Et qui se distingue du simple téléphone portable permettant seulement de… téléphoner. Plus de 70 % des Français en possèdent un aujourd’hui (et 53 % une tablette numérique, dont les usages sont comparables lorsqu’elles sont équipées d’une carte SIM). Ils sont ainsi 34 % à accéder quotidiennement à la fois à un smartphone, un ordinateur et une tablette.
L’organe peut-il créer la fonction ?
Le terme doit d’ailleurs être mis au pluriel ; les fonctions correspondent ici aux multiples “applications” (terme consacré) disponibles par défaut sur les appareils, auxquelles s’ajoutent toutes celles que l’on peut télécharger.
L’organe a ainsi fait naître des millions de fonctions, proposées (gratuitement ou non) dans les écosystèmes d’Apple, Samsung et des autres fabricants. Et développées par des petits génies de l’informatique qui espèrent ainsi faire parler d’eux et faire fortune.
Des usages diversifiés
Mobilité croissante
Cette priorité accordée aujourd’hui au smartphone dans les modes de vie est l‘illustration la plus spectaculaire qui soit des tendances lourdes de la société. L’omniprésence de l’objet “nomade” rend d’abord compte de la mobilité croissante des individus. Elle témoigne de leur souhait d’être connecté au monde n’importe où et n’importe quand. Ou de l’obligation implicite qui leur en est faite, car beaucoup n’ont plus vraiment le choix, sous peine de se marginaliser. D’où le luxe aujourd’hui de pouvoir se déconnecter, se “désintoxiquer”.
Peur de l’ennui et du vide existentiel
Mais la principale tendance mise en exergue par l’usage permanent du smartphone est probablement la peur de l’ennui et du vide existentiel qu’il peut provoquer. C’est pour ne pas se sentir seul que l’on cherche à entretenir ses réseaux de relation.
C’est pour se donner le sentiment d’exister que l’on se dote d’un appareil qui permet d’être contacté partout et à tout moment, et d’être relié aux autres. Comme s’il s’agissait d’une réponse, laïque, au besoin de religiosité (qui signifie, étymologiquement, le besoin d’être relié).
Ne pas se retrouver face à soi-même
Mais on peut trouver aussi dans cet outil le moyen de se réfugier dans une (ou plusieurs) communauté(s) choisie(s), isolée(s) des autres, ou même destinée(s) de s’en abriter, voire de les critiquer ou de leur nuire. Sans parler bien sûr des inconvénients et des risques liés au “pistage” permanent des utilisateurs et au piratage de leurs données personnelles.
On peut également craindre que le trop plein de relations avec le monde extérieur n’aboutisse à l’impossibilité d’être vraiment soi-même. La mode du selfie ne doit en effet pas nous tromper. La motivation générale de l’utilisateur connecté du XXIe siècle est bien davantage de ne pas se retrouver face à lui-même que de se placer au centre de tout.
De l’individu aidé à l’individu augmenté
L’addiction aux écrans de toute sorte n’est en tout cas pas près de se terminer. Elle connaîtra seulement une nouvelle étape lorsqu’ils seront remplacés par des images holographiques sans support, ou directement “imprimées” dans le cerveau. Le smartphone ne sera plus alors une “prothèse” démontable et débrayable par ceux qui le souhaitent, mais un élément constitutif de “l’individu augmenté”, tel qu’il est proposé par les transhumanistes. On devrait s’interroger sur le rapport bénéfices/risques de cette possible (ou probable) révolution.
Gérard Mermet.