Partager la publication "GIEC : des solutions urgentes pour des actions qui traînent"
L’humanité a pris tellement de retard dans le règlement de la crise climatique depuis les années 1990, qu’il faut désormais “des réductions de gaz à effet de serre (CO2 mais aussi du méthane), rapides, profondes et, dans la plupart des cas, immédiates dans tous les secteurs”. Sans cela, on ne pourra limiter le réchauffement à +1,5 °C, et même à 2 °C. C’est ce qui ressort du troisième volet du rapport d’évaluation 2021-2022 du GIEC dont le résumé destiné aux décideurs est paru ce lundi 4 avril.
Les deux premiers volets précisaient la gravité actuelle du réchauffement planétaire et ses conséquences qui seront de plus en plus dramatiques. Cette troisième partie du rapport traite des “solutions” à mettre en œuvre. Des éléments concrets à mettre en place au plus vite. La synthèse de ces trois rapports sera publiée en septembre 2022.
Or, avec 59 gigatonnes de CO2 équivalent en 2019 contre moins de 40 en 1990, les émissions de gaz à effet n’ont jamais été aussi importantes dans l’histoire humaine. Et ce, malgré l’existence des COP et du GIEC depuis trois décennies. En outre, on constate de fortes disproportions entre pays. 35 % de la population mondiale vit dans des pays qui émettent plus de 9 tonnes équivalent CO2 par habitant. A contrario, 41 % se trouve dans des pays émettant moins de 3 tonnes équivalent CO2 par habitant, chiffre le rapport.
“Dans les scénarios que nous avons évalués, pour limiter le réchauffement à environ 1,5 °C (2,7 °F), il faut que les émissions mondiales de gaz à effet de serre atteignent un sommet au plus tard en 2025. Et qu’elles soient réduites de 43 % d’ici 2030”, puis de 84 % en 2050 par rapport à 2019. “Même si nous le faisons, il est presque inévitable que nous dépassions temporairement ce seuil de température. Mais nous pourrions revenir en dessous d’ici la fin du siècle”, précisent les scientifiques.
Comment ? Selon le résumé de ce rapport, les “stratégies d’atténuation modélisées” incluent “la transition des combustibles fossiles sans captage et stockage (CSC) du carbone vers des sources d’énergie à très faible ou à zéro carbone. Comme “les énergies renouvelables ou fossiles avec CSC” et “l’amélioration de l’efficacité énergétique”. Ou encore “des méthodes d’élimination du dioxyde de carbone de l’atmosphère pour contrebalancer les émissions résiduelles de GES”…
Des émissions qui “sont difficiles à éviter, par exemple dans l’agriculture ou l’industrie”, indique Céline Guivarch, directrice de recherche au CIRED (Centre International de Recherche sur l’Environnement et le Développement).
Autrement dit, outre la reforestation ou l’agroforesterie, ces technologies de géoingénierie sont désormais bien intégrées aux moyens d’atténuation du réchauffement. Leur déploiement est “inévitable si l’on veut atteindre la neutralité carbone”, souligne même le résumé aux décideurs.
Cependant, “le boisement ou la production de cultures de biomasse pour les BECCS (bioénergie avec captage et stockage du carbone ) ou le biochar, lorsqu’ils sont mal mis en œuvre, peuvent avoir des impacts socio-économiques et environnementaux négatifs. Notamment sur la biodiversité, la sécurité alimentaire et hydrique, les moyens de subsistance locaux et les droits des peuples autochtones”, avertit le GIEC. Et “la fertilisation des océans, si elle est mise en œuvre, pourrait entraîner la redistribution des nutriments, la restructuration des écosystèmes, l’augmentation de la consommation d’oxygène, l’acidification des eaux profondes…”
Il ne s’agit pas d’un “substitut à réduire les émissions”, assure Céline Guivarch. Il faut avant tout, côté énergie, “une réduction substantielle de la consommation de combustibles fossiles (100 % pour le charbon, 60 % pour le pétrole, 70 % pour le gaz à horizon 2050). Une électrification généralisée (principalement par les énergies renouvelables). Une amélioration de l’efficacité énergétique et l’utilisation de carburants de remplacement (comme l’hydrogène)”, précise le rapport. Il met également l’accent sur “les changements dans nos modes de vie et nos comportements”. “La mise en place des bonnes politiques, infrastructures et technologies peut entraîner une réduction de 40 à 70 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050”, estime Priyadarshi Shukla, co-président du Groupe III du GIEC qui a élaboré ce rapport. Sans compter les bienfaits “sur notre santé et notre bien-être”.
Pour les scientifiques, les villes offrent également d’importantes possibilités de réduction des émissions. “Ces objectifs peuvent être atteints en réduisant la consommation d’énergie. Par exemple en créant des villes compactes et accessibles à pied. Ou encore en électrifiant les transports en combinaison avec des sources d’énergie à faibles émissions. Autre option : en améliorant l’absorption et le stockage du carbone par la nature”. Et, déjà, “nous avons des exemples de bâtiments zéro énergie ou zéro carbone dans presque tous les climats”, complète Jim Skea, autre coprésident du Groupe III.
Dans l’industrie, qui représente environ un quart des émissions mondiales, c’est une “utilisation plus efficace des matériaux, la réutilisation et le recyclage des produits et la minimisation des déchets”, qui sont mises en avant par le GIEC. En espérant également des “processus de production à faible ou à zéro carbone”, qui en sont à leur stade pilote. Mais, atteindre ici “la neutralité carbone sera difficile et nécessitera de l’électricité à faibles et à zéro émissions ou de l’hydrogène. Et, au besoin, du captage et du stockage du carbone”, prévient également le GIEC.
Côté agriculture et forêt, les changements d’utilisation des terres “peuvent réduire les émissions à grande échelle et aussi éliminer et stocker le dioxyde de carbone”, ajoutent les scientifiques. Tout en étant bénéfiques pour la biodiversité, pour l’adaptation au changement climatique, à l’alimentation, à la ressource en eau et en bois. “Toutefois, les terres ne peuvent pas compenser les retards dans la réduction des émissions dans d’autres secteurs”.
Ce nouveau rapport pointe également les obstacles à la mise en oeuvre de ces “solutions”. Par exemple du côté des flux financiers. Ceux-ci sont actuellement “trois à six fois inférieurs aux niveaux requis d’ici 2030 pour limiter le réchauffement à moins de 2 °C”. Pourtant, il y a “suffisamment de capitaux et de liquidités à l’échelle mondiale pour combler les lacunes en matière d’investissement”, estiment les scientifiques.
“Sans tenir compte des avantages économiques de la réduction des coûts d’adaptation ou des impacts climatiques évités, le produit intérieur brut (PIB) mondial ne serait que de quelques points de pourcentage inférieur en 2050 par rapport au maintien des politiques actuelles si nous prenions les mesures nécessaires pour limiter le réchauffement à 2 °C ou moins”, évalue Priyadarshi Shukla.
Malgré tout, les scénarios du GIEC ne sont pas une prévision de l’avenir, comme le précisent les scientifiques. Ils donnent un éventail de possibilités par rapport à des évolutions possibles du monde. Ils ne peuvent prévoir ni les guerres, comme actuellement en Ukraine, ni les crises… Pour l’instant, on en reste donc à la COP26 et à ses prévisions de réchauffement planétaire de l’ordre de 3 °C.
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