Partager la publication "Label “Vertvolt”, pour y voir plus clair dans les offres d’électricité verte"
Les offres d’électricité “vertes” connaissent un large écho auprès des consommateurs. D’après l’Ademe, le nombre d’entre eux souscrivant une offre d’électricité verte est en forte augmentation chaque année. Greenpeace souligne de son côté que 67 % des Français et Françaises sont prêts à changer de fournisseur pour accéder à une énergie moins polluante.
Pourtant, la crédibilité des offres vertes fait encore l’objet de diverses controverses. Un nouveau label appelé Vertvolt, proposé en octobre dernier par l’Ademe, fait le tri entre les offres existantes en différenciant plusieurs niveaux d’exigence pour les citoyens qui souhaitent traduire leur engagement écologique dans leur acte de consommation.
Pour comprendre cette labellisation, revenons à l’histoire particulièrement mouvementée des offres d’électricité vertes.
Tout débute en 2001 par la mise en place, au niveau européen, d’un mécanisme de traçabilité de l’électricité renouvelable, les garanties d’origine. La garantie d’origine est dissociée de la vente de l’électricité produite : elle donne l’assurance au consommateur que pour une certaine quantité qu’il a achetée par une offre verte, une quantité égale d’électricité est produite par des installations d’EnR en Europe. Cette dissociation entre l’électricité produite et la garantie d’origine a été introduite pour encourager la production des EnR sans déterminer leur localisation.
Les fournisseurs historiques d’électricité se sont donc saisis de ce mécanisme européen pour construire des offres dites “vertes” à leurs clients, en utilisant des garanties d’origine de l’Europe entière, ce qui était d’autant plus facile que la production d’électricité renouvelable dépassait largement la demande des consommateurs pour les offres vertes.
Très rapidement, celles-ci ont été la cible de polémiques de la part des fournisseurs alternatifs, comme le coopératif Enercoop, qui ont souligné que les offres vertes des fournisseurs historiques reposaient sur une combinaison d’une offre d’électricité issue du nucléaire en France, et de l’achat de garantie d’origine provenant d’autres pays d’Europe.
Enercoop s’est alors différencié en mettant en avant son approvisionnement auprès de producteurs locaux.
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Reprenant l’argumentaire de Enercoop, l’Ademe a proposé en 2018 de distinguer les formules de la façon suivante : les offres standards, qui reposent sur des garanties d’origine, et les offres “premium”, qui impliquent “l’achat conjoint de l’électricité et des garanties d’origine auprès des mêmes producteurs (en majorité de petites installations d’hydroélectricité françaises ou d’éolien)”.
Cette attente des consommateurs d’électricité verte pour un achat “conjoint” s’est accompagnée d’une préoccupation de ne pas rémunérer des producteurs non renouvelables. Elle est également perceptible dans les efforts de Greenpeace d’orienter la consommation engagée vers des fournisseurs qui ne proposent que des offres vertes et seraient plus vertueux que les fournisseurs proposant aussi une électricité non renouvelable.
Distinguer clairement les fournisseurs, plutôt que les offres d’électricité, permettrait aux consommateurs engagés d’exprimer un rejet des fournisseurs traditionnels qui continuent d’investir dans des outils de production non renouvelables.
C’est pourquoi, dans sa conception du label VertVolt, l’Ademe reprend ce critère de production locale et d’achat conjoint pour caractériser un premier niveau d’engagement des consommateurs. Il permet donc de garantir que le revenu issu de la vente d’électricité ira bien vers un producteur d’électricité renouvelable identifié.
En parallèle des efforts pour mieux tracer l’origine de l’électricité, est apparu un second débat concernant l’effet des offres vertes sur le développement des EnR. Selon le Bureau européen des unions de consommateurs, le véritable problème des offres vertes est l’absence d’effet additionnel de l’achat par les consommateurs. Les offres vertes viennent en effet puiser dans des installations existantes et n’entraînent pas par elles-mêmes de nouveaux investissements. Ces installations ont été financées essentiellement dans un cadre d’investissement public ou ont été largement subventionnées par la puissance publique.
