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GIEC : un sursaut massif… ou bien de la géo-ingénierie

Ce n’est pas de la science-fiction. Plus le réchauffement planétaire dépassera les 1,5 °C, plus des technologies de géo-ingénierie destinées à capter du CO2 atmosphérique (carbone dioxyde removal)  “seraient nécessaires pour revenir à 1,5 °C d’ici 2100”. Mais plus les réductions des émissions de gaz à effet de serre seront “rapides, profondes et soutenues”, plus ces hypothétiques options seraient limitées. C’est ce qui ressort des modélisations du “résumé à l’intention des décideurs” de 37 pages rédigé par près de 100 auteurs principaux du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) et publié ce 20 mars.

Une synthèse de six rapports de milliers de pages publiés ces dernières années. Et une synthèse qui a été validée ligne après ligne, jusque dans le week-end, par les délégations de gouvernements présentes pour ce rassemblement organisé à Interlaken, en Suisse. “Un guide de survie pour l’humanité” selon le secrétaire général des Nations-Unies, António Guterres.

“Un guide de survie pour l’humanité”

António Guterres, Secrétaire général de l’ONU.

Plus de 3 milliards de Terriens “très vulnérables aux changements climatiques”, selon le GIEC

Le constat de la situation actuelle reste en effet sans équivoque : 

  • une concentration de CO2 record (410 parties par million en 2019) depuis au moins deux millions d’années ;
  • +1,1 °C de réchauffement moyen pour la décennie 2011-2020 par rapport au XIXème siècle ;
  • des “émissions annuelles moyennes de gaz à effet de serre plus élevées en 2010-2019 qu’au cours des décennies antérieures” ;
  • une élévation du niveau de la mer approchant 4 mm par an entre 2006 et 2018 ;
  • des risques d’événements extrêmes (vagues de chaleur, sécheresses, fortes précipitations, intensité des tempêtes) accrus ;
  • 3,3 à 3,6 milliards de personnes “très vulnérables aux changements climatiques” ;
  • une productivité agricole qui ralentit ;
  • des impacts sur certains écosystèmes qui approchent “l’irréversibilité” (glaciers, écosystème de montagne, Arctique) ;
  • un réchauffement et une acidification des océans nuisant à la pêche et l’aquaculture ;
  • des chaleurs sources de la mortalité ; des maladies d’origine alimentaire, hydrique et vectorielle qui progressent ;
  • problèmes de santé mentale, des déplacements de population…

Une liste à la Prévert qui fait froid dans le dos.

Décalage entre engagements de Etats et mise en œuvre

Face à cela, le GIEC relève que si des progrès ont été effectués (efficacité énergétique, taux de déforestation, déploiement de technologies), les engagements des Etats (CDN, contributions déterminées au niveau national) demeurent bien insuffisants. 

Les flux financiers sont eux inférieurs à ce qu’il faudrait. Et il y a un décalage entre les CDN et leur mise en œuvre. Ce qui laisse envisager un réchauffement de plus de 3 °C à horizon 2100. 

D’un autre côté, les “flux de financement public et privé des combustibles fossiles” s’avèrent toujours “plus importants que ceux destinés à l’adaptation et à l’atténuation du climat”.

De plus, les politiques mises en œuvre pour atteindre la neutralité carbone sont “limitées”. Et “l’adoption de technologies à faibles émissions accuse un retard dans la plupart des pays en développement”, évalue le GIEC.

Une “courte fenêtre d’opportunité”, dixit les experts du GIEC

Le GIEC souligne également l’injustice liée au réchauffement. “Les communautés vulnérables qui ont historiquement le moins contribué aux changements climatiques actuels sont touchées de façon disproportionnée”. Par exemple, “la mortalité humaine attribuable aux inondations, aux sécheresses et aux tempêtes a été entre 2010 et 2020, 15 fois plus élevée dans les régions très vulnérables que dans les régions très peu vulnérables”.

Mais d’un autre côté, “les 10 % de ménages dont les émissions par habitant sont les plus élevées représentent 34 à 45 % des émissions de gaz à effet de serre des ménages, tandis que les 50 % les plus pauvres contribuent à hauteur de 13 à 15 %”. 

Pour l’avenir, “la poursuite des émissions de gaz à effet de serre entraînera une augmentation du réchauffement planétaire, l’estimation étant d’atteindre 1,5 °C à court terme”, avertit le document. Le GIEC estime toutefois qu’il y a encore une “courte fenêtre d’opportunité”.

Les différents scénarios des experts du GIEC. Source : IPCC.

Un plan massif international de “développement résilient”

“Des réductions profondes, rapides et soutenues des émissions de gaz à effet de serre permettraient un ralentissement perceptible du réchauffement climatique en l’espace d’environ deux décennies”, assure-il.

