Élection de Donald Trump : la démocratie abîmée, la politique dévalorisée

La colère et la rage ont paraît-il assuré la victoire surprise de Donald Trump. Ce ne sont pas les sentiments les plus nobles, mais ils sont humains. C’est le libre choix des citoyens. Les Américains ont, semble-t-il, manifesté leur angoisse identitaire, principalement dans l’électorat blanc, face à la mondialisation pourvoyeuse de fermetures d’usines et d’immigration, donc de multiculturalisme.

Une angoisse qu’il faut entendre, des phénomènes que l’on peut parfois réguler, mais qui sont inévitables, sauf à céder au repli dont l’histoire a prouvé qu’il conduit immanquablement à la violence et au déclin.

Les Américains ont aussi crié leur peur du déclassement que les gouvernants n’ont pas voulu voir. L’économie de marché produit de la richesse, mais ne sait pas la répartir. Les études montrent que depuis 30 ans, les gains de la croissance ont été confisqués par les 1 à 2 % de la population la plus fortunée, quand les classes moyennes et ouvrières ont vu leurs revenus baisser. Dans les années 70, le 1% des Américains les plus riches détenaient le quart du patrimoine national. Aujourd’hui, c’est la moitié…

Dévalorisation de la politique

Le paradoxe, c’est que celui qui vient de se faire élire est un milliardaire héritier et magouilleur qui a justement profité pleinement de cette montée des inégalités, sans même payer d’impôts… Mais c’est le choix du peuple souverain.

Là où la démocratie est atteinte, c’est quand la campagne ne dépasse pas le caniveau, quand l’insulte et l’outrance remplacent le programme et les arguments. Toutes les idées sont respectables. Même quand elles sont contradictoires : comment dans un pays déjà surendetté peut-on à la fois baisser les impôts des plus riches et promettre 1000 milliards de travaux publics ?

En revanche, le racisme, la xénophobie, le sexisme, l’homophobie sont des délits qui n’ont pas leur place dans une démocratie. Pas plus que les promesses de légaliser la torture, ou d’expulser 11 millions de personnes. “Mais une fois élu, il n’en fera rien”, tempèrent quelques bonnes âmes. C’est justement cela qui dévalorise la politique.

Discours violent

Asseoir toute sa campagne sur le nationalisme et les fantasmes du peuple contre le “système”, ou de la majorité silencieuse contre les “élites” est à la fois absurde puisque les populistes qui tiennent ces discours – de Trump aux Le Pen – sont souvent eux-mêmes les profiteurs du système, et surtout éminemment dangereux, comme nous l’ont appris les sombres années 30.
 
Ce discours violent qui cible les étrangers, les intellectuels, les experts, ou la fameuse “pensée unique”, est celui de tous les populistes. Il ne cesse de gagner du terrain et permet de remettre en cause les valeurs de la démocratie : la solidarité envers les plus pauvres ou les plus faibles, l’égalité homme-femme, la protection des minorités, la préservation de la planète…

Vent mauvais

Les partis populistes fragilisent les majorités de gouvernement en Europe, quand ils n’ont pas déjà pris le pouvoir et mis en œuvre des politiques anti-démocratiques, comme en Pologne ou en Hongrie. Les régimes autoritaires se durcissent vers une sorte de “démocrature” mêlant élections et dictature, en Russie, en Turquie ou dans les pays arabes qui avaient rêvé de “printemps”.

La Chine allie parti unique et capitalisme sauvage. Le Brésil a inventé le coup d’état institutionnel…Il y a quart de siècle, après la chute des dictatures communistes, Francis Fukuyama promettait un monde pacifié qui ferait converger l’économie de marché et la démocratie. Aujourd’hui le vent, mauvais, est plutôt au repli nationaliste, et au recul de la démocratie.

Gérard Leclerc.
 
 

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