3 pistes pour mettre fin au fléau des armes à feu

254. C’est le nombre de fusillades de masse* qui ont eu lieu aux États-Unis en 2019, soit plus d’une par jour. Le week-end dernier, deux tueries ont éclaté en l’espace de 13 heures, à El Paso, au Texas, et à Dayton, en Ohio. Le bilan, qui continue de s’alourdir, s’élève à 31 victimes.

Ces chiffres glaçants relancent l’éternel débat sur le contrôle des armes à feu aux États-Unis. Au pays où le Deuxième amendement est roi, abroger le droit au port d’arme est inimaginable. 

Mais fusillades après fusillades, des propositions refont surface pour une régulation plus stricte, soutenue par la majorité des Américains. Lesquelles sont susceptibles de fonctionner et d’être votées par le Congrès ? We Demain fait le point.

*Source : Gun Violence. L’ONG définit une fusillade de masse comme une fusillade au cours de laquelle quatre personnes ou plus se font tirer dessus et/ou sont tuées (sans compter le tireur), qu’importe le motif (racial, religieux, règlement de comptes, trafic de drogue, etc.). 

Interdire les fusils d’assaut et les chargeurs de grande capacité

Les fusils d’assaut sont des fusils automatiques ou semi-automatiques, souvent équipés d’un chargeur de grande capacité. Ce sont les armes les plus utilisées lors des tueries de masse, et surtout les plus meurtrières. À Dayton, en Ohio, l’assaillant a fait 9 morts et 27 blessés en seulement 32 secondes, avant que la police ne l’abatte.

La vente de fusils d’assaut a déjà été interdite par une loi, le “Federal Assault Weapons Ban “, signée par Bill Clinton en 1994. Mais à son expiration en 2004, le Congrès ne l’a pas renouvelée, malgré les demandes de Barack Obama. 

Et Donald Trump vient d’écarter une nouvelle interdition : “Je peux vous dire qu’il n’y a pas d’appétit politique pour le faire pour l’instant”, a-t-il déclaré, mercredi 7 août. 

Pourtant, d’après un récent sondage de Politico, environ 70 % des Américains sont pour une interdiction de ce type de fusils.

Tous les candidats à l’investiture démocrate le sont aussi. Mais avec Donald Trump comme Président et une majorité républicaine au Sénat, il semble peu probable qu’une telle loi soit votée prochainement. 

Vérification des antécédents pour tous

Autre grande réforme qui est sur toutes les lèvres après chaque fusillade : le “universal background check”, soit la vérification des “antécédents” pour tous. Elle permet d’interdire l’achat d’une arme aux mineurs, aux fugitifs, aux sans-papiers, aux toxicomanes, aux personnes ayant des troubles mentaux ou ayant des antécédents de violence domestique. 

Pour le moment, cette vérification n’est obligatoire que dans les armureries agréées. Mais il est tout à fait possible d’acheter une arme en ligne, sur des sites ne demandant aucune garantie, dans des foires, ou même à des particuliers.

À lire aussi : À Chicago, des fusils en libre-service dans des bornes de Vélib’

En février, la Chambre des représentants a fait passer un projet de loi imposant une vérification des antécédents même sur des sites comme Armlist, ou dans les foires. Ce projet a été bloqué par le Sénat, mais Donald Trump semble désormais y être sensible. 

Depuis les tueries d’El Paso et de Dayton, il a évoqué son intérêt à plusieurs reprises, mettant l’accent sur les troubles mentaux : “Je ne veux pas mettre des armes dans les mains de gens mentalement instables, ou enragés, ou haineux, de gens malades.” Il a ajouté qu’il était en négociation avec des membres du Congrès pour raffermir le contrôle des achats d’armes.

Tous les candidats démocrates se portent également en faveur de cette réforme, qui a donc de bonnes chances de passer. Dans les États possédant déjà un tel système, le taux de mortalité par balle par personne a diminué de 35 % entre 2009 et 2012. 

Les “red flag laws” : les ordonnances restrictives

Appelées “red flag laws”, ces lois permettent aux forces de l’ordre et à la famille de demander une ordonnance restrictive pour confisquer ou interdire temporairement l’accès à des armes à une personne qui présente une menace pour elle-même ou pour les autres. 

17 États et le district de Columbia disposent déjà de leurs propres “red flag laws”. Ces lois semblent efficaces pour prévenir les fusillades de masse car les tueurs présentent régulièrement des signes avant-coureurs (l’auteur de la tuerie de Dayton tenait une liste de personnes à tuer lorsqu’il était au lycée, celui d’El Paso avait posté des messages d’incitation à la haine sur les réseaux sociaux).

Donald Trump a ordonné au département de la Justice de travailler avec les plateformes de réseaux sociaux pour mettre en place des outils permettant de détecter un individu dangereux, avant qu’il ne commette une fusillade. 

Mais même si les réseaux sociaux arrivaient à filtrer tous les contenus alarmants, les “red flag laws” n’ont pas une efficacité immédiate. Une fois la demande d’ordonnance restrictive signée, un juge prend sa décision à l’issue de deux tribunaux, et l’inculpé garde le droit de contester.

Les grandes réformes des Démocrates

D’autres projets de réformes, plus ambitieux, existent également dans le camp des Démocrates. 

Huits candidats, dont Joe Biden et Bernie Sanders, soutiennent une politique de rachat des fusils d’assaut déjà en circulation. Les citoyens volontaires rendraient leurs armes, et seraient remboursés par l’État. Bill de Blasio, maire de New York et également candidat à l’investiture démocrate, propose, lui, le rachat obligatoire.

La sénatrice Elizabeth Warren, en troisième place dans les sondages, veut quand à elle mettre les bouchées doubles sur la recherche afin de savoir quelle réforme serait réellement efficace.

À lire aussi : États-Unis : 6 espoirs démocrates prêts à défier Trump

De nombreux établissements scolaires et universitaires font également de plus en plus attention à la santé mentale de leurs élèves. Ils encouragent à signaler des camarades au comportement ou propos alarmants, pour leur apporter de l’aide avant qu’ils ne commettent l’irréparable. 

Et tant que le Congrès ne votera pas un contrôle plus strict, des solutions temporaires et bancales continueront d’émerger, comme réaliser des simulations de fusillade dans les écoles, ou acheter un sac à dos pare-balles à son enfant. Les ventes de ces derniers ont explosé récemment… 

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