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François Gemenne : “L’économie légère, une réponse immédiate aux lourdeurs du passé”

François Gemenne était le grand témoin du Premier Forum de l’Économie Légère, organisé par WE DEMAIN et l’environnementaliste Serge Orru et qui s’est tenu jeudi 3 octobre dernier à l’Hôtel de Ville de Paris. Professeur à HEC Paris, Président du Conseil scientifique de la Fondation pour la Nature et l’Homme et membre du GIEC, il a clôturé la journée en appelant à une redéfinition du progrès.

Pour lui, l’Économie Légère est à la fois un modèle économique et une réponse aux lourdeurs qui entravent la transition écologique. “Le progrès ne peut se limiter à l’économie, a-t-il insisté. Derrière cette question de l’économie légère, je pense que le plus important c’est fondamentalement que nous parvenions à redéfinir ce que nous appelons le progrès.” Selon lui, c’est la clé pour redonner confiance en l’avenir.

Regarder son intervention en intégralité :

S’affranchir du poids des lourdeurs du passé

“L’économie légère, c’est aussi une question de choix collectif” François Gemenne n’a pas hésité à pointer du doigt les résistances face au changement. “Nous avons été très lourds dans l’industrie, dans l’alimentation, dans nos schémas culturels… Et ces résistances sont amplifiées par la peur de renoncer à certains acquis.” Pourtant, pour lui, l’économie légère offre une voie où “une énergie plus légère, des transports plus légers, une alimentation plus légère” permettent une vie meilleure. Une vie débarrassée d’une partie de la charge mentale que nous avons accumulée au fil du temps.

Ce modèle, bien que difficile à mettre en place, propose des dividendes immédiats qui peuvent être concrets dans notre quotidien. Contrairement au climat, où les résultats des efforts ne se verront qu’à long terme, l’économie légère peut avoir un impact direct sur la qualité de vie actuelle : “Nous pouvons vivre mieux, dès maintenant, grâce à cette légèreté”, a insisté François Gemenne.

Ce n’est qu’ensemble qu’on pourra tracer ce nouveau chemin

L’un des enjeux majeurs pour Gemenne est la capacité à choisir ensemble. Mais cela est freiné par un contexte de pessimisme ambiant. “Je suis pessimiste de voir tant de gens pessimistes”, a-t-il confié. Il a comparé cette situation à un athlète aux Jeux Olympiques, qui ne peut espérer gagner une médaille d’or sans la conviction qu’il a une chance. “Je connais peu d’athlètes qui ont remporté une médaille et à qui leur entraîneur, dans les vestiaires avant la compétition, avait dit : ‘de toute façon tu n’as aucune chance, tu ne vas pas y arriver’.”

Il faut donc avoir cette force de conviction, cette confiance en la possibilité d’un avenir meilleur malgré les difficultés. “Je sais que ce n’est pas facile. J’ai contribué au travaux du GIEC. J’ai littéralement le nez sur les indicateurs et je vois bien les indicateurs climatiques passer de l’orange au rouge écarlate.” Et d’ajouter : “Parvenir à dessiner une nouvelle voie, un chemin, ne va pas être évident car nous avons été très lourds. Si nous avons tellement de mal à nous débarrasser de cette lourdeur, c’est parce que nous avons peur de renoncer à certaines choses sans être certains de ce qu’il y a derrière.”

Le pouvoir des petites victoires

Finalement, Gemenne a conclu en soulignant l’importance de valoriser les pionniers engagés dans ce modèle, ceux qui ouvrent la voie. “Cette transformation sera le fait d’une minorité engagée, visionnaire et pionnière”, a-t-il affirmé, appelant à ne pas sous-estimer le pouvoir de ces petites victoires” pour inspirer un chemin vers une économie plus légère et collaborative.

“Quoi que nous fassions, même si nous prenons des mesures drastiques immédiatement, les températures vont continuer à grimper pendant encore des décennies. C’est déprimant. Mais c’est là qu’entre en scène l’Économie Légère. Elle nous permet de toucher du doigt des dividendes plus immédiats qui vont transformer notre vie à nous, et pas uniquement celle des autres, pas uniquement celle des générations futures.”

Et de conclure : “Personnellement, je préfère nettement les petits matins aux grands soirs. Je ne crois pas à une sorte de bascule totale de la société d’un moment à l’autre. Cette grande transformation va se produire avant tout par l’action de minorités engagées qui vont réfléchir le chemin et qui vont pouvoir ouvrir la voie dans laquelle d’autres vont s’engager. Nous ne sommes pas naïfs, ce ne sera pas facile mais il faut absolument que nous puissions nous saisir de chacun de ces idéaux, de chacune de ces évolutions, pour construire à partir d’eux.”

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