Partager la publication "L’après-coronavirus selon Yves Cochet : “écovillages, biorégions et démocratie locale”"
Le “confinement”, Yves Cochet s’y prépare depuis quinze ans. L’ancien ministre de l’Environnement de Lionel Jospin a troqué son appartement parisien pour une maison à la campagne près de Rennes, autonome en eau, en énergie, et en nourriture, afin de faire face à un effondrement de la civilisation thermo-industrielle, prophétisé sans relâche, mais sans paniquer.
Cet effondrement, une crise sanitaire pourrait bien l’accélérer, estime ce pionnier de la collapsologie française. La solution, selon lui : une rapide démondialisation et une relocalisation de nos modes de vie.
Yves Cochet. Personnellement, je n’ai pas à me plaindre, contrairement à la plupart de mes concitoyens et disons de l’humanité, puisque je vis avec ma fille et mes petits enfants dans un lieu résilient, autonome en eau, en énergie, et en nourriture, même si nous faisons quelques courses au supermarché. L’endroit est très rural et reculé, donc nous avons la possibilité de nous balader dans le parc. C’est plutôt la situation générale et son évolution qui nous préoccupent.
Depuis un moment, et surtout après la sortie de mon livre en septembre dernier, des gens disent : “Il est devenu paranoïaque, il parle d’effondrement, de fin du monde de collapsologie, tout ça n’existe pas et n’existera jamais”. Je ne leur dirai pas “J’avais bien raison”, ce serait stupide. Mais mes lectures, mon expérience, mes raisonnements depuis une quinzaine d’années m’ont montré qu’une pandémie mondiale assez forte pourrait déclencher l’abattement des dominos dans d’autres domaines, par exemple économiques, financiers, et donc un effondrement systémique mondial.
Nous sommes encore loin d’une pandémie aussi contagieuse que la grippe et aussi forte qu’Ebola, ayant 50 % de mortalité – nous n’en sommes qu’à 2 % –, qui elle pourrait causer un effondrement mondial. Là, il semble que la pandémie soit assez stable, qu’il n’y ait pas de mutation, mais on ne sait pas comment ça va tourner.
Et dans tous les cas, cette crise sanitaire va avoir des effets. D’abord, la panique des gouvernements, qui se disent prêts à lâcher des centaines de milliards, “quoi qu’il en coûte”, comme disait le président de la République voilà une semaine. Ce qui veut dire faire marcher la planche à billets : c’est de l’argent politique, ça ne veut pas dire qu’il y a des stocks d’or de côté !
Donc cela va précipiter une crise économique et financière. Crise que nous allons voir apparaître un peu maintenant, mais beaucoup plus encore cet été et cet automne. Ce sera plus aggravant pour les déficits et les dettes que ce qu’on a vécu en 2008.
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Oui, certainement. C’est pour cela que moi et ma fille avons racheté ce terrain en Bretagne. Nous avons préparé à la fois psychologiquement et matériellement ce qu’on appelle dans notre langage un peu fleuri “un biotope de guérison sociale”, c’est à dire essentiellement des bonnes relations, non monétarisées, avec nos voisins géographiques. On se connaît, on s’échanger des services. Notre mot d’ordre – et j’espère qu’il ne parviendra pas à historiciser ce que nous vivons actuellement – est “s’entraider ou s’entretuer”.
Si on ne s’entraide pas au niveau local avec les personnes que nous connaissons, notamment dans les milieux ruraux, ce sera la lutte pour les aménités naturelles dont nous avons besoin, c’est à dire l’énergie, l’eau pure et la nourriture saine.
Pour moi, la réponse doit être humaine et politique à l’échelon local. Je ne sais pas ce que nous réserve l’avenir mais, coronavirus ou non, il faut construire des éco-villages résilients. Créer des biorégions, dans le cadre d’une démocratie locale. Même la France, même les régions actuelles sont trop grandes. Il faut vraiment démondialiser l’économie actuelle. Une des principales structures de propagation du virus, c’est la mondialisation, les échanges…
De toute façon, il faut le faire pour être moins dépendants de l’extérieur, que nous exploitons indûment. Nous, les pays riches, empruntons sans arrêt des hectares fantômes à des pauvres en Afrique, en Amérique du Sud, en Asie centrale. Notre empreinte écologique est beaucoup plus grande que notre territoire réel. Il faut diminuer notre niveau de vie, aller vers la décroissance. Sinon ce sera la guerre…
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Oui, et beaucoup d’analystes le reconnaissent désormais.Même certains capitaines d’industrie ou économistes classiques : il y a des limites à la mondialisation. Malgré l’apparente “solidarité” entre les économies nationales, voilà plus de 25 ans qu’on échange des biens mais qu’on échange surtout des maux, comme disait Ulrich Beck. La dernière fois, c’était les actifs pourris des banques américaines.
Cette fois-ci, c’est un virus. C’est différent, mais on voit bien que l’épidémie est d’ordre mondial. Quand les pays étaient plus “indépendants” en termes financiers, en termes d’échanges, il y avait une propagation et une contagion moins rapide. C’est donc le signal qu’il faut revenir à l’échelon local, à plus d’indépendance notamment dans les domaines alimentaires et énergétiques.
Cela dépend de plusieurs facteurs, et essentiellement de l’ampleur de la catastrophe humaine. Si elle reste limitée – supposons par exemple qu’on arrive à 1 million de morts en France à l’automne 2020, ce n’est pas du tout la même chose que 10 000 morts, comme pour une grippe saisonnière. Même chose à l’échelon européen et mondial.
Et puis cela dépend également des morts “indirects” du coronavirus. S’il y a une rupture dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire, s’il y a une défection des chauffeurs routiers par exemple, alors on risque la pénurie. Et si vous n’avez pas tous les jours l’approvisionnement de Carrefour, de Monoprix, ou des épiceries de quartier, vous êtes à quelques jours de l’émeute. Comme le disait Churchill : “Entre la civilisation et la barbarie, il n’y a que cinq repas”… Cela peut donc être très sérieux au point de vue politique mais, bien sûr, on ne le sait pas encore.
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