Quand vous achetez une tomate bio plutôt qu’une tomate non bio, vous encouragez indirectement la production de la première au détriment de la seconde. Ce n’est pas le cas des offres vertes qui ne répondent pas au critère d’additionnalité : ce n’est pas votre achat qui a déclenché la production d’électricité verte et finance le surcoût, mais une subvention préalable. Une fois l’investissement réalisé, les coûts de fonctionnement étant assez réduits, les producteurs d’électricité renouvelable peuvent continuer à vendre leur électricité sans passer par une offre verte.
En France, l’Union des fournisseurs d’électricité et la Commission de régulation de l’énergie considèrent que le problème des offres vertes est mal posé par l’Ademe et que les critères de production locale et l’achat conjoint, qui définissent les “offres engagées”, n’apportent aucune garantie en matière d’effet additionnel.
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La CRE est aussi préoccupée par le fait que l’État français a décidé d’accorder aux producteurs, qui sont aujourd’hui subventionnés par le biais d’un complément de rémunération (qui s’ajoute à la revente de l’électricité aux fournisseurs), la possibilité de racheter à l’État, grâce à des enchères, les garanties d’origine associées à leur installation pendant la période où elles sont subventionnées.
Ainsi, une production d’électricité renouvelable déjà rentabilisée par la subvention publique peut être commercialisée ensuite sous forme d’électricité verte. Autrement dit, les investissements actuels engagés par la puissance publique continuent à augmenter le stock d’électricité renouvelable dans lequel les fournisseurs d’offre verte viennent puiser. Cela s’applique également aux fournisseurs qui réalisent un achat conjoint d’électricité, qui peuvent maintenant vendre l’électricité d’un plus large ensemble de producteurs subventionnés.
Sous la pression de ces parties prenantes, un critère d’additionnalité fait donc son apparition dans leVertvolt, et est pris en compte dans le second niveau du label qui permet de distinguer des offres pour “des consommateurs très engagés”.
Le critère stipule ainsi que 25 % de la production d’électricité renouvelable comptabilisée doit correspondre soit à une “additionnalité financière” c’est-à-dire, une nouvelle installation non subventionnée, soit à une “additionnalité sociétale”, qui suppose la réalisation des achats auprès d’”installations sous gouvernance partagée” (coopérative énergétique, projet porté par des municipalités…).
Néanmoins, seule “l’additionnalité financière” correspond à l’exigence d’additionnalité telle qu’elle avait été formulée par la CRE ou par le BEUC. Les projets à gouvernance partagée restent en effet financés par une subvention publique (sous forme de complément de rémunération) et l’achat d’électricité labellisée n’a pas d’effet déclencheur dans le développement de l’électricité renouvelable. Il favorise les projets à gouvernance partagée plutôt que les autres.
Les critères de labellisation à destination de la consommation engagée sont toujours le résultat de négociations complexes entre les différents fournisseurs présents sur un marché, les représentants des consommateurs ou d’associations militantes, et les représentants de l’État. Mais l’électricité verte est probablement le seul exemple d’offre labellisée dans lequel l’identification du mode de production (l’origine de l’électricité) n’apporte aucune garantie que la décision d’achat ait un effet sur le développement de celui-ci.
Cette difficulté tient à la caractéristique économique des investissements dans la production renouvelable d’électricité : leur rentabilité à long terme et les incertitudes des prix et des tarifs des modes de production non renouvelables. Ni les petits producteurs, ni les fournisseurs alternatifs, ni les consommateurs engagés, n’ont la capacité d’assumer les risques financiers et les surcoûts de ce type d’investissement. Le soutien public reste donc indispensable au développement de l’électricité renouvelable.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
À PROPOS DE L’AUTEUR :
Thomas Reverdy, Professeur des Universités en sociologie, Institut polytechnique de Grenoble (Grenoble INP)
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