.
Tout cela laisse songeur sur ce qu’il faut espérer de cette COP29 et alors même que l’espoir de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels s’amenuise rapidement. Cela est d’autant plus vrai que le sommet s’ouvre quelques jours seulement après la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine. Le futur président américain n’a pas hésité à qualifier au cours de sa campagne le réchauffement climatique de “canular” et d’”arnaque”. Bonne ambiance donc…
Cette COP29 sera la première fois que la question du financement de la lutte contre le réchauffement climatique sera à ce point au centre des débats. Mais, selon l’Accord de Paris de 2015, les signataires sont tenus d’établir un nouvel objectif de financement climatique d’ici 2025 pour aider les pays les plus pauvres à gérer les impacts de la crise climatique tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Il est donc nécessaire de prendre un nouvel engagement pour remplacer celui qui date du sommet de Copenhague en 2009 (COP15). Ce dernier avait fixé le financement à 100 milliards de dollars par an, une promesse non tenue, à l’exception des dernières années. Ainsi, en 2022, ce sont 116 milliards de dollars qui ont été alloués.
Mais la “dette climatique” est en croissance constante et il est temps de réagir. Le chef de l’ONU Climat, Simon Stiell, l’a rappelé hier lors de la cérémonie d’ouverture : “Il est temps de montrer que la coopération mondiale n’est pas au point mort. Elle est à la hauteur du moment.”
Selon lui, au moins 2 400 milliards de dollars “voire plus” sont nécessaires chaque année d’ici 2030. Il s’appuie en cela sur un rapport publié par le Groupe d’experts de haut niveau sur le climat. Avec une crainte : que ce financement ne se transforme en une sorte de “colonialisme vert”.
Reste qu’il est peu probable que les pays développés proposent davantage qu’un triplement du montant actuel (100 milliards de dollars) d’ici 2035. Il est donc nécessaire de trouver de nouvelles sources de financement pour combler ce fossé. Cela pourrait passer par des taxes sur les combustibles fossiles, sur le transport maritime mondial, ou encore sur les activités à forte intensité de carbone. Mais leur mise en place au niveau mondial semble assez illusoire.
Ils sont eux aussi à l’agenda de cette COP29. Les quelque 200 pays participants ont adopté hier, lundi 11 novembre 2024, les premières règles internationales encadrant le marché des crédits carbone. Cette décision historique vise à standardiser et à réguler un marché jusqu’alors peu encadré, qui avait connu des problèmes de fraude et d’efficacité. Des méthodologies communes ont été définies pour calculer et attribuer les crédits carbone, ainsi que pour gérer les situations où le carbone stocké est perdu.
L’objectif est de permettre aux pays riches d’acheter des crédits à des nations ayant dépassé leurs objectifs de réduction d’émissions, tout en garantissant l’intégrité environnementale du système. Bien que d’autres textes soient encore nécessaires pour finaliser le cadre, cette décision marque une avancée significative vers un marché du carbone plus fiable et transparent afin de lutter contre les abus, les fraudes et le greenwashing.
Les technologies de géo-ingénierie, comme les boucliers solaires dans l’espace ou l’injection d’aérosols dans la stratosphère, captent de plus en plus l’attention en tant que solutions possibles pour limiter le réchauffement climatique. Toutefois, leur mise en œuvre comporte des risques énormes : des perturbations des écosystèmes aux impacts potentiellement désastreux sur les climats régionaux. La COP29 pourrait être l’occasion de poser des bases claires pour la gouvernance de ces technologies, en définissant des cadres éthiques et des normes internationales. L’idée est de s’assurer que la géo-ingénierie, si elle est utilisée, le soit avec une extrême prudence et sous surveillance collective, afin d’éviter des impacts imprévus qui pourraient aggraver la crise climatique plutôt que l’atténuer.
La question de la responsabilité et des risques associés à ces technologies pose également le défi de la transparence et de la concertation internationale. Si des nations ou des entreprises privées décident unilatéralement d’utiliser la géo-ingénierie, les conséquences pourraient être désastreuses pour d’autres pays. Il y a donc un besoin urgent de mettre en place des accords globaux à l’instar d’autres traités internationaux adoptés par le passé sur des questions sensibles, comme la non-prolifération des armes nucléaires ou les accords sur la biodiversité.
Protéger la biodiversité est désormais une condition sine qua non pour lutter contre le changement climatique. Les écosystèmes naturels, qu’il s’agisse de forêts tropicales, de récifs coralliens ou de prairies, jouent un rôle clé dans l’absorption du carbone et la stabilisation des cycles de l’eau et du climat. À la COP29, il est attendu que des objectifs ambitieux de protection de ces milieux soient fixés, avec des engagements pour préserver des zones critiques et interdire l’exploitation d’habitats fragiles. Par exemple, certains militants et experts plaident pour des sanctuaires marins élargis, couvrant au moins 30 % des océans d’ici 2030, afin de limiter les dégâts causés par la pêche industrielle et le réchauffement des eaux.
Ces objectifs de conservation pourraient être renforcés par des mécanismes de financement spécifique, en particulier pour les pays en développement qui abritent une grande partie des écosystèmes les plus vulnérables et les plus riches en biodiversité. Des décisions qui viendraient en appui de la COP16 Biodiversité qui s’est tenue il y a quelques jours à Cali (Colombie) et qui n’a pas donné les résultats espérés.
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