Ouverte ce dimanche 6 novembre, sous la présidence de l’Egypte, dans la cité balnéaire de Charm el-Cheikh, la 27ème Conférence des Nations-Unies sur les changements climatiques (COP27) se veut celle de “la mise en œuvre des engagements climatiques”. Dans une ambiance internationale des plus tendues, seule une centaine de chefs d’Etats et de gouvernements sur près de 200 parties concernées sont pourtant attendus à ce sommet devant rassembler plus de 30 000 personnes jusqu’au 18 novembre. Au programme : atténuation du réchauffement climatique, adaptation, finance, collaboration entre gouvernements, secteur privé et société civile.
Mais, malgré les bonnes volontés et annonces qui ne manqueront pas de se multiplier, les nuages s’accumulent pour l’avenir climatique de l’humanité et au passage pour la crédibilité des COP : échec de la limitation du réchauffement à 1,5 °C, insuffisance des plans de lutte nationaux, manque d’unité internationale, manque de volonté de financement pour l’adaptation des pays en développement et pour les préjudices déjà subis par les pays les plus vulnérables, permanence des énergies fossiles…
Pour la militante Greta Thunberg, qui ne se rendra pas en Égypte, notamment du fait que l’espace pour la société civile “est cette année extrêmement limité”, les choses pourraient changer si ces rassemblements sont utilisés “comme une occasion de nous mobiliser (…) Pour changer les choses, nous avons besoin de milliards de militants”. Tour d’horizon.
La COP26 a maintenu “en respiration artificielle” l’objectif planétaire de limiter le réchauffement moyen du globe à 1,5 °C. La COP27 fera-t-elle de même ? Depuis, les émissions humaines de gaz à effet de serre ont encore continué à augmenter tandis qu’au fil de sécheresses, de canicules, d’incendies ou encore d’inondations, le dérèglement climatique a une nouvelle fois montré qu’il allait encore plus vite que les prévisions scientifiques. Avec l’inertie climatique entre le moment des émissions et le moment du réchauffement associé, qui est de plusieurs dizaines d’années, le Groupe intergouvernemental d’expert sur le climat (GIEC) avait déjà averti que les 1,5 °C pourraient être atteints d’ici une dizaine d’année et dépassés avant 2050.
Des scientifiques réunis dans le groupe d’action Scientist Rebellion viennent de le répéter dans une lettre ouverte : “ll n’y a plus de trajectoire crédible pour limiter le réchauffement planétaire en dessous de 1,5 °C”. Faire croire le contraire est “tout simplement faux (…) Non seulement cela suggère que nous pouvons encore éviter l’effondrement climatique généralisé, mais cela fournit une excuse aux politiciens pour continuer à tergiverser, et aux pollueurs pour continuer à polluer”, écrivent-t-il. Agir tout de suite, c’est donc maintenant avant tout pour espérer éviter le pire: une Terre devenue en grande partie invivable. La COP27 le dira-t-elle ?
Lors de la COP26, les Nations-Unies ont indiqué que les plans de lutte actuels des quelque 200 pays plaçaient la planète sur une trajectoire de réchauffement de l’ordre de 2,7 °C. Ce qui s’avérerait catastrophique. Les parties prenantes ont juré qu’elles allaient revoir leur copie pour la COP27. Seules 24 d’entre elles ont remis dans les temps leurs nouvelles “contributions” à l’ONU. La projection est maintenant d’au moins 2,5 °C. Toujours catastrophique. Combien de pays rectifieront le tir pendant la COP27 alors que les concentrations de CO2, de méthane ou encore de protoxyde d’azote “ont battu de nouveaux records en 2021” ?
