Mais voilà, à peine lancé (avec une semaine de retard), le Grand débat national (GDN) accumule les critiques aussi bien sur le fond que la forme. Et des citoyens vont même jusqu’à construire un outil concurrent.
Premier scandale : la démission de Chantal Jouanno le 9 janvier selon qui “le grand débat est faussé”. À la tête de la Commission nationale du débat public (CNDP) , l’ancienne ministre de Nicolas Sarkozy avait pour mission de garantir l’indépendance et la transparence de la consultation.
Mais comme le révèle Mediapart dans l’enquête “Grand débat : les secrets d’un hold-up” publiée le 26 janvier, le gouvernement aurait tenté de s’associer à la CNDP afin de bénéficier de sa légitimité sans pour autant respecter son cahier des charges.
Les raisons du retrait de la Présidente de la CNDP
Une volonté de contrôle que l’on retrouve dans l’outil final. Au début du mois, la plateforme “était prête, sauf qu’en fait, ils ont tout refait”, révèle Chantal Jouanno sur le plateau de LCI le 25 janvier.
“On n’avait pas prévu de faire une opération de communication mais un grand débat, donc on avait prévu de faire une plateforme numérique totalement ouverte, […] où tout le monde pouvait échanger sur n’importe quel sujet. […] Nous n’avions pas voulu que le grand débat se résume à un questionnaire sur quatre thèmes. Nous avions dit [au gouvernement, ndlr] : ‘ne répondre qu’aux questions qui sont posées par le gouvernement’, ce n’est pas ça un grand débat”, ajoute-t-elle.
Pas un débat, mais une consultation
La climatologue Valérie Masson-Delmotte, co-présidente du groupe de travail sur les sciences du climat du GIEC, a par exemple partagé ses doutes sur Twitter : “Pas de référence au système alimentaire (agriculture – alimentation), ni de référence aux importations vis-à-vis des enjeux d’émissions de gaz à effet de serre qui ne baissent pas. Pourquoi ?”.
Je lis le texte pour le grand débat national sur la transition écologique. Pas de mention de l'effondrement de la biodiversité en intro. La 1ère question demande d'identifier une seule priorité sur des sujets qui me semblent d'égale importance. Pourquoi?https://t.co/h1XoM4jwNR pic.twitter.com/vGKyBOnHNb
— Val. Masson-Delmotte (@valmasdel) 16 janvier 2019
Ce collectif, comprenant plus de 350 acteurs dans toute la France (civic tech, associations, médias, chercheurs, citoyens…), a publié mercredi 23 janvier une lettre ouverte adressée au Président Emmanuel Macron, signée notamment par Julien Bayou (conseiller régional d’Ile-de-France), Cyril Dion, Magali Payen (fondatrice de la campagne “On est prêt”), des membres de Démocratie Ouverte ou encore des Gilets Jaunes.
Une alternative au Grand débat national
Face à ces insuffisances, des Gilets jaunes ont donc décidé de mener leur propre débat dès le 30 janvier, baptisé le “Vrai débat”. Fait étonnant : l’outil est le même que celui utilisé par le gouvernement. Il s’agit d’une plateforme conçue par Cap Collectif, start-up de la civic tech faisant partie du collectif Démocratie Ouverte, et déjà utilisée depuis fin novembre 2018 par les Gilets jaunes de La Réunion.
“Le gouvernement a choisi l’outil proposé par Cap Collectif, qui est l’un des meilleurs sur le marché, mais ils l’ont mal exploité. C’est comme acheter une Porsche et l’utiliser comme une 4L”, décrit le cofondateur de Démocratie Ouverte.
Un outil “plus simple et ouvert”
À la suite de cette consultation, les données seront traitées “par des instituts de statistique et des chercheurs”, afin de réaliser des synthèses par thèmes et d’organiser sur tout le territoire neuf conférences citoyennes. “Les gens pourront proposer des solutions opérationnelles et argumentées.” Pour aller plus vite, l’objectif n’est pas d’arriver à un référendum mais que chacun puisse porter des revendications concrètes aux décideurs.
Beaucoup de questions restent sans réponses quant à la suite de ce Grand débat (Ndlr : l’Elysée n’a pas donné suite à nos prises de contact). À vouloir encourager le débat parmi les citoyens puis en revenant en arrière, le gouvernement ne s’est-il pas pris à son propre jeu ?