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Éric Scotto (Akuo Energy) : “L’agrivoltaïsme est une des clés majeures pour l’avenir”

Producteur indépendant d’énergie renouvelable et distribuée, le français Akuo Energy compte aujourd’hui quelque 500 employés et affiche un chiffre d’affaires de 233 millions d’euros pour 2021, en hausse de 9 %. Pionnière dans son domaine, cette ETI française implantée dans de nombreuses régions du monde a d’ores et déjà installé et mis en service 1,4 GW de capacités renouvelables sur les quinze dernières années. Elle accélère désormais son développement et prévoit de démarrer le financement et la construction en 2023 de 2 GW de capacités, répartis sur dix pays.

Son président et cofondateur, Éric Scotto, croit notamment au développement de l’agrivoltaïsme, que le groupe a développé depuis 2007. Son offre “agrinergie” permet d’ores et déjà de produire 19 MW d’électricité en combinant production agricole et d’énergie solaire au sein d’un même projet. Panneaux solaires au sol, posés sur des ombrières par-dessus les cultures ou intégrés à des serres, les cas de figure sont multiples. Selon la spécificité géographique, il faut savoir s’adapter. Aujourd’hui, Akuo Energy gère plus de 30 projets d’agrivoltaïsme aux quatre coins du monde.

Par le biais d’Akuo Energy, vous faites la promotion de l’agrivoltaïsme. Pouvez-vous nous en dire plus ?

On va le voir partout dans les mois et les années à venir. C’est une des clés majeures pour l’avenir. Ce qu’on appelle l’agrivoltaïsme, c’est la combinaison, sur un même terrain, d’une production d’électricité photovoltaïque et d’une production agricole. C’est quelque chose que nous avons développé dès 2007 pour pousser la transition écologique et aussi faire en sorte que deux populations, les agriculteurs et les énergéticiens, se parlent et collaborent par le biais d’un point commun : le territoire. L’objectif est d’y recréer une attractivité et une résilience en combinant les deux types d’activité.

“L’agrivoltaïsme permet de recréer l’attractivité et la résilience des territoires.”

Eric Scotto.

Et cet agrivoltaïsme porte ses fruits ?

Nous avons de très nombreuses applications concrètes partout dans le monde qui fonctionnent. Elles ne sont pas au stade de projet mais des réalités, avec des bénéfices réels. Le but maintenant est de faire savoir que ça marche, pourquoi ça marche et que cette méthode soit copiée pour qu’on accélère sur le déploiement de l’agrivoltaïsme partout dans le monde. L’important est de s’adapter selon la zone géographique. Dans l’Aude ou dans le Gard, par exemple, il y a 10 ans, on était vilipendé parce qu’on avait l’outrecuidance de couvrir des abricotiers avec des ombrières photovoltaïques. La démarche n’était pas juste d’occuper de l’espace et de couvrir ces arbres fruitiers. C’était de faire comprendre qu’avec l’accélération du changement climatique, les épisodes violents, comme la grêle, vont se multiplier. Et donc couvrir les abricotiers pour les protéger.

Un projet de serre sur des plantations de fleurs en République Dominicaine. Crédit : Akuo Energy.

Autre exemple : si vous voulez faire du bio sans traiter, il y a une problématique, ce sont les fongicides, les champignons. Si, au moment de la floraison, il n’y a pas d’eau sur les fleurs, cela ne va pas se développer sur la plante. En revanche, on peut équiper nos installations d’équipements comme des nichoirs par exemple, pour faire revenir les oiseaux sur la zone. Nous regardons aussi s’il est utile de recréer des mares. Le but dans notre démarche est de co-créer un écosystème et cela nécessite donc que les deux expertises, agriculteur et énergéticien, se parlent. Nous, cela fait 15 ans qu’on y travaille.

Comment concevez-vous le modèle économique ?

Il faut d’abord étudier les cultures qu’on compte y faire. Par exemple, nous avons un projet de développement des blés anciens. Ceux-ci n’ont pas besoin d’être recouverts de panneaux photovoltaïques. En revanche, sur un terrain de 100 hectares où on plante ces cultures, on va s’assurer que 20 hectares de ce total est capable d’assurer la pérennité économique du modèle complet. L’énergéticien, qui peut obtenir des prêts à long terme par les banques, va consacrer une partie de ses revenus sur le long terme au soutien d’une activité plus fragile qui serait la régénération du sol et la création d’une activité autour des blés anciens.

De même, tous nos systèmes récupèrent l’eau. Il y a suffisamment d’eau sur toute la planète mais la difficulté est de la capter au bon moment. Quand elle tombe en trop grande quantité, c’est très compliqué. Nous faisons au moins en sorte d’en récupérer une partie et de la stocker pour que l’agriculture puisse ensuite l’utiliser en période de sécheresse.

Vous avez aussi créé des serres anticycloniques à la Réunion…

Des serres anticycloniques. Crédit : Akuo Energy.

Tout à fait. On peut d’ailleurs les voir au début du film Demain de Cyril Dion. Ces serres anticycloniques rendent plusieurs services à la collectivité. Elles mixent sécurité alimentaire et espace agricole optimisé car il est rare sur l’île. Sécurité alimentaire car ces serres protègent les plantations et donc, même en cas de passage d’un cyclone par exemple, cela assure que les plantations ne seront pas détruites. Et optimisation de l’espace car, sur une même surface, deux activités cohabitent et nous n’avons pas eu à investir de nouveaux espaces qui auraient pu servir à la préservation de la biodiversité ou autre.

Comment choisissez-vous quel type de projet d’agrivoltaïsme mener à quel endroit ?

Nous avons comme particularité d’avoir créé il y a très longtemps notre propre société agricole avec des ingénieurs agronomes pour co-construire intelligemment des modèles avec les agriculteurs.

Quel est l’accord que vous passez avec eux ?

Dans la plupart des cas, nous louons leur terrain. Et en échange de leur acceptation de notre présence sur le long terme, on co-construit cet écosystème. Parfois, nous achetons les terrains car il n’y a pas de repreneurs. Dans cette situation, nous plaçons des agriculteurs qui n’ont pas accès au foncier.

La centrale solaire flottante O’MEGA1, située à Piloenc, dans le Vaucluse. Crédit : Akuo/YouTube.

Quelles types d’énergies renouvelables déployez-vous ?

Au fil des années, nous avons un peu tout testé pour voir ce qui était le plus efficace. Nous avons fait pendant cinq ans de l’hydrogène, on a testé le biogaz et l’hydraulique (que nous continuons à exploiter en Bulgarie), on a fait de la biomasse puis on a compris qu’il ne fallait pas exploiter même le résidus des arbres. Cela doit rester dans la forêt car cela participe à l’écosystème, comme l’explique si bien l’ouvrage La vie secrète des arbres de Peter Wohlleben.

Dernièrement, nous sommes revenus aux fondamentaux, à ce qui est le plus efficace et le plus économiquement rentable : le solaire et l’éolien, qui sont deux de nos piliers principaux d’activité, quasi à égalité. À cela, il faut compléter par le stockage mais aussi le digital. Ce dernier est fondamental dans notre capacité à maîtriser et piloter les énergies renouvelables.

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