La solution ? “Le développement résilient”. Il s’agit d’intégrer “l’adaptation et l’atténuation pour faire progresser le développement durable pour tous”. Ce développement résilient massif serait “rendu possible par une coopération internationale accrue, y compris en facilitant l’accès à des ressources financières adéquates, en particulier pour les régions vulnérables”. 

Par exemple, “l’électrification à faibles émissions de carbone, la marche, le vélo et les transports en commun améliorent la qualité de l’air, améliorent la santé et les possibilités d’emploi et assurent l’équité”. Avec des avantages économiques qui “seraient à peu près les mêmes, voire plus importants, que les coûts de réduction ou d’évitement des émissions”.

Des changements “systémiques” nécessaires, selon le GIEC

Les changements requis “pour réaliser des réductions d’émissions rapides et profondes et une adaptation aux changements climatiques transformatrice ” sont “systémiques” et “sans précédent en termes d’échelle”, estime le GIEC. 

Ils concernent tout à la fois les systèmes énergétiques, l’industrie et les transports, les villes et infrastructures, les terres, les océans, les aliments et l’eau. Entre autres leviers : électrification à grande échelle, diversification de la production d’énergie, gestion de la demande, changements socioculturels et comportementaux, efficacité énergétique, flux circulaires de matériaux, forme urbaine compacte, co-implantation des emplois et des logements, restauration des écosystèmes, alimentation saine et durable, soutien des transports en commun, de la marche ou encore du vélo, ou encore conception, construction, rénovation et utilisation efficaces des bâtiments,…  

Sans parler de la résilience de la biodiversité et de ses services écosystémiques. Ce qui nécessite “une conservation efficace et équitable d’environ 30 % à 50 % des terres, des eaux douces et des océans de la planète”.

Affaiblissement des puits naturels de carbone

Sans tout cela, les pertes et les dommages prévus pour les humains et les écosystèmes vont s’accroître avec le temps, estime ce résumé pour décideurs. Jusqu’à ce que l’adaptation ne soit plus forcément possible. 

Le GIEC confirme ainsi qu’un réchauffement continu intensifiera encore les vagues de chaleur et sécheresses, la fonte des glaces, le cycle de l’eau,”y compris sa variabilité”. Comme les conséquences pour l’humanité. Tandis que “les puits de carbone terrestres et océaniques devraient absorber une proportion décroissante de ces émissions”.

Il est également prévu que la probabilité de changements brusques ou irréversibles augmente avec le réchauffement climatique: accélération de la hausse du niveau de la mer et ses événements extrêmes, perte supplémentaire de biodiversité, affaiblissement de la circulation méridienne de renversement de l’Atlantique (AMOC)… 

Dépasser 1,5°C et croire en la géo-ingénierie ?

Finalement, selon les actions entreprises, les scénarios modélisés par le GIEC confirment une fourchette de réchauffement allant de 1,4 °C à 4,4 °C en 2100. L’option la plus optimiste est celle qui intègre le mieux les réductions d’émissions “rapides, profondes et soutenues” évoqués par le GIEC. Les technologies de captage de CO2 atmosphérique y interviennent à travers le terme “d’émissions nettes négatives”. 

“Si le réchauffement dépasse un niveau précis tel que 1,5 °C, il pourrait être graduellement réduit de nouveau avec les émissions mondiales nettes négatives de CO2”, espère même le GIEC.  Mais “cela nécessiterait un déploiement supplémentaire de l’élimination du CO2, par rapport aux voies sans dépassement. Ce qui entraînerait de plus grandes préoccupations de faisabilité et de durabilité”, prévient-il. 

L’option “additionnelle” de la manipulation du rayonnement solaire

En revanche, le GIEC ne parle pas d’une autre option “additionnelle” de géo-ingénierie pourtant de plus en plus évoquée : la géo-ingénierie solaire qui consiste notamment à injecter durablement des particules dans la stratosphère (notamment du soufre) afin de refroidir la température au sol sur Terre. A manipuler le rayonnement solaire en somme, histoire de se donner encore un peu de temps… 

À lire aussi : Un canon à poussière de Lune pour lutter contre le réchauffement climatique ?

Néanmoins, Le GIEC l’a analysé dans ses précédents rapports, évoquant en particulier les incertitudes quant à ses potentiels effets collatéraux sur le climat lui-même ou encore sur la couche d’ozone… Une option “folle” battue en brèche par les activistes du climat. Mais qui doit être sur la table de la prochaine COP. Avec un autre rapport à venir : celui de la Climate Overshoot Commission.

António Guterres l’a dit : “La bombe à retardement climatique poursuit son compte à rebours”. 

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