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Mathieu Baudin : “Nos élites ne bougeront pas tant que les citoyens n’auront pas bougé”

L’Institut des Futurs souhaitables veut insuffler de l’optimisme et une vision à long terme dans le débat public. Créé en 2012, cet atelier-laboratoire lance une campagne pour étendre son message à l’ensemble de la société civile. Rencontre avec Mathieu Baudin, son fondateur.

Le 14/04/2015 par WeDemain
L'Institut des Futurs souhaitables veut insuffler de l'optimisme et une vision à long terme dans le débat public. Créé en 2012, cet atelier-laboratoire lance une campagne pour étendre son message à l'ensemble de la société civile. Rencontre avec Mathieu Baudin, son fondateur.
L'Institut des Futurs souhaitables veut insuffler de l'optimisme et une vision à long terme dans le débat public. Créé en 2012, cet atelier-laboratoire lance une campagne pour étendre son message à l'ensemble de la société civile. Rencontre avec Mathieu Baudin, son fondateur.

Pour eux, “le meilleur est avenir”. À condition de l’appréhender “ensemble” et de façon “positive”. Vendredi 10 avril, l’Institut des Futurs souhaitables a lancé une campagne de communication intitulée “Les conspirateurs positifs “. Avec un objectif : inspirer le débat public, “soutenir des projets porteurs d’avenir”  et donner au citoyen “l’envie d’agir positivement”. 

Mais qui sont les conspirateurs positifs et que fomentent-ils ? Interview avec le fondateur de ce “fablab intellectuel”, Mathieu Baudin.

We Demain : Pouvez-vous nous résumer l’objectif de cette campagne ?

Mathieu Baudin : C’est un plaidoyer pour l’optimisme. Mais c’est surtout un mouvement symbolique vers le grand public de notre ONG, qui mûrit dans ma tête depuis dix-sept ans. Depuis lors, j’ai l’intuition que nous sommes dans une phase de renaissance. Cela vient du fait que je suis historien de formation – j’analyse ce qui a dû être –, mais aussi prospectiviste – j’observe ce qui pourrait être. Et je constate que nous sommes à un moment de rupture de notre histoire, avec deux mondes qui s’affrontent mais se chevauchent. Le but est de raconter une histoire, celle à venir. Et de le faire à plusieurs. Les “conspirateurs positifs” sont là pour ça. D’où l’ouverture au grand public de nos activités, dont le programme est disponible sur notre site web.

Justement, que racontez-vous exactement ? Et comment ?
 

Nous organisons différents ateliers, actions publiques ou labs pour raconter le monde qui change. La disruption, le biomimétisme, le marketing responsable, l’économie collaborative, les nouveaux modèles de développement durable… Il y a encore 17 ans, on me traitait d’utopiste quand j’abordais ces sujets. Ce n’est plus le cas maintenant : nous sommes vus comme des porteurs d’innovation. C’est bon signe, cela veut dire que le monde a changé. Mais pour dessiner ces alternatives, il faut d’abord y réfléchir ensemble. Les conspirateurs positifs sont tous ceux qui sont prêts à s’investir pour un réveil intellectuel en douceur. Ils défendent un optimisme offensif, indiscipliné, à rebours de la sinistrose ambiante.

Alors résumons… C’est en étant positif qu’on change le monde. Cela suffit ?
 
Non, ça ne suffit évidemment pas ! Et puis, on ne naît pas positif, c’est une façon de penser qui se travaille. À l’Institut des Futurs souhaitables, nous sommes dans une démarche intellectuelle qui combine optimisme et réflexion. Sans être des Bisounours, nous utilisons notre rage pour avancer, montrer que demain pourrait être un grand “kiff”.

Et pour le faire intelligemment, nous nous sommes entourés de plus de 150 experts, qui animent nos “voyages intellectuels”, des formations de six mois auxquelles maintenant, tout le monde peut participer. Parmi ces experts : des démographes, des philosophes, mais aussi des cyberpunks et des hackers. Notre septième lab commence le 29 avril. Le principe ? Se retrouver deux fois par semaine en petit comité et réfléchir ensemble, avec tous les décideurs de la société.

Qui sont ces décideurs ?
 
Il faut distinguer “décideurs” et “dirigeants”. Ces derniers sont ligotés par l’obsolescence du monde : ce sont les patrons d’un siècle révolu, avec les structures pyramidales héritées du XIXe siècle et l’énergie fossile du XXe. Les décideurs, eux, sont des représentants d’entreprises, de l’État, d’institutions publiques, d’ONG, mais aussi des artistes, des chômeurs, des journalistes… Ce sont les personnes comme vous et moi qui, à leur échelle, peuvent montrer à nos dirigeants que le carbone, c’est mort. Que nous vivons à présent dans un monde biologique, connecté et numérique.

Comment, concrètement, s’articulent ces formations ?
 
Il s’agit de cycles de seize séances. Chacune rassemble des acteurs de la société autour de conférences sur différents thèmes. Après chaque conférence, nous organisons des débats. Les participants sont répartis en trois groupes : les pour, les contre, les “je ne sais pas”. L’idée est de permettre la controverse intelligente, car nous pensons que la polémique d’usage dans notre pays ne mène à rien. Et les incertains finissent par prendre position. C’est une évolution collective qui profite à chacun. Et l’impact de tels changements individuels est très concret : lorsque nous faisons venir un haut responsable de La Poste, qui repart avec l’idée de créer un système d’économie collaborative au sein de sa boîte, ce sont 260 000 salariés qui sont concernés.

C’est un travail d’influence, en somme.
 
Nous ne sommes pas là pour faire du prosélytisme. Nous ne cherchons d’ailleurs pas les participants, ils viennent à nous. Les gens qui s’inscrivent à nos labs partagent l’idée que le futur est un combat intellectuel à mener ensemble. L’inscription est payante, son prix est proportionnel aux moyens de la personne. Si vous êtes patron d’une société du CAC 40, vous paierez 12 000 euros la session de six mois, si vous êtes chômeur, 1 200 euros. De notre côté, pour favoriser la mixité sociale, nous sélectionnons 25 candidats aux horizons divers.

Et si l’on ne participe pas à ces formations de six mois, on peut quand même être conspirateur positif ?
 
Bien sûr. Chacun le peut. Un exemple simple d’une pratique de conspirateur ? Chez le dentiste, remplacer les magazines de la salle d’attente par des lectures plus inspirantes. Il y en a tellement, des pratiques quotidiennes de ce type à adopter. Nos animations et événements ouverts toute l’année au public contribuent à les explorer.

Comment y croire ?

En abordant les choses de façon décomplexée, en suivant la maxime “au pire, ça marche”. Aucun système ne tient éternellement, tout est mouvant. Pour autant, nous ne prétendons pas détenir la solution. Au contraire, nous sommes là pour expérimenter. À l’Institut des Futurs souhaitables, nous voulons insuffler le changement – toujours selon l’idée que nos élites ne bougeront pas tant que les citoyens n’auront pas bougé. Il faut y croire, les dépasser. Nos enfants ont déjà compris que le temps était au mouvement.

Propos recueillis par Lara Charmeil
Journaliste à We Demain
@LaraCharmeil

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