Partager la publication "Maisons fissurées : que faire quand la sécheresse fragilise nos fondations ?"
De plus en plus répandu, le phénomène des maisons fissurées s’explique par un mécanisme survenant lors des périodes de sécheresse : le retrait-gonflement des argiles (RGA). Lorsque les sols argileux se déshydratent, ils se contractent, ce qui provoque parfois des dégâts importants aux bâtiments. Les deux facteurs clés de l’apparition de ces fissures sont donc la présence d’un sol argileux et la récurrence des épisodes de sécheresse.
Si la nature des sols relève de caractéristiques géologiques immuables, les sécheresses, quant à elles, sont de plus en plus fréquentes en raison des dérèglements climatiques provoqués par les activités humaines. Ces épisodes de sécheresse peuvent être considérés comme des externalités négatives : des effets collatéraux des activités économiques, non pris en compte par les acteurs responsables. Quel est l’impact de ce phénomène ? Et quelles leçons tirer du phénomène des maisons fissurées pour mieux gérer collectivement les futures conséquences du dérèglement climatique ?
Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) estime que 48,5 % du territoire est en exposition moyenne ou forte au RGA. Le phénomène des maisons fissurées est donc d’une importance nationale.
Il est aussi en forte croissance. La figure suivante représente l’évolution du nombre de catastrophes naturelles pour les sécheresses et les mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols, deux catégories de catastrophes à rapprocher du RGA.
On y voit, d’une part, que les sécheresses suivent une certaine périodicité par intervalles d’une dizaine d’années, avec un premier cycle qui se termine au début des années 2000, un deuxième qui prend fin autour de 2014 et un troisième qui n’a pas encore atteint son terme. D’autre part, le nombre d’occurrences augmente très fortement dans le dernier cycle observé, comme l’illustre la moyenne glissante sur 10 ans représentée en bleu. La sécheresse étant la cause principale des RGA, une telle augmentation des épisodes de sécheresse ne peut qu’aggraver le phénomène des maisons fissurées.
Ce phénomène est très inégalement réparti sur le territoire, puisque dépendant de la constitution des sols. Cette hétérogénéité est également doublée d’une hétérogénéité patrimoniale. Selon l’estimation réalisée par le Service des données et études statistiques (SDES) en 2021, 10 430 299 logements seraient exposés à un risque moyen à fort de RGA. De fortes différences existent cependant selon le type de propriété. Près de 45 % des logements exposés ont été construits après 1975 et sont plus vulnérables que des bâtiments plus anciens.
L’exposition hétérogène à l’aléa rend difficiles l’élaboration et la mise en œuvre d’une politique nationale, qui, par définition, a vocation à s’appliquer à tous et sur l’ensemble du territoire.
Néanmoins, cette difficulté semble être commune à de nombreuses conséquences des bouleversements climatiques (augmentation des températures en villes et pollution, augmentation du niveau des eaux, difficulté de cultures agricoles localisées comme la vigne…). Le traitement en politique publique du RGA peut faire école pour les problématiques qu’il faudra gérer.
L’apparition de fissures engendre des coûts de réparation et de relogement importants. La solution préférée jusqu’à présent est la compensation financière par assurance privée ou fonds publics. Toutefois, ces solutions ne semblent pas suffire et, a fortiori, ne seront pas adaptées aux futures conséquences des bouleversements climatiques.
Tous les rapports récents des grandes institutions publiques s’inquiètent de l’incapacité du dispositif d’indemnisation des catastrophes naturelles, dit « CatNat », à faire face aux conséquences des évolutions climatiques. Ce dispositif permet aux particuliers, aux entreprises et aux collectivités d’être indemnisés en cas de situation déclarée catastrophe naturelle. En particulier, Christine Lavarde souligne dans son rapport d’information au Sénat qu’« il est estimé que le coût cumulé de la sinistralité sécheresse entre 2020 et 2050 représenterait un coût de 43 milliards d’euros, soit un triplement par rapport aux trois décennies précédentes. Le régime CatNat ne serait ainsi plus en mesure de dégager assez de réserves pour couvrir les sinistres à l’horizon 2040 ».
Dès lors, d’autres solutions doivent être envisagées, par exemple :
Les solutions compensant simplement les dégâts ne prennent pas en compte la diminution de la valeur des biens immobiliers. La probabilité des RGA, même si la maison n’est pas fissurée, est intégrée par les acheteurs potentiels et a un impact direct sur le prix de marché.
Selon nos estimations, une augmentation de 1 % de la surface exposée dans la commune conduit, en moyenne, à une réduction significative du prix au mètre carré de 29 euros. La prise en compte de ce manque à gagner augmenterait encore les montants à verser…
À propos de l’auteur : Antoine Prevet. Directeur exécutif Chaire etilab, Chercheur en économie, Mines Paris – PSL.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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