Économie circulaire : quel rôle pour le consommateur ?

Dans une précédente chronique, nous parlions des cycles d’économie circulaire. Quid alors du consommateur ? Comment peut-il choisir de faire évoluer son mode de consommation ?
 
Le consommateur a besoin d’information fiable d’un tiers de confiance
 
On connaît déjà les labels environnementaux, les labels bio, les labels sociaux, et on voit déjà pour l’économie circulaire des allégations ou labels qui tentent de rejouer ce qu’on a déjà connu avec le greenwashing dans le bio. En particulier, les mécanismes de certification qui ne sont pas basés sur des standards ouverts et évolutifs trouvent leur limite : les produits sont certifiés, sans forcément que les critères sociaux soient intégrés, que les analyses d’impact soient effectuées, et sans information ni organisation de la filière sur les usages. Avec un consommateur potentiellement troublé, des difficultés de mise en place, voire un risque sur la confiance portée par le consommateur aux démarches d’économie circulaire elles-mêmes.
 
Que penser d’une certification qui ne fixe pas par secteur industriel un niveau moyen de consommation énergétique et n’impose pas d’amélioration par rapport au niveau moyen ? Ou bien d’une volonté de minimiser l’empreinte en eau qui, dans le contexte actuel de tension sur la ressource, n’est pas transcrite en objectifs opérationnels ? Il existe pourtant sur le marché des certifications commerciales dont les cahiers de charges sont positionnés de la sorte et qui revendiquent des labels qualité de l’économie circulaire sur leurs produits.
 
A contrario, le droit européen a adopté de nombreuses directives et orientations rendant de plus en plus opérationnelle la démarche d’économie circulaire, même sur des sujets difficiles comme les enjeux santé-environnement, l’efficacité énergétique et la biodiversité. On peut citer entre autre la directive REACH qui a montré toute la puissance d’une base de donnée ouverte et partagée pour faire progresser l’industrie, y compris via les réseaux de fournisseurs et clients hors des réseaux de l’Europe, les exigences d’éco-efficacité par secteur industriel ou les règles de réduction à la source / réemploi / recyclage (les 3R) concernant la fin de vie. Principes encore confirmés par les récentes délibérations du Parlement Européen confirmant d’une part la généralisation des études d’impacts, de l’autre l’application des principes de prévention, de précaution et pollueur payeur.
 

Fabricants : informer sans être doctrinal
 
Travailler sur les usages est toujours une difficile opération. Comment trouver le bon ton, impliquer le consommateur sans apparaître prescripteur, donneur de leçon ou intrusif ? Et surtout ne pas donner l’impression que le fabricant se défausse sur le consommateur d’une responsabilité qui lui incombe, mais bien qu’il permet un mécanisme ou chacun est gagnant. Dans le secteur du luxe, plusieurs maisons montrent que de pareil transitions sont possibles : elles mettent en avant le fait qu’un produit de luxe durera très longtemps, peut se réparer en magasin tout au long de sa vie, est patrimonial et non jetable. On voit également des initiatives, comme celles du groupe LVMH, pour développer de nombreux cosmétiques dont le flacon, emballé au minimum, est un écrin qui devient durable et non jetable, que l’on ramène en magasin pour le recharger, où l’on pourra dans le même temps bénéficier de soins et conseils gracieux et par la suite être certain d’obtenir un excellent produit. Tous les ingrédients d’une recette réussie sont ici réunis : un consommateur responsabilisé qui a intérêt à agir, un produit qui reste tout aussi sain et sûr en devenant durable, une valeur du produit et du service qui permet que chacun ait intérêt à sa durabilité, et un lien de confiance entre le consommateur et la marque développé et démultiplié.
 
Passer d’un mouvement pionnier à un mouvement incontournable
 
Ces initiatives sont là, et il y en a bien d’autres. Pourtant, tout l’enjeu est désormais de généraliser, d’accélérer la transition du linéaire vers le circulaire, de faire de la non-toxicité une démarche qui n’est plus une cible lointaine mais une réalité revendiquée opérationnelle. De ne pas se contenter d’un taux de recyclabilité sans recyclage effectif garanti, mais de parler énergie, eau, biodiversité et plus globalement ressources effectivement préservés.
Nous pensons pour ceci qu’il n’y aura pas une recette miracle, une méthodologie, un concept ou une certification unique, mais que tous les acteurs ici cités doivent faire en sorte de passer d’une démarche concurrente, inutilement mercantile ou fermée via des brevets, marques déposés ou bases de données propriétaires à une démarche de co-construction, qui elle-même génère de très belles opportunités commerciales.
 
Ceci nous amène à des attentes très concrètes : celle d’une loi-cadre donnant une vision et des orientations, d’un droit à l’expérimentation écologiquement responsable sur les territoires, l’évolution des modèles économiques énergétiques pour reposer non sur les quantités vendues mais sur les économies d’énergies réalisées et le service rendu (un exemple inspirant étant les textes en vigueur en Californie), une amélioration des labels de performance existants, la création d’une agence du consommateur, mais aussi le passage d’une économie de production à une économie d’usage via un développement des garanties légales et des taxes différenciées. Ces mesures pourront progressivement prendre toute leur ampleur avec la mise en place dans les 5 ans de 10 démonstrateurs concrétisant ces engagements. Le Commissariat Général aux Investissements, Louis Gallois, précisait la semaine dernière qu’il était encore preneur de projets sur le sujet. Avis aux innovateurs !

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