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Written by 17 h 07 min Déchiffrer, Societe-Economie

Donald Trump de retour : faut-il s’inquiéter pour l’écologie et la finance durable ?

Le second mandat de Donald Trump, qui débutera le 20 janvier prochain avec son investiture, suscite des inquiétudes sur la transition écologique et la finance durable. Mais entre ses discours et les réalités économiques, faut-il vraiment paniquer ?

Le 14/01/2025 par Florence Santrot
panneaux solaires new york
Vue sur New York à la tombée de la nuit avec, au premier plan, des panneaux photovoltaïques. Crédit : Delphotostock / Stock.adobe.com
Vue sur New York à la tombée de la nuit avec, au premier plan, des panneaux photovoltaïques. Crédit : Delphotostock / Stock.adobe.com

De retour au pouvoir pour 4 ans : le nouveau mandat de Donald Trump est annoncé pour beaucoup comme un drame. Citons, en vrac, sa volonté de s’opposer au “délire transgenre”, de “mener à bien la plus grande opération d’expulsion nationale de l’histoire américaine”, d’annexer le Groenland, le Canada ou encore le canal de Panama, de bannir l’avortement au niveau national, de remettre à plat le fonctionnement de l’OTAN, de nommer Robert F. Kennedy, neveu de JFK et vaccino-sceptique, au poste de ministre de la santé et de confier à Elon Musk la tâche de licencier en masse des fonctionnaires, réduire drastiquement les subventions fédérales et déréguler au maximum… L’inquiétude est légitime.

Et il en va de même si on écoute son point de vue sur l’écologie. Dire qu’il est climatosceptique n’est pas exagéré. Après avoir annoncé, lors de son premier mandat en 2017, le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris – retrait qui n’aura finalement pas lieu –, rien de bon ne se profile en 2025. Après avoir qualifié le réchauffement climatique de hoax en 2015 (canular), il ridiculise régulièrement les énergies renouvelables que sont le solaire et l’éolien en les qualifiant de “nouvelle arnaque verte” et en dénonçant les “horribles” projets de fermes éoliennes marines. Selon un rapport de CarbonBrief, le second mandat de Donald Trump pourrait ajouter 4 milliards de tonnes de CO2 dans l’atmosphère d’ici 2030. Mais entre les déclarations à l’emporte-pièce du futur président américain et la réalité, faut-il vraiment paniquer ?

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Les actions climatiques en suspens, mais pas totalement à l’arrêt

Le premier mandat de Donald Trump a déjà montré une certaine dissonance entre ses discours et la réalité des chiffres. Malgré ses positions climatosceptiques affichées, cette période a paradoxalement marqué un essor sans précédent des énergies renouvelables aux États-Unis. “Donald Trump n’était pas particulièrement pro-climat, déjà à l’époque, et pourtant, c’était une année de développement sans précédent pour les énergies renouvelables ou bien de vente de voitures électriques”, rappelle Joseph Choueifaty, cofondateur et CEO de Goodvest, plateforme d’épargne alignée sur les objectifs de l’Accord de Paris.

Comment expliquer ce paradoxe ? L’initiative privée et la volonté des États jouent un rôle central. La Californie, par exemple, a continué de se positionner comme un leader mondial des politiques climatiques. “Les États, malgré tout, pèsent très lourd dans la balance sur les incitations”, poursuit Joseph Choueifaty. Face au retrait de l’État fédéral sur les sujets climatiques, ces entités locales ont accéléré leurs efforts pour développer les infrastructures vertes et répondre aux enjeux environnementaux.

Mais, en parallèle, les lobbys du pétrole et du gaz s’activent pour maintenir leur influence auprès des Républicains. Donald Trump lui-même s’est déclaré en faveur de l’autorisation de nouveaux forages, sur terre et en mer. “We are gonna drill, baby, drill”, a-t-il déclaré en pleine campagne [“Nous allons forer, bébé, forer”, NDLR]. Et d’ajouter : “Nous avons plus d’or liquide sous nos pieds, d’énergie, de pétrole et de gaz que n’importe quel autre pays au monde. Nous avons un potentiel de revenus important.” En parallèle, il a promis d’abolir les politiques de Joe Biden sur le changement climatique.

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L’ombre de Musk sur le solaire et les voitures électriques

Un autre facteur clé pourrait être l’influence croissante d’Elon Musk, avec qui Donald Trump a tissé des liens très étroits depuis la fin de son premier mandat. “Elon Musk, certes très critiquable sur beaucoup de choses, reste un des acteurs les plus avancés dans la mobilité plus durable mais aussi dans le solaire, par exemple “, précise Choueifaty. Tesla, et plus largement le marché des véhicules électriques, pourrait ainsi tirer parti de cette relation pour maintenir la dynamique.

