Partager la publication "Isabelle Kocher : “La transition est un chemin d’exploration non balisé”"
Invitée sur la scène de l’événement “2050 we are_ DEMAIN”, Isabelle Kocher de Leyritz, ancienne directrice générale du groupe Engie, est aujourd’hui à la tête de Blunomy, cabinet de conseil en stratégie spécialisé dans la transition écologique. Elle est intervenue pour parler du futur de l’entreprise. Comment gérer la nécessaire transition ? Quel est et sera le rôle des entreprises face aux défis du futur ?
Pour Isabelle Kocher de Leyritz, nous vivons une époque charnière : “Au fond il n’a jamais été aussi clair qu’il faut transitionner et jamais aussi peu clair sur la façon de le faire. C’est une espèce de couple bizarre.” Cette incertitude redéfinit le rôle du dirigeant d’entreprise, qui devient selon elle “un peu chef d’une exploration”. Surtout que, contrairement à la théorie de Schumpeter de la destruction créatrice, “à l’heure actuelle, on ne doit pas transitionner parce que des technologies sont meilleures. Aujourd’hui, la nécessité de transitionner nos économies vient de l’extérieur. Cela change tout.”
La transition ne se résume pas à verdir les modèles existants. “C’est l’activité qu’il faut questionner”, insiste-t-elle. Cette approche implique d’analyser en profondeur le portefeuille d’activités de l’entreprise pour identifier les risques et les opportunités liés à la transition. “Il faut accepter d’ouvrir le capot de son portefeuille d’activités” et faire le tri pour faire grandir le “green capex”, ses dépenses vertes d’investissement de capital. “Cette démarche n’est pas simple car la transition n’est pas un voyage. C’est un chemin d’exploration ,et qui plus est, non balisé.”
La transition nécessite des investissements conséquents, ce qui peut effrayer les actionnaires focalisés sur le court terme. Isabelle Kocher de Leyritz recommande de “recruter une poignée d’actionnaires longs, prêts à faire le pari de ce virage”. Elle souligne l’importance de présenter un plan clair et d’être transparent sur les difficultés à court terme pour gagner leur confiance. “Il y a un deal à passer avec des actionnaires. Il faut arriver à créer des attelages qui fonctionnent, un groupe minimum, un noyau du bloc de gens qui sont prêts à suivre une stratégie de pivot”, explique-t-elle. Une stratégie de pivot qui ne peut que s’inscrire sur le long terme.
Bien que souvent perçue comme contraignante, la réglementation peut être un moteur de changement. La PDG de Blunomy salue certaines avancées, comme la directive européenne CSRD sur le reporting de durabilité : “Elle est innovatrice. Elle demande plein de choses qui sont dans le registre stratégique.”
Cependant, elle appelle à une collaboration plus étroite entre les entreprises et les régulateurs pour “bâtir une réglementation qui finalement tire le système, qui a le poids sur l’avant, qui tire le système, plutôt que d’être voiture-balai pour tacler ce qui n’avance pas assez”.
La transition ne peut se faire de manière isolée. Isabelle Kocher de Leyritz souligne l’importance des alliances entre grandes entreprises et PME : “Ce que peuvent faire les grands, c’est garantir des volumes. Parce qu’un petit peut changer son mode de fabrication. Par exemple mettre en place un circuit de récupération, etc. Sauf que pour ça, il faut investir. Et s’il n’a pas de visibilité sur son carnet de commandes, il ne peut pas le faire.”
Malgré les défis, l’ancienne directrice générale d’Engie reste optimiste. Elle voit dans la lutte contre le réchauffement climatique une opportunité de repenser notre système économique : “Mon pari, c’est qu’à l’occasion de ça, on va en fait revisiter beaucoup plus de choses que purement le réchauffement.”
Pour elle, cette prise de conscience globale pourrait permettre de mobiliser les ressources et les technologies existantes pour résoudre d’autres problèmes majeurs, comme l’accès à l’eau et à l’énergie dans le monde. “Aujourd’hui, je crois fondamentalement que les entreprises doivent avoir des convictions, les porter et les assumer.” Isabelle Kocher de Leyritz nous invite donc à voir la transition comme une opportunité d’explorer de nouvelles voies, de repenser nos modèles économiques et de créer un avenir plus durable et équitable.
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