Déchiffrer

Et si les “super vers” étaient la solution pour recycler le plastique ?

Le recyclage du plastique pourrait bien passer par eux. En anglais, on les appelle les superworms, ces “super vers” sont en réalité des larves des coléoptères Zophobas morio, que l’on appelle communément des vers de farine géants. Mesurant 5 à 6 centimètres de long, ils sont capables de consommer du polystyrène et même de survivre avec un régime de polystyrène seul, ont découvert des chercheurs de l’Université australienne du Queensland.

Le polystyrène est une forme de plastique très commune, que l’on retrouve aussi bien sous forme expansée, pour les emballages par exemple, que sous forme plus dense pour certains élements de stylos à bille, les couverts jetables ou encore les boîtiers de CD. Ce type de plastique et non seulement polluant à la fabrication mais il est également compliqué à recycler. Résultat : on le retrouve souvent dans les décharges sauvages, dans la nature et… fatalement dans les océans.

3 semaines au régime polystyrène

Début juin, l’équipe du professeur Christian Rinke, de l’université du Queensland a publié les résultats de son étude dans le journal Microbial Genomics. “Dans cette étude, nous avons évalué les changements dans le microbiome intestinal des supervers (Zophobas morio) en les nourrissant soit avec du son, soit avec du polystyrène, soit en les affamant pendant une période de 3 semaines. Nous avons confirmé que les super vers pouvaient survivre avec un régime de polystyrène seul, et même prendre un peu de poids – par rapport à un groupe témoin soumis à la famine – ce qui suggère que les vers peuvent gagner de l’énergie en mangeant du polystyrène”, peut-on lire dans le résumé de l’étude.

Ce régime n’a pas empêché leur développement naturel : les larves de ces insectes sont devenues des nymphes puis des coléoptères adultes. Néanmoins, l’étude a permis d’établir que la monodiète au polystyrène déclenchait une perte de diversité microbienne dans les intestins des larves. Et le développement d’agents pathogènes potentiels. Le régime leur permet donc de survivre mais non sans impact sur leur santé.

Des enzymes intestinales capables de digérer le plastique

Pour comprendre comment ces larves de vers géants de farine parvenait à digérer et tirer un peu d’énergie du polystyrène, les chercheurs australiens ont analysé leurs intestins. A l’aide de la métagénomique, un procédé méthodologique qui permet d’étudier le microbiome, ils ont trouvé quelles enzymes codées par les gènes étaient impliquées dans la dégradation du plastique.

Du polystyrène dans l’intestin d’une larve de super vers. Photo : The University of Queensland.

Ils en ont également conclu que, pour utiliser les vers géants de farine à des fins de recyclage du plastique, il serait intéressant de ne pas leur imposer une monodiète mais de mixer le plastique avec des déchets alimentaires ou des bioproduits agricoles. “Cela pourrait être un moyen d’améliorer la santé des vers et de répondre à la problématique de la grande quantité de déchets alimentaires dans les pays occidentaux”, indique Christian Rinke.

Imiter les super vers pour recycler le plastique à grande échelle

Plutôt que de créer d’énormes fermes de super vers, l’étude suggère plutôt de créer des usines de recyclage qui imiteraient ce que font les larves. “Nous voulons supprimer les super vers de l’équation”, assure Christian Rinke. L’idée est donc de déchiqueter dans un premier temps le plastique puis de laisser agir des enzymes similaires à celles présentes dans le microbiome des larves. Possiblement même des enzymes encore plus efficaces, car améliorées par l’entremise de l’ingénierie enzymatique.

Recent Posts

  • Découvrir

Tout comprendre au biomimétisme : s’inspirer du vivant pour innover

Le biomimétisme, ou l'art d'innover en s'inspirant du vivant, offre des solutions aussi ingénieuses qu'économes…

2 heures ago
  • Déchiffrer

Christophe Cordonnier (Lagoped) : Coton, polyester… “Il faut accepter que les données scientifiques remettent en question nos certitudes”

Cofondateur de la marque de vêtements techniques Lagoped, Christophe Cordonnier défend l'adoption de l'Éco-Score dans…

21 heures ago
  • Ralentir

Et si on interdisait le Black Friday pour en faire un jour dédié à la réparation ?

Chaque année, comme un rituel bien huilé, le Black Friday déferle dans nos newsletters, les…

1 jour ago
  • Partager

Bluesky : l’ascension fulgurante d’un réseau social qui se veut bienveillant

Fondé par une femme, Jay Graber, le réseau social Bluesky compte plus de 20 millions…

2 jours ago
  • Déchiffrer

COP29 : l’Accord de Paris est en jeu

À la COP29 de Bakou, les pays en développement attendent des engagements financiers à la…

3 jours ago
  • Déchiffrer

Thomas Breuzard (Norsys) : “La nature devient notre actionnaire avec droit de vote au conseil d’administration”

Pourquoi et comment un groupe français de services numériques décide de mettre la nature au…

4 jours ago