Partager la publication "“Depuis 10 ans, le marché du crowdfunding double chaque année”"
En 2009, Vincent Ricordeau, Adrien Aumont et Ombline Le Lasseur ont eu une idée : donner aux Français l’opportunité de réaliser les leurs.
35 000 projets, 125 millions d’euros collectés, 1,7 millions de KissBankers… En l’espace de 10 ans, Kiss Kiss Bank Bank (KKBB) – leur plateforme de financement participatif – est devenue leader sur le marché français.
Mais avant d’en arriver là, cette dernière a connu bien des évolutions : retour sur 10 ans de crowdfunding en France avec Vincent Ricordeau.
Vincent Ricordeau : Pendant les cinq premières années, la musique et l’audiovisuel représentaient 80 % des projets mis en avant sur la plateforme. D’ailleurs, on comptabilise aujourd’hui plus de 50 000 heures de contenu créé et diffusé grâce à KKBB. Nous nous sommes ensuite ouvert à divers secteurs créatifs : la mode, le design, les jeux, l’édition, la transition écologique, l’agriculture. Bref : tout ce peut toucher à la “Tech for good” au sens large.
La première consigne que reçoivent nos “coachs” en charge de la sélection des projets – et ce depuis le début de l’aventure KKBB – est de ne sélectionner que ceux qui ont un impact sociétal. Sur les 100 000 projets proposés en 10 ans, 35 000 ont été mis en ligne. Une bonne partie des rejets concerne des projets trop personnels : une cagnotte pensée pour financer des soins dentaires, par exemple. Nous tenons à travailler dans une logique d’impact citoyen tangible, loin de la finance traditionnelle en terme de taille, mais ayant tout de même de réels effets sur les communautés.
Lorsque nous avons mis en place le système de don moyennant une récompense sur KKBB, les créateurs de projets avaient tendance à offrir des expériences humaines à leurs contributeurs : une invitation à un concert, à une soirée de lancement… Depuis, la logique a évolué : les gens utilisent la plateforme pour tester leurs produits, presque à la manière d’une “market place”. Prenez Society ou Zadig : les dons KKBB reçus par ces magazines en échange des pré-abonnements offerts ont permis la production des premiers numéros.
Les utilisateurs nous ont effectivement poussés à repenser KKBB, et avec eux la concurrence américaine qui, dès 2013, s’est montrée plus diversifiée que nous ! Nous avons donc créé trois plateformes complémentaires les unes avec les autres. Le lundi, on peut donner à un projet artistique sur KKBB en échange d’une contrepartie. Le mardi, on devient philanthrope sur Gooded en visionnant des publicités dont les revenus générés sont reversés à des ONG. Le mercredi, on se convertit en businessman sur Lendopolis en plaçant son argent dans une entreprise consacrée à la transition énergétique.
Le documentaire Demain, réalisé par Cyril Dion et Mélanie Laurent, est une de nos plus grandes fiertés. D’une part, parce que le projet a levé la plus grosse cagnotte KKBB – 480 000 euros – ensuite parce que le film a contribué à responsabiliser la société française face au réchauffement climatique. Les jeunes créateurs sont de plus en plus sensibles à cette problématique et utilisent le crowdfunding pour y répondre positivement, ce qui oblige naturellement les plateformes à promouvoir des projets écolos.
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Sur les 8 % de commission, 5 % de marge brute servent à financer la plateforme et 3 % amortissent les frais techniques de transactions bancaires : sur un projet à 5 000 €, KKBB gagne 250 €. Il faut donc pédaler fort et collecter beaucoup pour faire vivre cette entreprise !
De 5 employés, nous sommes passés à 25 employés. Mais nous n’avons pas augmenté la commission car elle nous a toujours semblé juste : notre rôle consiste à proposer un outil capable de lever des fonds aux individus, non pas de les lever nous-mêmes !
Avant 2009, aucune banque ne voulait nous ouvrir de compte, et l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, ndlr) parlait de KKBB comme d’un projet légalement non réalisable. Il a fallu que le monopole bancaire saute pour que la situation soit officiellement régulée. Il a fallu faire du lobbying pour donner de la visibilité au crowdfunding. Fleur Pellerin et Emmanuel Macron se sont également emparés du sujet pour que deux statuts officiels voient le jour en 2014 : l’IFP (Intermédiaire en Financement Participatif) pour les plateformes de don et le CIP (Conseiller en Investissement Participatif) pour celles d’investissement.
Le cadre réglementaire impose aux plateformes de crowdfunding presque les mêmes contraintes que les banques, sans que nous ayions leur budget ! Résultat: les principales plateformes ont dû se marier aux banques pour ne plus dépendre de levées de fonds régulières. Leetchi et le Crédit Mutuel, Pot Commun et la Banque Populaire Caisse d’Épargne, KKBB et la Banque Postale depuis juillet 2017… Les plateformes qui ne fonctionnent pas ainsi auront, selon moi, disparues prochainement.
Ce mois-ci, des guichets KKBB ont ouverts dans les bureaux de poste de Rennes et de Nancy. On y accompagne les créateurs pour les aider à développer leurs projets. D’ici à 2023, ces installations vont se développer dans 2 000 autres bureaux de grandes villes françaises. Concernant notre développement à travers le globe, je suis plutôt serein : le marché international du crowdfunding double chaque année depuis 10 ans, malgré ses détracteurs de la finance traditionnelle. En 2020, il représentera 100 milliards de dollars dans le monde. Jamais un marché financier alternatif n’aura grossi aussi vite en si peu de temps : seuls les bitcoins, avec tout ce qu’on sait d’eux, peuvent contredire cela.
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