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“Les listes participatives veulent renverser la pyramide politique”

À Toulouse, Montpellier, Nantes, Poitiers… Au total, 342 listes participatives sont en lice pour les élections municipales. Un nouveau phénomène politique soutenu par l’association Action commune. Explications d’Ondine Baudon, coordinatrice du projet.

Le 04/03/2020 par Sofia Colla
Ondine Baudon.
Ondine Baudon.

L’Archipel citoyen à Toulouse, Solidaires par nature à Niort, Nantes en commun, Nous Saint Ouen en banlieue parisienne… En vue des Municipales, des Français non professionnels de la politique ont lancé un peu partout des listes participatives qui impliquent les habitants dans la transformation de leur cité.

Fondée en juin 2019, l’association Action Commune  accompagne ces listes atypiques, en leur proposant une méthode d’organisation. Elle les met aussi en lien pour créer un réseau sur tout le territoire. Enfin, elle cherche à les faire connaître, notamment via le documentaire J’irai voter pour nous tourné sur la liste Nous Sommes de Montpellier. 

Ondine Baudon, coordinatrice du projet, nous en dit plus sur ce nouveau phénomène politique. 
 

  • We Demain : On entend beaucoup parler de listes participatives mais aussi de listes citoyennes. Quelles différences ? 

Ondine Baudon : Comme il existe du “green washing”, se développe une sorte de “citizen washing”, et les politiques l’ont bien compris. Une liste citoyenne peut simplement “inclure” quelques habitants locaux. Une liste réellement participative doit comporter 4 critères :

– Elle doit émerger de collectifs citoyens qui s’organisent pour défendre l’intérêt général, et non d’un parti politique.
– Elle doit utiliser une méthode très démocratique pour désigner des têtes de liste représentatives des habitants, en ayant recours par exemple au vote majoritaire, au tirage au sort, écartant les arrangements politiques.
– La rédaction du programme doit se faire dans le cadre d’ateliers avec les habitants.
– Enfin, l’implication des habitants dans la prise de décision pendant le mandat doit faire partie du programme. 
 

  • Comment s’assurer de cette “participation” au fil du mandat ?

L’association La Belle Démocratie a créé un outil qui permet de s’auto-évaluer en tant que liste participative : La Boussole Démocratique. Ces listes sont aussi accompagnées par un comité indépendant de personnes tirées au sort qui ne sont pas candidates, chargé de vérifier que la méthode est appliquée.
 

  • Et, dans les faits, qui retrouve-t-on sur ces listes ? 

Les listes participatives attirent des personnes qui ne sont pas impliquées en politique, ni même dans des associations. 70 % des personnes de leur noyau dur n’ont jamais été membres d’un parti. Tout le monde peut y figurer ! Les candidats sont sélectionnés sur la base du volontariat, par plébiscite ou tirage au sort.
 
Et selon notre étude, 65 % des listes participatives sont totalement indépendantes des partis politiques. Certains peuvent avoir reçu un appui : la  liste de Montpellier a par exemple reçu le soutien des Insoumis locaux qui ont décidé de ne pas présenter de candidat face à eux, mais qui ne s’immiscent pas dans la campagne.

Ces listes sont aussi bien plus féminines.
 

  • Ces mouvements attirent l’attention des médias, mais quelle est leur ampleur réelle ?

En France, nous sommes un peu en retard. Lors des élections de 2014, il n’y avait que Saillans, une ville pionnière en France. D’autres pays, comme l’Espagne, ont de l’avance, avec des mouvements comme Barcelona en comú.
 
Pour ces Municipales 2020, nous avons recensé 342 listes participatives en lice, dans beaucoup de grandes villes comme Toulouse, Montpellier, Annecy, Nantes, Poitiers… Et il y en a même peut-être le double, car beaucoup de petites communes ne sont pas forcément connectées à un réseau. Les ambitions de ces listes sont plus ou moins radicales, mais cela montre quand même une vraie césure avec la façon ancienne de faire de la politique.

Carte des listes participatives en France (Crédit : Action Commune)

  •  Quelles sont les difficultés rencontrées par les listes participatives ?   

Il y en a beaucoup ! D’où l’importance de les mettre en relation car même si leurs expériences sont hyper locales, elles sont souvent confrontées aux mêmes problèmes.
 
Souvent, la plus grosse difficulté est de changer de logiciel politique, de donner confiance aux habitants pour qu’ils se mobilisent, qu’ils comprennent qu’ils peuvent avoir une influence et qu’il est possible de prendre des décisions collectivement, de façon efficace, sans que ce soit l’anarchie.
    

L’initiative est intéressante car elle part vraiment d’un collectif citoyen. Elle est en deuxième position dans les sondages, après celle du maire sortant. Ses membres ne veulent pas faire de compromis, s’ils perdent, ils seront un contre-pouvoir citoyen. À travers ce film, on espère donner envie à tous de s’engager, en montrant qu’il est possible d’inverser la pyramide et de faire de la politique par le bas.

Le film entend aussi aborder le paradoxe de ces projets collectifs qui doivent en même temps être incarnés par une personne. Généralement, la tête de liste participative est soit porte-parole soit animateur des temps de décision collective, c’est-à-dire facilitateur.
 

  • Quels sont vos projets après les élections ?

Nous espérons que beaucoup de listes participatives vont gagner en mars, mais de manière plus réaliste nous pensons que le vrai point de bascule sera 2026. Après les Municipales, nous chercherons donc à changer les pratiques politiques, à valoriser un nouveau récit collectif, une reprise en main du pouvoir pour répondre aux enjeux face auxquels les partis actuels sont impuissants. 
   

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