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Jean-Baptiste Bosson : “Protéger les glaciers et écosystèmes post-glaciaires, c’est préserver nos derniers sanctuaires sauvages”

Jean-Baptiste Bosson, glaciologue et porte-parole du collectif “Agir pour les glaciers”, nous éclaire sur la situation critique des glaciers et les écosystèmes post-glaciaires. Alors que le réchauffement climatique accélère leur disparition, il plaide pour des actions concrètes afin de préserver ces zones qui abritent des sanctuaires de biodiversité unique. Et qui sont une opportunité incroyable pour mieux comprendre comment la nature faite preuve de résilience et s’adapte au réchauffement climatique.

En Haute-Savoie, les glaciers – comme la Mer de Glace, le plus grand de France – ont perdu 30 % de leur surface depuis 1850. Un tiers de ces glaciers devraient avoir disparu d’ici 30 ans maximum. Et il est désormais impossible de changer le cours de l’Histoire à une si petite échelle. En 2050, nos montagnes auront donc un aspect bien différent de ce que nous connaissons aujourd’hui. Et ce retrait des glaciers va laisser place à une nouvelle biodiversité. Une biodiversité qu’il faut protéger dès maintenant. À l’occasion de Sport for Future, WE DEMAIN a pu nous entretenir avec le glaciologue.

WE DEMAIN : En quoi le glacier des Bossons, dans la vallée de Chamonix, est un laboratoire unique pour vous, glaciologue ?

Jean-Baptiste Bosson : Si on regarde ce glacier, non pas là où il se trouve aujourd’hui mais là où il était il y a quelques décennies, on peut observer ce qui se passe après son retrait. Les glaciers sont cruciaux pour notre écosystème, et nous pouvons encore les sauver si nous agissons rapidement sur le climat. Mais il est aussi important de comprendre que lorsqu’ils disparaissent, ils laissent place à des écosystèmes post-glaciaires uniques, comme des forêts, des lacs ou des zones humides. Ces espaces deviennent des sanctuaires pour la biodiversité.

En quoi ces espaces sont des sanctuaires si particuliers ?

Ces nouveaux écosystèmes sont uniques car ils se développent naturellement, sans intervention humaine. En Europe occidentale, on dit souvent qu’il n’y a plus de forêt primaire, mais ici, c’est une forêt primaire en train de naître, directement influencée par le changement climatique. Ces forêts, tout comme les lacs et rivières qui apparaissent après le retrait des glaciers, sont des zones de séquestration de carbone. Il est crucial de les protéger, car ce sont les dernières grandes zones sauvages d’Europe, et elles peuvent jouer un rôle important dans notre lutte contre le réchauffement.

Vous proposez de créer un traité de protection des glaciers, similaire au traité de l’Antarctique. Qu’entendez-vous par là ?

L’idée d’un traité international pour protéger les glaciers, calqué sur celui de l’Antarctique, est une proposition que nous avons faite dans la publication scientifique Nature. Si les États ne sont pas encore tous prêts à l’adopter, il semble que l’idée intéresse de plus en plus l’équipe du Président de la République, Emmanuel Macron. La France est l’un des rares pays à plaider activement pour des solutions ambitieuses de protection de la nature au niveau international, et l’année 2025 sera déclarée par l’ONU comme l’année internationale des glaciers. Cela pourrait être une opportunité pour pousser cette initiative.

La fonte des glaciers crée de nouveaux lacs glaciaires, souvent perçus comme des dangers. Mais vous ne les percevez pas comme tels…

Oui, c’est vrai que les lacs glaciaires sont majoritairement vus sous l’angle du danger, car certains peuvent se vider brutalement, causant des inondations. Mais c’est une partie seulement du problème. Ces lacs sont surtout de futurs réservoirs d’eau douce. Ils jouent un rôle crucial pour les écosystèmes aquatiques, et dans un contexte de pénurie d’eau à venir, ils seront indispensables pour les territoires environnants. Par exemple, le lac d’Annecy, que beaucoup connaissent, est lui aussi d’origine glaciaire. Il n’existerait pas si on l’avait vidangé à l’époque !

Sans ces lacs, certaines populations n’auraient pas accès à l’eau. Ils offrent donc des réponses locales aux défis globaux de gestion de l’eau. Il est impératif de les protéger et de les intégrer dans nos stratégies d’adaptation au changement climatique. Vider ces lacs à l’aide de tractopelles n’est pas une solution.

Que répondez-vous aux critiques qui estiment que ces nouvelle zones de biodiversité devraient être exploitées pour des ressources économiques ?

Nous voyons déjà des pressions pour exploiter ces zones, que ce soit pour des barrages, des mines, ou d’autres projets industriels. Mais il faut absolument résister à cela. Ces espaces ne doivent pas être sacrifiés sur l’autel du profit immédiat. Protéger les glaciers et les écosystèmes post-glaciaires, c’est non seulement une action en faveur du climat et préserver nos derniers sanctuaires sauvages. Mais c’est aussi préserver des solutions pour demain. Ces espaces sont des réservoirs d’eau douce, des refuges pour la biodiversité. Et ils nous offrent des réponses locales aux défis climatiques.

Vous préparez un festival “Agir pour les glaciers” pour 2025. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Nous organisons ce festival en Savoie, à Bourg-Saint-Maurice, du 20 au 22 mars 2025, en lien avec la Journée mondiale de la protection des glaciers, qui sera désormais célébrée chaque 21 mars. L’idée est d’impliquer le grand public, les scientifiques, les acteurs politiques et les entreprises autour de la préservation des glaciers et des écosystèmes post-glaciaires. On veut créer un événement festif et fédérateur, plutôt que de s’enfermer dans des discours alarmistes.

Ce sera un espace d’échanges, avec des conférences, des ateliers, mais aussi des moments de célébration pour montrer que protéger la nature peut rassembler et rendre fiers. Nous voulons que chacun, des citoyens aux décideurs, prenne conscience de son rôle dans cette lutte. L’objectif est de montrer que, plutôt que le conflit, c’est en unissant les forces que nous pourrons vraiment protéger ces derniers grands sanctuaires.

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