Partager la publication "Émissions record de CO₂ en 2024 : +0,8 % au niveau mondial"
Malgré des efforts internationaux croissants, les émissions de dioxyde de carbone d’origine fossile atteignent un record inquiétant en 2024. D’après les chercheurs du Global Carbon Project, une équipe de 120 scientifiques, celles-ci s’élèvent à 37,4 milliards de tonnes, soit une hausse de 0,8 % par rapport à l’année dernière. Ce bilan montre que, malgré les avancées dans certains pays, “il n’y a toujours aucun signe d’atteinte d’un pic d’émissions de CO₂ fossile. Les effets du changement climatique sont de plus en plus dramatiques, mais rien n’indique encore que l’utilisation des combustibles fossiles ait atteint son maximum”, alerte Pierre Friedlingstein, coordinateur de l’étude et professeur au Systems Institute de l’université d’Exeter.
Les émissions de CO₂, cumulées avec celles provenant du changement d’affectation des sols, atteignent cette année 41,6 milliards de tonnes, soit un milliard de plus qu’en 2023. Les épisodes climatiques extrêmes comme El Niño accentuent ces émissions, provoquant des incendies et une déforestation marquée, en particulier au Brésil et au Canada. À noter d’ailleurs que l’élimination du CO2 par le reboisement ne compense à l’heure actuelle que la moitié des émissions dues à la déforestation.
Lutte contre les émissions de CO₂ : des efforts très inégaux selon les régions
Corinne Le Quéré, professeure de recherche à la Royal Society, pointe cependant des signaux qui permettent un certain optimisme : “les dernières données montrent des signes d’une action climatique généralisée, avec une pénétration croissante des énergies renouvelables et des voitures électriques qui remplacent les combustibles fossiles, ainsi qu’une diminution des émissions liées à la déforestation au cours des dernières décennies, confirmée pour la première fois”.
Cependant, les chiffres du Global Carbon Atlas montrent que les contributions varient largement d’un pays à l’autre. Les émissions de la Chine, qui représente 32 % du total mondial, devraient augmenter légèrement de 0,2 %, tandis que celles de l’Inde, troisième plus grand émetteur, connaissent une hausse significative de 4,6 %. A contrario, les émissions de l’Union européenne et des États-Unis devraient baisser respectivement de 3,8 % et 0,6 %.
La biodiversité toujours en première ligne
Ce contraste inquiète les chercheurs. Glen Peters, du Centre CICERO pour la recherche internationale sur le climat, rappelle que “l’action en faveur du climat est un problème collectif”, nécessitant que tous les pays accélèrent leur trajectoire vers le net-zéro pour contrer les pires effets du réchauffement.
Outre les combustibles fossiles, le changement d’affectation des terres, comme la déforestation, reste un problème majeur. Selon le Global Carbon Project, les émissions liées à la déforestation ont baissé de 20 % au cours de la dernière décennie, mais elles repartent à la hausse en 2024, alimentées par la sécheresse et les incendies de grande ampleur. Philippe Ciais, du LSCE, précise : “Tant que nous ne parviendrons pas à des émissions nettes de CO₂ égales à zéro à l’échelle mondiale, les températures mondiales continueront d’augmenter et de provoquer des conséquences de plus en plus graves.”
2030 pourrait être la date fatidique du dépassement des +1,5 °C
Le rapport du Global Carbon Project souligne que les émissions actuelles rapprochent dangereusement le monde du seuil de réchauffement de 1,5 °C, avec un budget carbone restant qui se réduit comme peau de chagrin. À ce rythme, les experts estiment que ce seuil pourrait être dépassé d’ici six ans. Pierre Friedlingstein avertit : “Le temps presse pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. Les dirigeants réunis à la COP29 doivent prendre des engagements pour réduire rapidement et fortement les émissions de combustibles fossiles”.
Et les puits de carbone, comme les forêts et océans, peinent de plus en plus à réguler le CO₂ supplémentaire émis. Bien qu’ils absorbent encore environ la moitié des émissions annuelles de CO₂, le réchauffement climatique compromet leur efficacité. “La faiblesse des puits de carbone continentaux est très importante, même si on a vécu un épisode El Niño qui est relativement modéré. On devrait atteindre un record de CO2 dans l’atmosphère à 422,5 ppm en 2024. C’est la projection qui est faite.”, pointe Pierre Friedlingstein. C’est 2,8 parties par million (ppm) de plus qu’en 2023, et 52 % au-dessus des niveaux pré industriels.
“On devrait atteindre un record de CO2 dans l’atmosphère à 422,5 ppm en 2024“, Pierre Friedlingstein.
Pour une action globale renforcée, la COP29 a un rôle crucial à jouer
Avec ce nouveau record d’émissions, les scientifiques appellent à une action rapide et concertée lors de la COP29. En dépit des progrès technologiques dans la capture de CO₂, comme les projets d’usines de captage de la start-up suisse Climeworks en Islande, ces dispositifs compensent actuellement un “millionième” des émissions fossiles. Seule la nature et la biodiversité pourront réellement compenser dans de larges proportions les émissions.
Les pays en développement, fortement touchés par le changement climatique, comptent sur des actions ambitieuses des grandes nations émettrices pour infléchir cette trajectoire. Mais pour cela, il est nécessaire d’adresser la question cruciale du financement.
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