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La guerre en Ukraine est aussi une catastrophe pour l’environnement

Aux vies humaines sacrifiées sur l’autel du conflit, la guerre en Ukraine tue aussi la terre. Alors qu’on approche les un an de combats – l’invasion a débuté le 24 février 2022 –, force est de constater une destruction massive de l’environnement sur les lieux de bataille. C’est un fait : les guerres, outre les dommages humains et environnementaux directs causés par l’utilisation des armes, entraînent des dégâts dévastateurs pour l’environnement. Mais aussi pour la santé de ceux qui vivent dans les zones touchées sur le long terme.

La guerre menée par l’armée russe en Ukraine ne fait pas exception à la règle. Très urbanisé (environ deux tiers des 44 millions d’Ukrainiens vivent en ville), le pays est aussi lourdement industrialisé – notamment à l’Est. Il doit donc faire face à deux dangers écologiques majeurs. La première est la dégradation de ses centrales nucléaires. La seconde est le risque de pollutions chimiques.

L’industrie nucléaire au centre des inquiétudes en Ukraine

Sur les quatre centrales nucléaires actives en Ukraine, celle de Zaporizhzhia est la plus en danger. Convoitée par les Russes, elle a été endommagée par des tirs de missiles en août 2022, a indiqué l’exploitant Energoatom. Suite à cela, un des réacteurs a dû être arrêté. La triste centrale de Tchernobyl, qui avait connu un accident dramatique en 1986, est aussi sous surveillance. En effet, en cas de coupures de courant prolongées, cela pourrait entraver le refroidissement des 20 000 barres de combustible usagé. Celui-ci est stocké au fond de piscines de refroidissement, à vingt mètres de profondeur.

Le réacteur 2 de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia durant une inspection de l’Agence internationale de l’énergie atomique en septembre 2022. Crédit : IAEA.

En outre, il existe des risques réels de déplacement de poussières radioactives par les opérations militaires en cas de dommages majeurs. Que ce soit à Tchernobyl ou à Zaporizhzhia, une centrale nucléaire vingt fois plus grande que sa consoeur. Si une catastrophe de premier plan survenait, on imagine mal comment organiser efficacement les secours. Ou mettre en place les mesures de confinement nécessaires dans ce pays en guerre.

Industries et substances toxiques

Mines, sidérurgie, chimie, pétrole… l’Ukraine est un pays avec un secteur secondaire développé. Celui-ci pèse pour environ un quart de son économie. Il possède notamment une industrie métallurgique importante (fer, acier…) qui a beaucoup souffert depuis le début de la guerre avec la Russie. C’est le cas de la zone industrielle de Marioupol, le premier port de la mer d’Azov. Là-bas, quelque 30 000 personnes s’affairaient quotidiennement à la production minière et sidérurgique jusqu’à il y a encore un an.

Des bâtiments détruits d’un atelier de l’usine Azovstal près de Marioupol. Crédit : ChocoPie / Shutterstock

Depuis, Marioupol a quasiment été rayée de la carte par d’incessants bombardements. Les nombreux sites d’élimination des déchets dangereux de la région en ont aussi fait les frais. Sans que l’on puisse savoir exactement de quelle envergure sont les dommages car les informations sur le sujet sont quasi inexistantes. L’usine métallurgique Azovstal a notamment été victime de combats intensifs. C’est la même chose près de Donetsk, à Toresk, où deux usines chimiques inquiètent.

En cas de préjudices contre les murs de soutènement d’une énorme décharge contenant des boues chimiques, la situation pourrait vite devenir catastrophique. Si ces centaines de milliers de tonnes de boue débordaient, elles pourraient finir dans la rivière Zelizna située non loin. Même chose pour les centrales hydroélectriques qui, en s’effondrant, pourraient inonder de très vastes territoires, y compris villes et villages. Enfin, les infrastructures de pétrole et de gaz ne sont pas non plus épargnées. Leur destruction provoque une pollution dans l’air par les fumées toxiques. Mais aussi une pollution des sols et des eaux (de surface comme souterraines), sans parler de la contamination des terrains agricoles…

La guerre en Ukraine, une véritable guerre contre la natue

C’est une certitude, la guerre en Ukraine a provoqué une importante pollution chimique de l’air, de l’eau et du sol. Mais dans quelle mesure ? Le ministère de l’Environnement ukrainien estime qu’environ 900 zones naturelles protégées ont été touchées depuis février 2022. Cela représente près d’un tiers du total du pays.

Plus de 20 parcs nationaux et réserves naturelles ont fait les frais de l’occupation russe. Au moins 180 000 m2 de terres ont été polluées par des substances toxiques comme du pétrole, des métaux lourds ou encore du TNT, un explosif contenu dans les missiles. Et les nappes phréatiques font les frais de toutes ces pollutions, ce qui aura des effets dévastateurs pendant au moins des dizaines d’années, voire beaucoup plus.

Au coeur d’un parc national en Ukraine. Crédit : Pitroviz / Shutterstock.

Environ 200 000 hectares de forêts, sur la ligne de front, ont été touchés par des feux. Et 700 000 hectares devront être déminés, ce qui prendra une dizaine d’années“, a souligné Yehor Hrynyk, membre du Groupe ukrainien de conservation de la nature, lors de son passage à Paris fin novembre dernier. Les forêts couvrent 15 % du pays en Ukraine soit 11 millions d’hectares. Plus que jamais, l’arbre de paix sera nécessaire au terme de ce conflit.

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