Partager la publication "“Les jeunes comme Greta Thunberg sont très forts pour montrer nos incohérences”"
Depuis quelques mois, des milliers d’étudiants et de lycéens descendent dans la rue chaque semaine pour interpeller leurs gouvernements sur l’urgence climatique et sociale. Un phénomène qui ne cesse de s’étendre.
Le film documentaire Bigger Than Us s’intéresse à cette nouvelle génération de militants. Il nous embarque à la rencontre de jeunes activistes à travers le monde, en compagnie de Melati Wijsen, une Indonésienne qui a réussi à interdire la vente et la distribution de sacs plastiques sur l’île de Bali.
Ses producteurs, Elzévir Films (Home) et l’actrice française Marion Cotillard, espèrent sortir ce film en salles pour la fin 2020. Une campagne de crowdfunding a d’ores et déjà été lancée le 11 mars pour financer une partie du tournage (40 % de l’objectif a pour l’instant été atteint).
- WE DEMAIN : Vous aviez déjà tourné avec Melati Wijsen pour votre documentaire “Et si les enfants changeaient le monde ?” diffusé en 2016 sur la chaîne Arte. Pourquoi ce second film ?
Flore Vasseur : Depuis l’âge de 12 ans, Melati milite pour interdire les sacs plastiques à Bali. Sa personnalité et son combat ne peuvent que forcer l’admiration. Elle se heurte pourtant, comme beaucoup d’activistes, à une indifférence générale. Comment expliquer cette résistance au changement ? Bigger Than Us va la suivre dans un voyage autour du monde, à la rencontre d’autres jeunes activistes, pour tenter de trouver une réponse à cette question.
Si tout se passe bien, l’équipe partira en tournage dans un mois au Liban. Nous partagerons aussi notre aventure sur un site et via les réseaux sociaux. Impossible d’attendre la sortie du film pour en parler !
- Quels activistes avez-vous prévu de rencontrer ?
Aux États-Unis, nous allons suivre Xiuhtezcatl Martinez, un rappeur militant qui attaque en justice le gouvernement américain pour non-respect des droits des générations futures. Melati assistera à l’un de ses concerts et pourra échanger avec le public.
Nous avons aussi prévu de rencontrer Memory Banda, une figure majeure de la lutte contre le mariage et la maltraitance des jeunes-filles au Malawi. Melati rejoindra un groupe de discussion entre femmes, pour les écouter et parler de son propre combat. À chaque fois, nous organiserons des événements avec les jeunes rencontrés.
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Le film présentera aussi Mohamad Al Jounde, un réfugié syrien qui a créé une école dans un camp de réfugiés au Liban, l’Écossaise Mary Finn qui a travaillé aux côtés de l’équipe de sauvetage de l’Aquarius, René Silva qui a lancé un journal écrit par et pour les habitants de sa favela au Brésil… Nous attendons encore les réponses des jeunes américains anti-armes de “March for our lives”.
Pour sélectionner tous ces profils, nous avons fait un énorme travail de veille et d’enquête. D’autant que nous voulions présenter des initiatives concrètes, pas seulement de bonnes intentions.
- Votre documentaire se concentre sur de très jeunes militants. En quoi sont-ils différents des adultes engagés dans les mêmes causes ?
Prenez Greta Thunberg par exemple. Elle martèle toujours le même discours : “Je ferai grève tant que vous n’appliquerez pas l’accord de Paris.” C’est remarquable de simplicité. Seuls les plus jeunes atteignent une telle clarté et une telle intransigeance. Ils sont très forts pour mettre en évidence nos incohérences.
Ces adolescents sont digital native, ultra-informés, et savent mobiliser via les réseaux sociaux. Ils sont venus au monde en pleine crise environnementale et démocratique… L’effondrement du système touche directement leur vie. Ils le voient dans les difficultés de leurs parents, dans ce qu’ils mangent… Les plus jeunes sont aussi sur-représentés parmi les victimes de guerre ou de catastrophes humanitaires.
- À vous entendre, on a l’impression que toutes les causes se rejoignent…
Oui, les problèmes évoqués dans le film ont un dénominateur commun : un système dans lequel le profit est plus important que la vie. Tant que l’on ne l’attaque pas directement, on peut continuer à défiler dans la rue, rien ne va bouger.
“J’ai des enfants et je ne sais plus quoi leur dire.”
Le titre du documentaire n’a d’ailleurs pas été choisi au hasard. Ce “plus grand que nous”, c’est d’abord cette résistance au changement qui persiste, en dépit de toutes les évidences, de toutes les preuves scientifiques qui nous appellent à réagir. Mais ce sont aussi les activistes présentés au long du film. Grâce à leur actes, leur résilience, ils deviennent, de fait, “bien plus grands” que nous adultes.
- Quel message, finalement, voulez-vous faire passer ?
Le propos peut paraître sombre à première vue. Nous explorons des angles morts, comme les bidonvilles, les camps de réfugiés… Devant ces problèmes, je ne sais plus quoi dire à mes enfants. Ce film est une forme de réponse. Je veux présenter des personnes inspirantes qui vont toucher le public. Leur activisme montre un rapport à la vie très joyeux et stimulant, alors que nous vivons trop souvent dans le renoncement, sans savoir par quel bout prendre les problèmes.
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Les solutions sont pourtant sur la table. Nous savons comment lutter contre les paradis fiscaux, nous avons une feuille de route pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. Il ne manque que la volonté politique et le désir de changer des populations. Les citoyens ont un rôle à jouer. Les représentants ne bougeront pas seuls. Ils agiront quand cela deviendra intenable, quand ils n’auront plus le choix. Il faut les faire craquer.