Partager la publication "Gilets Jaunes, acte 5 : c’est un tournant social qu’il va falloir effectuer"
Trois enseignements en ressortent clairement :
“Un tournant social nécessaire pour la réussite du quinquennat”
Or, les caisses de l’État (donc des Français en tant que nation) sont désespérément vides. Les dépenses publiques sont très élevées (plus de la moitié du PIB). Les déficits sont récurrents (commerce extérieur, budgets des communes…). Les prélèvements obligatoires atteignent des records. L’endettement est excessif (une année totale de production). Il serait irresponsable et dangereux de laisser empirer encore cet héritage légué à nos successeurs.
Dans ce contexte, on ne voit pas d’autre solution, pour redonner de l’argent à ceux qui n’en ont pas assez, mais aussi de la dignité et de l’espoir à ceux qui n’en ont plus, que de leur transférer une part de la richesse (revenus et/ou patrimoines) détenue par les mieux lotis. C’est donc un tournant social qu’il va falloir effectuer. Un contrepoint au tournant libéral (dit “de la rigueur”) réalisé par François Mitterrand en 1983.
Miser sur l’effet de levier du “facteur quatre”
Les 20% de ménages français les plus aisés perçoivent en moyenne un revenu d’environ 8000 euros par mois, avant impôts directs et contributions diverses (chiffre arrondi, établi à partir de calculs fondés sur les niveaux de vie*). À l’autre bout de l’échelle des revenus, les 20% de ménages les plus modestes reçoivent en moyenne environ 1 000 euros par mois, avant prestations sociales (ils ne paient pas d’impôts sur les revenus, comme un peu plus de la moitié des ménages, et les prestations sociales représentent en moyenne environ un tiers de leur revenu disponible).
Le rapport entre ces deux quartiles extrêmes est ainsi un peu supérieur à 8 (8,4 précisément). On notera au passage qu’il n’est plus que de 3,9 après les impôts payés par les “riches” et les prestations reçues par les “pauvres”. Une preuve que le système de redistribution national est assez efficace. Il reste cependant insuffisant pour que les seconds puissent vivre “dignement”, compte tenu notamment de la hausse continue de la part des “dépenses préengagées” (logement, assurances, communication…), qui peut atteindre 60% pour les plus modestes.
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Supposons maintenant que l’on réduise de 10% les revenus des 20% de ménages les plus aisés, sous la forme d’une contribution (et avec une progressivité au sein de la tranche concernée) à définir, associée à une pédagogie adaptée. Leur revenu moyen passerait ainsi de 8 000 euros à 7 200 euros mensuels. Un montant qui ne semble pas de nature à les priver considérablement, de sorte que l’on n’imagine guère qu’ils défileraient dans la rue pour s’en plaindre (avec peut-être des gilets de costumes trois pièces…).
En revanche, l’effet de cette nouvelle redistribution sur les 20% de détenteurs des revenus les plus modestes serait considérable : ils verraient leur montant passer de 1000 euros à 1 400 euros par mois, compte tenu de l’effet de levier du “facteur 4” existant (ratio d’inégalité moyenne). Beaucoup pourraient sans doute ainsi faire vivre plus décemment leurs familles, sans recourir à des crédits qu’ils ne peuvent souvent plus rembourser.
Un moyen de réconcilier les deux France
Notons enfin que ce tournant social n’impliquerait pas un “changement de cap” véritable et un chamboulement du programme initial du Président de la République. Il rendrait au contraire plus crédible l’étiquette “et de droite et de gauche” qu’il avait initialement souhaité se donner, contrepoids à celle qu’il s’est vu accoler de “président des riches”.
Cet effort préalable d’équité n’enlèverait rien en effet à la nécessité des réformes prévues à court ou moyen terme : transition énergétique ; financement des retraites futures ; indemnisation du chômage ; actualisation du statut de la fonction publique ; encouragement des entreprises à créer de la croissance, etc.
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Quel que soit le cap choisi, les marins savent bien qu’il faudra “tirer des bords” (à babord et à tribord si l’on ne veut pas utiliser le langage politique de l’”ancien monde”) pour arriver plus vite au port. Cela permet d’être plus souvent “au vent” et de continuer d’avancer, plutôt que de l’avoir “debout” (face à soi) et de reculer. Cela permet aussi, lorsqu’on traverse une tempête, d’obtenir l’aide des passagers en les transformant en membres de l’équipage. Une métaphore de la démocratie à réinventer.
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