L’Espagne, un exemple dans la lutte contre les féminicides

75. C’est le nombre de Françaises ayant perdu la vie – tuées par un compagnon actuel ou une fréquentation plus ancienne – ces sept derniers mois. La dernière, une trentenaire, a été étranglée par son petit-ami le 6 juillet dans les Yvelines. Un énième meurtre qui a notamment motivé une manifestation  parisienne pour appeler l’État à prendre des mesures immédiates. 

Dans la foulée, Marlène Schiappa – secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations – a annoncé dans un entretien au JDD la tenue d’un Grenelle des violences conjugales à Matignon, le 3 septembre prochain.

Ministres concernés, acteurs de terrain, services publics, ­associations et familles de victimes y seront réunis pour accélérer la lutte contre ces violences et contrer le fléau du “féminicide“, un terme qui commence à s’imposer dans l’espace public, mais n’a pas d’existence juridique en France.

D’ici là, un coup d’oeil sur la politique espagnole s’impose. Dès décembre 2004, le Parlement de José Luis Rodriguez Zapatero a voté une loi organique de protection intégrale contre la violence de genre – qui a provoqué d’importantes réformes et hissé la lutte contre les violences faites aux femmes au rang de cause nationale.

L’an passé, le pays a encore comptabilisé 47 féminicides, mais moins que les 71 recensés en 2003.

Bracelet de protection

L’une des mesures phares adoptées par l’Espagne en 2008 est l’instauration d’un système de surveillance par géolocalisation. L’agresseur dispose d’un bracelet électronique, la victime d’une balise. Au moindre franchissement de la zone de sécurité définie par la justice – un rayon de 500 mètres en général – les deux individus sont contactés par téléphone par un centre de contrôle qui, selon la situation, transmet le signalement à la police. 

Depuis la mise en place de ce dispositif en 2008, le ministère espagnol de l’Égalité estime qu’il aurait permis de diminuer de 14% le nombre de décès dus à la violence conjugale, selon l’Express. En France, un système assez proche existe depuis 2017 sans être suffisamment utilisé, d’après Nicole Belloubet. La garde des Sceaux française souhaite en développer l’utilisation.
 

Un système judiciaire spécialisé

Pour punir plus lourdement les violences faites aux femmes, l’Espagne s’est aussi dotée de 106 cours de justice spécialisées en affaires de “féminicides”. Le pays a aussi supprimé certaines circonstances atténuantes pour les agresseurs.

Même si la victime ne porte pas plainte, l’État espagnol peut le faire pour elle.

Par ailleurs, bien loin des délais français, les juges disposent de 72 heures maximum pour instruire le dossier. Le procès doit quant à lui se tenir dans les quinze jours.

Formation pour tous et prise de conscience

Enfin, tous les professionnels espagnols des milieux médicaux, policiers et judiciaires – susceptibles de devoir travailler avec des victimes – reçoivent désormais une formation obligatoire. Les effets de cette politique ont été visibles sur le nombre de plaintes déposées : 160 000 en 2017 contre 72 000 en 2005

Les termes précis utilisés dans la presse, “violence machiste”, “féminicides”, plutôt que “crimes passionnels” ont aussi fait sortir ces affaires de la rubrique des “banals” faits divers.

“Il ne s’agit pas d’une baguette magique pour contrer ce fléau. […] Mais, avec les protections juridiques appropriées, cela servirait au moins à rendre visible cette terrible situation et lui donner un traitement confirme à ses spécificités”, pouvait-on lire dans El Pais en janvier dernier.

Plus globalement, c’est donc un progressif changement de mentalités qui est en cours en Espagne, même si les moyens manquent dans le pays pour appliquer correctement les lois adoptées et même si le machisme est loin d’être éradiqué. 

Dimanche 7 juillet, au micro de BFMTV, Nicole Belloubet reconnaissait toutefois l’avancée de l’Espagne sur la France en termes de lutte contre les féminicides :

“Nous délivrons trois milles ordonnances de protection. En Espagne, […] c’est plus de 10 000 qui sont délivrées chaque année. Nous devons monter à ce niveau.”

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