De même, Musk croit dur comme fer que le solaire est l’énergie parfaite pour recharger ses véhicules électriques et au-delà. Il s’en est déjà ouvert plusieurs fois et a investi dans ce marché. Dans ces conditions, difficile de croire que Trump prendra des positions hostiles face à cette énergies renouvelable. Même pour l’éolien, au regard du nombre d’emplois généré par le développement de cette activité, il semble peu probable que le futur président prenne des mesures drastiques. Les énergies renouvelables, dans leur ensemble, représentent un peu plus d’un million d’emplois aux États-Unis selon le rapport 2024 de l’IRENA. Et on ne touche pas à l’économie américaine.

La finance durable : entre menaces de Donald Trump et opportunités

L’impact potentiel d’un second mandat Trump ne se limite pas à l’écologie ; il touche aussi directement la finance durable, qui a connu un essor remarquable ces dernières années. Or, 60 % de l’économie mondiale se concentre aux USA. Une changement dans leurs politiques a donc un impact mondial. Et, comme le note Joseph Choueifaty, “les investisseurs vont rediriger beaucoup, beaucoup, beaucoup leurs activités vers les États-Unis”. Un mouvement accentué par le protectionnisme de Trump et ses politiques favorisant le marché intérieur. D’ores et déjà, depuis la victoire de l’homme d’affaires, Goodvest a constaté un ralentissement des investissements américains vers l’Europe.

Cette réorientation des capitaux représente notamment une menace pour les start-up européennes engagées dans la transition écologique. puisque “une grande partie de notre financement vient des US, aujourd’hui”, pointe le CEO de Goodvest. Mais tout n’est pas noir. La baisse des taux d’intérêt prévue en 2025 constitue une opportunité. “C’est une très bonne chose pour les entreprises dans la transition écologique, qui ont besoin de beaucoup de financement”, souligne Joseph Choueifaty. La baisse des taux rend en effet l’environnement de financement plus favorable et pourrait ainsi encourager de nouveaux investissements verts.

Il n’y a pas que les États-Unis dans l’équation

Si le retour de Trump suscite des inquiétudes, notamment en Europe, d’autres régions du monde continuent de progresser à un rythme soutenu, voire exponentiel. “Le reste du monde est toujours moteur en termes de transformation écologique, que ce soit l’Europe ou bien même la Chine, qui prend énormément de mesures. Et si les Etats-Unis veulent répéter une économie très puissante, ils ne peuvent pas rater ce changement qui est en train d’arriver partout dans le monde.” La Chine, en particulier, s’impose comme un leader mondial de la transition écologique, malgré son rôle de premier émetteur de gaz à effet de serre. “C’est assez impressionnant ce qu’ils font et les fonds qu’ils peuvent y mettre”, reconnaît Joseph Choueifaty.

IRENA
Les 10 premiers pays dans le monde en 2023 en matière de capacité électrique à partir d’énergies renouvelables. La Chine est loin devant et progresse très vite grâce à des investissements massifs. Crédit : IRENA.

Cette dynamique chinoise illustre un point essentiel : les États-Unis ne peuvent pas se permettre de rester en marge d’une transition climatique devenue un levier économique stratégique. En ce sens, même un président climato-sceptique pourrait être contraint par des réalités économiques globales, à défaut de pressions politiques ou sociales internes. “Est-ce que ça va être un mandat qui est aussi bon que Joe Biden sur la partie climat ? Probablement pas. Est-ce que ce sera autant la catastrophe qu’on est en train de le dire ? Nous pensons que ce ne sera pas le cas”, assure le CEO.

L’Europe, de son côté, avance sur ses propres réglementations, notamment via la taxonomie verte et les fonds dédiés à la finance durable. Cependant, pour renforcer son autonomie, l’Europe devra encourager davantage l’investissement local dans les infrastructures vertes et les solutions de transition.

De l’incertitude mais pas de fatalité face à l’arrivée de Donald Trump

In fine, le second mandat de Trump soulève des craintes légitimes, mais celles-ci ne doivent pas être exagérées. “Entre ce que Donald Trump dit et ce qu’il fait, il y a souvent un fossé”, rappelle le cofondateur de Goodvest. Les institutions, les États et les acteurs privés jouent un rôle de contrepoids important, limitant les marges de manœuvre du président.

Si ce second mandat ne sera probablement pas aussi favorable à l’écologie que celui de Joe Biden, il ne devrait pas être la “catastrophe” annoncée par certains. “On pense qu’il n’y aura pas de recul significatif”, conclut Joseph Choueifaty. La transition écologique, bien que mise à rude épreuve, reste portée par des forces économiques et sociales qui dépassent les aléas politiques. Au-delà des gouvernements, ce sont les entreprises, les citoyens et les initiatives locales qui porteront la transition écologique à long terme. C’est cette résilience qui pourrait faire la différence.

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