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Et si, finalement, la finance sauvait le climat ?

Par Thibault Laconde, ingénieur et juriste, blogueur sur les questions d’énergie et de développement durable.

Le 20/02/2015 par WeDemain
Source: greenbusinessguide.co.za
Source: greenbusinessguide.co.za

Notre contributeur nous explique comment les si-décriées agences de notation américaines pourraient bientôt participer à la lutte contre le changement climatique. Comment ? En abaissant les notes des entreprises les moins vertueuses.

Vous n’associez pas a priori Standard & Poor’s à la lutte contre la changement climatique ? Vous avez peut-être tort : en avril, l’agence de notation doit rendre publique sa nouvelle méthodologie pour intégrer les risques liés au changement climatique dans ses recommandations. Imaginez ce qu’il se passerait si, d’un seul coup, les entreprises qui émettent le plus de gaz à effet de serre ou qui sont mal préparées au changement climatique voyaient leurs notes baisser… Cette annonce sera peut-être l’un des signes forts sur le chemin de la COP21 !

Les financiers de plus en plus sensibles aux risques climatiques

Refuser de placer son argent dans les industries les plus polluantes ou le retirer progressivement (le désinvestissement ou “divestment” en anglais) était jusqu’à assez récemment un comportement militant. Les universités anglo-saxonnes, poussées par leurs étudiants et professeurs, s’y sont illustrées depuis quelques années comme d’autres fonds déjà impliqués dans l’investissement socialement responsable.
Mais depuis le sommet de New York en septembre 2014, c’est l’ensemble de l’industrie financière qui commence à s’intéresser au climat, et le prendre en compte dans les décisions d’investissement est de moins en moins tabou… Dans une étude récente, Novethic a recensé les investisseurs internationaux qui ont pris des engagements en matière de changement climatique. Résultats :

550 banques, assurances, fondations, etc. gérant plus de 22.000 milliards d’euros se sont déjà engagées pour le climat.

Pourquoi ? Parce que les investisseurs perçoivent désormais des risques réels pour la valeur de leurs portefeuilles :
 
1. Risque carbone, c’est-à-dire le risque de voir les entreprises très émettrices en gaz à effet de serre perdrent de la valeur parce que de nouvelles réglementations rendent leurs opérations plus difficiles, voire remettent en cause leur business-model. Les premiers concernés sont les énergéticiens qui détiennent des réserves de pétrole, de charbon ou de gaz : ces actifs ont-ils encore une valeur alors que la communauté internationale s’est engagée à limiter le réchauffement à 2°C, ce qui implique de laisser dans le sol un tiers des réserves de gaz, deux tiers de celles de pétroles et 80% du charbon ?
 
2. Risque climat, c’est-à-dire le risque que le changement climatique mette des entreprises en difficulté. C’est par exemple le cas de l’agro-alimentaire : est-il réellement préparé pour faire face à une baisse des rendements agricoles ou à un accès plus difficile à l’eau ?
Standard & Poor’s ne fait finalement que suivre le mouvement. A partir du printemps ses avis devraient prendre en compte ces deux types de risques, avec un très fort effet de levier : la dégradation de la note des entreprises carbo-intensives va rendre instantanément plus difficile les investissements dans de nouvelles énergies fossiles comme les sables bitumineux ou le gaz de schiste. A l’inverse, les entreprises résilientes au changement climatique ou peu émettrices pourront accéder plus facilement aux fonds.

Et après ? Comment mettre (et garder) le secteur financier sur la voie des 2°C ?

Il est bien entendu trop tôt pour se réjouir. Cette évolution pose de nombreuses questions : Comment mesurer l’empreinte carbone d’un portefeuille ? Peut-on décliner dans le domaine de la finance l’objectif des 2°C ? En particulier, comment faire en sorte, non seulement de ne plus investir dans les activités polluantes, mais aussi de financer celles qui permettent la transition comme l’efficacité énergétique ou les énergies renouvelables ?
Une question très concrète par exemple : faut-il réellement désinvestir ? Certes, ça rendra la vie des pétroliers plus difficiles mais ça ne les incitera pas vraiment à améliorer leurs pratiques. Ne vaudrait-il pas mieux continuer à investir dans le secteur des énergies fossiles mais seulement chez les “best in class“, les entreprises qui font de réels efforts ?
De nombreux travaux sont en cours sur ces sujets, notamment chez le World Ressource Institute qui devrait les publier pendant la Climate Week en mai prochain.
 
Enfin, et surtout, la finance est une affaire d’anticipation. Si le secteur bouge aujourd’hui, c’est parce qu’il anticipe des réglementations plus sévères. Il ne continuera pas longtemps dans cette voie si la mobilisation de la société civile s’essouffle ou si les gouvernements semblent incapables de limiter réellement les émissions de gaz à effet de serre.
Un changement important est peut-être en train de prendre forme mais il reste fragile… et notamment conditionné à la réussite de la conférence de Paris sur le Climat !

Retrouvez cet article et bien d’autres sur le blog de Thibault Laconde Énergie et Développement, lauréat du Golden Blog Award en 2014 dans la section « écologie et environnement ».

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