Partager la publication "La transition juste, ce n’est pas “juste” la transition écologique"
Qu’est-ce que la transition juste ? Selon l’Organisation Internationale du Travail (OIT), “une transition juste signifie rendre l’économie plus verte d’une manière qui soit aussi équitable et inclusive que possible pour toutes les personnes concernées, en créant des opportunités de travail décent et en ne laissant personne de côté.” Il s’agit de “maximiser les opportunités sociales et économiques de l’action climatique, tout en minimisant et en gérant soigneusement les défis éventuels” (respect du droit du travail, dialogue social, etc.).
Par définition, la transition juste sera forcément différente selon les pays et conditions sociales. “À chaque fois, il faut analyser le contexte et avoir une vision holistique de chaque société pour bien appréhender les défis spécifiques”, souligne Hélène Djoufelkit, Directrice du département diagnostics économiques et politiques publiques de l’AFD, l’Agence française de développement.
L’exemple de l’Afrique de l’Ouest
Thomas Doguet, Chief operating officer de l’association Makesense Africa et basé à Dakar au Sénégal, confirme les propos de Hélène Djoufelkit. “50 % de la population a moins de 20 ans en Afrique de l’Ouest. Et plus de 30 % des jeunes âgés de 15 à 24 ans sont au chômage. Il y a donc un besoin critique d’être beaucoup plus inclusif auprès de la jeunesse pour qu’elle puisse prendre part activement à la société. La problématique est tout aussi difficile chez les femmes. Elles travaillent souvent dans le secteur agricole/rural et sont donc particulièrement précaires. Il faut trouver des solutions pour que cette transition juste s’applique notamment à ces populations. Mais, pour cela, pour qu’il y ait un impact sur le long terme, il faut que les populations s’en emparent.”
Une situation complexe à aborder avec finesse, insiste Hélène Djoufelkit. “Si on n’y prend pas garde, la transition écologique sera une double peine pour les pays du sud. C’est pour cela que l’AFD fait beaucoup de diagnostics, avec l’aide de centres de recherche locaux pour avoir le meilleur contexte possible. Nous réalisons des études sur les inégalités, l’impact des secteurs économiques et de leur transformation écologique, etc. Vient ensuite le dialogue politique avec les gouvernements mais aussi au niveau local. Sans échange dans les territoires, l’échec est assuré.”
Associer les sociétés civiles, un vrai défi
“Pour pouvoir parler d’une réelle transition juste, il faudrait une représentation équitable des différentes régions du monde lors des COP, regrette Thomas Doguet. À la COP26 à Glasgow en Écosse, les pays du sud étaient très peu représentés au niveau des activités. Et je parie que ce sera aussi le cas pour la COP27 qui aura lieu à Charm el-Cheikh en Égypte en novembre prochain. Pourquoi ? Parce qu’il faut prendre l’avion pour y aller, parce qu’il faut avoir les moyens de se loger dans un des hôtels de luxe de la ville balnéaire, etc. La société civile des pays du sud ne pourra jamais trouver le budget pour faire le déplacement.”
Pourtant, les mouvements sociaux africains sont en plein essor aujourd’hui. Malgré toutes les difficultés afférentes : problèmes politiques, pressions, absence de structures, absence d’outils, de réseaux… “Il faut que ces mouvements se professionnalisent mais reste le problème du financement de ces projets. Aujourd’hui encore, le système des aides est très – trop – contraint en Afrique de l’Ouest“, insiste le représentant de Makesense Africa.
Pour aider la société civile, l’union fait la force
“Nous essayons d’influencer les bailleurs pour dégoter des financements pour des projets associatifs locaux et de gagner en flexibilité. Le problème est qu’il est plus facile pour les ONG internationales de présenter des projets qu’une petite asso, qui ne saura pas forcément présenter son projet et lever des fonds. C’est pour cela que nous avons créé un consortium au Sénégal. Le CJS (Consortium Jeunesse Sénégal).”
Ce CJS a pour but de partager les bonnes pratiques, de mutualiser des outils, des connaissances mais aussi de développer des projets communs pour trouver des financements qui seront ensuite redistribués parmi les organisations membres (22 associations à date). Depuis 2018, date de sa création, le CJS a permis de créer des espaces physiques. “Des tiers lieux pour la société civile”, précise Thomas Doguet. Un espace digital a également été imaginé.
“Il faut parfois passer par des solutions un peu low tech, comme de la formation via WhatsApp, pour développer l’usage du numérique mais nous ne manquons pas d’idées, explique-t-il. Une ‘start-up house’ est même en cours de développement. Le but est de trouver des financements pour le démarrage de start-up. “Il y a de l’argent pour financer les start-up qui ont atteint une taille critique mais rien au moment de l’amorçage, nous essayons de trouver des solutions”, conclut Thomas Doguet. À chaque fois, une même motivation : aider la société civile à développer des activités professionnelles durables. Un projet après l’autre.
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