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Inventaire des végétaux sur Terre : une photographie inédite de la biodiversité végétale

C’est comme si on dessinait pour la première fois une carte du monde avec le détail des plantes et des arbres qui poussent dans chaque région”, résume Bruno Hérault. Le directeur de recherche au Cirad de Montpellier (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) parle ainsi des travaux qui viennent lever le voile sur la biodiversité végétale à travers le monde. Travaux dont il est le coauteur et qui ont été publiés dans Nature Ecology & Evolution.

Deux études scientifiques de grande ampleur publiées simultanément donnent en effet à voir la diversité végétale de notre planète. Elles permettent de réfuter certaines théories mais aussi de révéler des situations très similaires dans des zones du monde très différentes. La première a été réalisée par 249 scientifiques issus de 50 pays. Ils ont mis en commun des données couvrant plus d’un million de parcelles de forêt. Cela représente 97 % de la surface forestière mondiale. La seconde, publiée dans Nature Communications, porte sur 170 000 parcelles de végétation (arbres et plantes) aux quatre coins du monde. Elle révèle la richesse équivalente en biodiversité de territoires diamétralement opposés, en longitude comme en latitude.

Biodiversité végétale : steppes d’Europe orientale et Amazonie, même richesse

“Cela peut sembler étrange, mais c’est pourtant vrai. Les steppes d’Europe de l’Est abritent un nombre similaire d’espèces végétales aux régions de la forêt amazonienne. Cependant, cela n’est apparent que lorsque les espèces sont comptées dans de petites zones d’échantillonnage, plutôt que sur des hectares de terres”. Telles sont les constatations d’une équipe internationale de chercheurs de l’Université Martin Luther de Halle-Wittenberg (MLU) et du Centre allemand de la Recherche intégrative sur la biodiversité Halle-Jena-Leipzig (iDIV). Ils ont pour cela mobilisé la base de données sPlot.

“La plupart des études sur la biodiversité mondiale sont menées à une échelle relativement grande. Par exemple à l’échelle d’un État ou d’une province. Nous voulions savoir dans quelle mesure les résultats diffèrent lorsque des zones plus petites sont examinées”, explique le professeur Helge Bruelheide de MLU. L’équipe a utilisé l’intelligence artificielle pour étudier, entre autres, la relation entre le nombre d’espèces végétales et la taille de la zone étudiée. Et a découvert qu’il n’était pas nécessaire d’avoir de très grandes surfaces pour protéger la biodiversité. Même de petites zones peuvent être très utiles.

De quoi changer les perspectives dès lors qu’il s’agit de choisir l’emplacement d’un parc ou d’une zone protégée, par exemple. Il s’agit d’identifier ces “anomalies” très locales où la biodiversité végétale est particulièrement riche et mérite donc une protection renforcée.

Forêts tropicales : une richesse qui ne s’explique pas que par le climat

L’autre étude, parue dans Nature Ecology & Evolution, réfute une théorie qui faisait jusqu’ici consensus. Non, le climat n’est pas le seul facteur qui permet d’expliquer la biodiversité des forêts tropicales. Pour en arriver à cette conclusion, cette méta-étude – menée par la  Global Forest Biodiversity Initiative – a analysé la biodiversité de 55 millions d’arbres. Des forêts réparties sur 1,3 million de parcelles à travers le monde.

Premier constat : “les forêts proches de l’équateur comptabilisent en moyenne 98 espèces d’arbres. Ce chiffre diminue graduellement pour se stabiliser à quatre espèces par hectare à 50 degrés de latitude Nord ou Sud”, note le Cirad. Et c’est l’Amazonie qui possède les forêts tropicales les plus diversifiées. On y a détecté parfois plus de 200 espèces d’arbres par hectare. À contrario, dans les forêts tempérées, comme au Chili, on va y trouver au maximum 50 espèces à l’hectare.

En outre, alors qu’on pensait que le climat et la latitude étaient les deux critères principaux pour influencer la densité et la diversité d’une forêt, il est apparu que d’autres critères entrent en ligne de compte. Le relief, la nature et l’acidité du sol jouent aussi un rôle important. De même que l’impact des activités humaines. De quoi repenser bon nombres de croyances sur la biodiversité. Et la manière de la protéger.

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