La lutte contre le réchauffement planétaire nécessite une union des pays afin que chacun fasse sa part pour atteindre la neutralité carbone de la planète, c’est-à-dire le moment où les émissions de CO2 ne sont pas plus importantes que la quantité de CO2 que captent de l’atmosphère les océans et les écosystèmes terrestres. Or, la COP27 intervient dans un climat de tensions internationales : rupture des discussions climatiques Chine – États-Unis, guerre en Ukraine, menace sur les productions alimentaires, crise énergétique qui fait rallumer les centrales à charbon et installer des terminaux méthaniers pour accueillir du gaz naturel liquéfié. Dans ces conditions, la COP27 s’est d’entrée annoncée “difficile”…
En 2009, lors de la COP15 de Copenhague, les pays riches s’étaient engagés à porter à 100 milliards de dollars en 2020 leur aide aux pays à plus faible revenu pour leur lutte contre le réchauffement. Pour la COP27 de 2022, la promesse n’est toujours pas tenue. Il manque encore près d’une vingtaine de milliards… A chaque COP, les tensions sont exacerbées sur ce sujet, les pays pauvres demandant aux pays riches de payer leur “dette climatique”. A la COP27 en Egypte, l’Afrique notamment a bien l’intention de se faire entendre. D’autant que 100 milliards ne vont pas s’avérer suffisants. Un rapport du Programme des Nations-Unies pour l’environnement (PNUE) estime les besoins pour la seule adaptation au dérèglement climatique entre 160 et 340 milliards de dollars d’ici 2030 et entre 315 et 565 milliards d’ici 2050.
Outre le financement pour l’adaptation, un autre sujet va cristalliser les tensions à Charm el-Cheikh : la question des pertes et préjudices que subissent dès à présent les pays les plus vulnérables. Ces “pertes et préjudices”, également appelés “pertes et dommages”, concernent les dégâts irréversibles qui sont déjà subis, souvent par de petits pays non responsables de ce réchauffement. Phénomènes extrêmes, submersion marine, salinisation de terre, sécheresses à répétition… Autant de catastrophes qui, entre destructions, exils forcés et autres drames humains, ont des conséquences économiques, sociales, culturelles.
Depuis une trentaine d’années, à l’initiative des petites îles du Pacifique -qu’un réchauffement de plus de 1,5°C condamne- les pays les plus vulnérables demandent aux pays riches de reconnaître leur responsabilité et de payer. Si le terme “pertes et préjudices” a été inclus dans les négociations climat pour désigner ces destructions irréversibles, il n’existe aucun mécanisme de financement pour réparer les préjudices. Les pays vulnérables en demandent un. Les pays riches, Etats-Unis et Union européenne en tête, refusent, ne voulant pas ainsi avouer implicitement leur responsabilité. Mais plus le dérèglement s’aggravera et le niveau des mers montera, plus le sujet fâchera… Jusqu’au clash ?
C’est un des fils rouges des négociations internationales sur le climat qui passe souvent sous les radars: les énergies fossiles ne sont jamais très loin des COP, tout comme les activités qui leur sont liées. Ainsi, parmi les partenaires et sponsors de la COP27 on trouve par exemple EgyptAir et Hassan Allam Holding. Hassan Allam Holding est spécialisée dans la construction, par exemple de raffineries de pétrole ou d’usines de gaz naturel liquéfié.
“Avec un certain nombre de découvertes de gaz clés faites en Égypte au cours des dernières années, le gouvernement égyptien s’est fixé pour objectif de transformer le pays en une plaque tournante régionale pour le gaz naturel. Les annonces faites pour des investissements dans des projets pétroliers et gaziers ont respectivement été évaluées à 830 millions de dollars et 17,1 milliards jusqu’en 2024. En tant que leader de l’ingénierie, de l’approvisionnement et de la construction (EPC) en Égypte, nous collaborons avec des sociétés pétrolières et gazières et des fournisseurs de technologies dans toute la région”, explique Hassan Allam sur son site internet. Du reste, la COP27 doit donner lieu à des débats pour intégrer le gaz “naturel”, émetteurs de CO2 et de méthane, dans les énergies de transition…. Autres sponsors : Coca-Cola, Vodafone, Microsoft, Google…
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