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Extinction Rebellion : les actions non violentes ont deux fois plus de chances de réussir

Le 08/10/2019 par Alice Pouyat
Les militants du mouvement écologiste Extinction Rebellion (XR) se sont notamment illustrés par des blocages de rues en Grande-Bretagne. Ici déguisés en abeilles souffrant du réchauffement climatique.(Crédit : Shutterstock)
Les militants du mouvement écologiste Extinction Rebellion (XR) se sont notamment illustrés par des blocages de rues en Grande-Bretagne. Ici déguisés en abeilles souffrant du réchauffement climatique.(Crédit : Shutterstock)

Ils ont surgi par centaines en plein cœur de Paris, bloquant l’accès du pont au Change ainsi que la place du Châtelet. Lundi, les militants du groupe écologiste radical et pacifiste Extinction Rebellion (XR) ont posé dans la rue leurs valises, pancartes et tentes en bambou, pour un sit-in qui pourrait durer trois jours, ponctué d’ateliers permaculture ou de méditation.
 
Cette occupation s’inscrit dans le cadre de la “Rebellion internationale d’octobre” d’XR, qui se déroule simultanément dans une soixantaine de villes du monde pendant quinze jours. Objectif de ce mouvement de désobéissance civile : obtenir l’état d’urgence climatique, la neutralité carbone dès 2025, et la création d’assemblées de citoyens pour surveiller cette rapide transition.

Né en Grande-Bretagne il y a un an, XR connaît une forte croissante : il revendique aujourd’hui 500 groupes dans 72 pays. Au moins 20 000 personnes à Londres. Environ 8 000 en France, au sein de 60 groupes locaux. Rues bloquées, militants enchainés à des banques, faux sang déversé… les actions sont provocantes mais toujours non violentes.
 
Quelle peut être leur portée ? Une étude américaine apporte un éclairage intéressant sur la question.

La clé du succès : une participation de 3,5 % de la population

Les fondateurs de XR basent leur doctrine sur les travaux d’une chercheuse en sciences politiques de l’université Harvard, Erica Chenoweth. Dans un article de 2008 titré Pourquoi la résistance civile fonctionne”, (Why Civil Resistance Works), résumé dans cette conférence TedX, elle démontre que “les grandes campagnes non violentes ont deux fois plus de chances d’atteindre leurs objectifs que les campagnes violentes“. Précisément, elles ont réussi dans “53 % du temps, contre 26 % pour les campagnes de résistance violentes”.
 
Pour arriver à ce résultat, la politologue a étudié plus de 300 campagnes violentes et non violentes (des boycotts, des grèves générales, des actions excluant l’usage d’armes, d’enlèvements et de tout autre préjudice physique à des personnes ou à des biens) entre 1900 et 2006.

Selon elle, la réussite de ces actions tient dans leur capacité de recrutement d’un grand nombre de participants, pouvant causer de grandes perturbations. Nul besoin en effet d’être en bonne santé pour y participer, de savoir manier des armes, ou d’infiltrer des réseaux clandestins (il est assez facile de rejoindre XR par exemple, en s’inscrivant sur sa Base).
 
Et ce nombre est crucial : une fois que 3,5 % environ de la population participe activement, le succès est très probable selon la chercheuse. La révolution Chantante estonienne ayant aboutie à l’indépendance du pays en 1991 ou la révolution des Roses en Géorgie ont atteint ce désormais fameux seuil des 3,5 %.
 
Selon la chercheuse, les campagnes non violentes ont également plus de chances de gagner le soutien de la police et de l’armée, de glisser vers le compromis plutôt que vers la guerre civile, et d’obtenir une condamnation internationale en cas de répression.

Franges plus violentes

Bien entendu, ces conclusions restent générales et si les résistances pacifiques étudiées sont plus efficaces que les conflits violents, elles échouent tout de même dans 47 % des cas. Les manifestations en Allemagne de l’Est dans les années 1950, qui ont attiré 400 000 personnes (environ 2 % de la population), n’ont pas amené de changement. On peut aussi penser que le pacifisme n’est pas la seule clé de la réussite des mouvements étudiés (le soutien de services secrets étrangers ou de partis politiques pouvant aussi jouer par exemple). Et qu’à l’époque des réseaux sociaux, les mobilisations peuvent être plus rapides, mais aussi plus éphémères.

Quant à la supposée bienveillance des forces de l’ordre, on notera qu’elles n’ont pas hésité, le 28 juin, à asperger de gaz lacrymogène des centaines de jeunes d’XR sur le pont de Sully, à Paris.
 
Qu’en sera-t-il cette fois ? Le mouvement sera-t-il réprimé par la force ? Atteindra-t-il un nombre suffisant pour faire bouger le système ? Sera-t-il débordé par des franges écologistes plus radicales et plus violentes qui elles aussi font entendre leur voix, comme Deep Green Resistance (DGR) ?
 
En France, XR semble encore parfois susciter de l’incompréhension. L’ancienne ministre de l’Écologie Ségolène Royal a par exemple appelé à “réprimer” très rapidement Extinction Rebellion. À l’inverse, c’est notamment à la suite des mobilisations de XR que les Parlements britannique et irlandais ont déclaré “l’urgence climatique” cette année.
 
“Ses membres se heurtent à beaucoup d’inertie. Mais je pense qu’ils ont un noyau incroyablement réfléchi et stratégique”, estime la politologue Erica Chenoweth, interrogée par la BBC. Qui propose au passage que les livres d’histoire accordent un peu plus d’attention aux soulèvements non-violents, et éclairent autant les guerres que l’action de Martin Luther-King ou de Ghandi.

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