Partager la publication "En Italie aussi, le ski est sur la mauvaise pente"
70 ans après Cortina 1956 et 20 ans après Turin 2006, les Jeux olympiques d’hiver seront de retour en Italie en février 2026. Il se tiendront dans la région de Cortina d’Ampezzo, dans les Dolomites, et de Milan, en Lombardie. Quatre ans avant que ce ne soit au tour de la France d’accueillir l’événement. Comme dans l’Hexagone, avec le dérèglement climatique et l’augmentation des températures, la montagne change de visage et de couleurs. Le traditionnel blanc de l’hiver laisse de plus en plus souvent place au vert des prairies et à des sommets peu enneigés. Environ 9 % des Français partent au ski chaque année (selon le Credoc), une proportion assez similaire à l’Italie.
Peu étonnant : février 2024 est le mois de février le plus chaud jamais enregistré dans le monde depuis l’ère préindustrielle, selon l’observatoire européen Copernicus. Rien que chez nous, en France, il a été particulièrement doux, avec des températures moyennes +3,6 °C au-dessus des normales de saison. Dans le Piémont aussi, les données étaient de près de 3 °C au-dessus de la moyenne sur les 30 dernières années (1991-2020). Conséquence : de plus en plus de stations de ski se retrouvent en difficulté. Entre fermetures et ouvertures par à-coups à l’aide de canons à neige, la situation devient très tendue.
Environ 90 % des pistes italiennes dépendent de la neige artificielle, contre 70 % en Autriche, 50 % en Suisse et 39 % en France.
Source : Legambiante, 2024.
Dans son rapport NeveDiversa 2024 (PDF), Legambiante, association environnementale apolitique italienne, 177 établissements ont été temporairement fermés dans la botte au cours de cet hiver. C’est 39 de plus que l’an passé. Et le nombre d’installations de ski désaffectées a atteint les 260 cette année, contre 249 en 2023. Le démantèlement et le réemploi ont pratiquement doublé d’une saison hivernale à l’autre, même si les chiffres restent encore assez faibles : de 16 à 31. Enfin, la saison de ski est de plus en courte, bien souvent écourtée d’un mois par rapport aux saisons moyennes des six derniers siècles, selon des données publiées dans la revue Nature Climate Change.
En février, avant les chutes de neige de début mars, la Fondation Cima rapportait que le déficit national en équivalent neige-eau, c’est-à-dire la masse équivalente en eau du manteau neigeux accumulé au sol, a diminué de 64 % dans l’ensemble des Alpes par rapport à 2023. Difficile dans ces conditions d’imaginer pouvoir avoir recours longtemps à de la neige artificielle pour combler le déficit de couverture neigeuse.
En Italie, les retenues d’eau sont en augmentation : 158 ont été recensées, selon le rapport NeveDiversa 2024 (+16 par rapport au rapport 2023) dont 141 dans les Alpes et 17 dans les Apennins. Mais les efforts en ce sens sont pour le moins court-termistes. Selon Mario Tozzi, géologue et défenseur de l’environnement, la puissance nécessaire pour fournir de la neige artificielle à toutes les stations alpines d’Europe équivaudrait à la consommation annuelle de 130 000 familles de quatre personnes. Peu crédibles pour les années à venir… Pourtant, les Jeux olympiques nécessiteront sans doute d’importants volumes d’eau, que ce soit en 2026 en Italie ou en 2030 en France.
Enfin, le document pointe du doigt une orientation des aides financières qui vont à l’encontre de l’histoire. 148 millions d’euros ont été alloués l’année dernière par le ministère du Tourisme pour la modernisation des remontées mécaniques et des systèmes d’enneigement artificiel quand seulement quatre millions ont été investis dans la promotion de l’écotourisme…
Legambiante a listé le top 10 des bonnes pratiques pour la saison hivernale en montagne. Ce sont, à chaque fois, des initiatives avec un rapport à la neige axé sur la durabilité environnementale du développement. Par exemple, en Ligurie, dans le Parc Naturel Régional de Beigua, il est possible de suivre l’un des cinq itinéraires balisés en raquettes, entre mer et montagne. En cas d’absence de neige, ce sont 50 kilomètres de randonnée qui sont à disposition. Des excursions “Sur les traces du loup” sont également proposées, pour informer le grand public sur la présence du canidé dans la région.
À lire aussi : Homeland, première station de ski sans remontée mécanique
Le ski-alpinisme fait aussi partie des nouvelles pratiques, une fréquentation de la montagne qui ne nécessite pas des équipements lourds comme des remontées mécaniques. Autre bonne idée : mettre davantage en avant les producteurs agricoles locaux, les artisans, les commerçants… afin de faire vivre différemment les vallées sur le plan économique. Enfin, les refuges d’altitude ont aussi leur carte à jouer. En l’absence de neige, ils peuvent ouvrir plus longtemps pour accueillir des amoureux de la montagne.
C’est le cas du refuge Willy Jervis, situé au fond du Val Pellice, dans la province de Turin, à 1732 mètres d’altitude. Circuits en raquettes balisés, sommets alentour accessibles si on est doté de crampons et même anneau de ski de fond de 8 kilomètres de long ont été installés. Preuve que des alternatives plus respectueuses de l’environnement pour l’avenir sont possibles.
SOUTENEZ WE DEMAIN, SOUTENEZ UNE RÉDACTION INDÉPENDANTE
Inscrivez-vous à notre newsletter hebdomadaire
et abonnez-vous à notre magazine.
Cofondateur de la marque de vêtements techniques Lagoped, Christophe Cordonnier défend l'adoption de l'Éco-Score dans…
Chaque année, comme un rituel bien huilé, le Black Friday déferle dans nos newsletters, les…
Fondé par une femme, Jay Graber, le réseau social Bluesky compte plus de 20 millions…
À la COP29 de Bakou, les pays en développement attendent des engagements financiers à la…
Pourquoi et comment un groupe français de services numériques décide de mettre la nature au…
Face aux pressions anthropiques croissantes, les écosystèmes côtiers subissent une contamination insidieuse par des éléments…