Un acronyme mystérieux : NFT. Et un nom tout aussi flou : Non Fungible Token. Derrière ce nouveau concept, qu’y a-t-il vraiment ? On parle beaucoup des NFT, souvent pour les railler ou se moquer de ceux qui en achètent à prix d’or. Pour comprendre exactement ce dont il s’agit et ce qui se cache derrière ces trois lettres, ce n’est pas si simple. Car il faut déjà avoir assimilé d’autres concepts complexes – la blockchain, les cryptomonnaies, le metaverse et le Web3 – avant d’aborder les NFT.
Petit résumé express : la blockchain est une sorte de base de données totalement décentralisée, partagée par tous ses utilisateurs. C’est une technologie de stockage et de transmission d’informations de manière traçable mais aussi anonyme (du moins, en pseudonymat). Les cryptomonnaies sont des monnaies virtuelles qui reposent sur la blockchain et un protocole informatique crypté. Le metaverse est un monde virtuel où chacun se présente sous la forme d’un avatar. Le Web3 est le nouvel Internet, qui englobe tous ces concepts et devrait remplacé peu à peu le Net centralisé dominé par les Gafam (Google, Amazon, Facebook…) tel qu’on le connaît aujourd’hui.
Les NFT sont des jetons non fongibles, c’est-à-dire des jetons virtuels uniques. Des unités de données stockées dans la blockchain. C’est une sorte de certificat d’authenticité d’un actif numérique unique et non interchangeable. Concrètement, de l’argent est “fongible” car on peut interchanger un euro avec un autre sans que cela ne modifie quoi que ce soit. On peut aussi le diviser différemment (1 euro, 5 euros, 10 euros) et l’offre est illimitée ou presque.
Un jeton non fongible est un actif sans pareil. C’est le cas d’une oeuvre d’art mais aussi la preuve de la possession d’une maison (sa forme, son emplacement, etc. sont uniques) ou d’une carte de collection. Certes, on peut reproduire une peinture mais l’original aura toujours plus de valeur. Ensuite, stocké dans la blockchain, le NFT sert aussi de certificat d’authenticité grâce à la cryptographie du système. On ne peut ni le modifier ni, en théorie, le voler. Du moins tant que vous ne livrez pas d’informations personnelles, comme le code d’accès à votre portefeuille virtuel, le Wallet, dans lequel votre NFT est stocké.
Concrètement, on passe d’un monde où le créateur d’un contenu unique – une oeuvre numérique par exemple – publie son oeuvre quelque part sur Internet. Celle-ci pourra être réutilisée (copiée) à son insu sans qu’elle en ait le contrôle et l’oeuvre en elle-même sera extrêmement difficile à monétiser. Avec les NFT, la personne va pouvoir émettre elle-même une oeuvre originale et en tirer les bénéfices tout au long de sa vie. Quoi qu’il arrive, elle en restera l’auteur à tout jamais.
Par exemple, elle va la vendre une première fois (avec son certificat d’authenticité qui suivra l’oeuvre toute sa vie). Si jamais, plus tard, elle est revendue, l’auteur ou l’autrice de l’oeuvre pourra toucher une petite commission sur la nouvelle transaction. Quoi qu’il se passe dans le temps, cette personne sera toujours considérée comme étant à l’origine de l’oeuvre et continuer à en tirer des bénéfices au gré des reventes. Et elle peut gérer les droits de reproduction et de copyright à sa guise. C’est pourquoi posséder une paire de Nike en NFT ne vous donne pas pour autant le droit d’user librement de son image pour autant.
Absolument pas. Ils ont été réduits à cela par l’effet de buzz mais cela peut concerner n’importe quoi d’unique. Cela peut être n’importe quoi de digital : un dessin, une musique, le script original d’un film, un tweet, un vêtement de mode pour habiller votre avatar dans le metaverse… ou même des biens “phygitaux”, c’est-à-dire un double digital de quelque chose qui existe dans la vie réelle. Par exemple, l’achat d’une montre de collection ou d’un sac de créateur qui est aussi reproduit aussi virtuellement.
Cela peut-être pour l’utiliser comme accessoire dans un metaverse mais aussi plus simplement comme une sorte de carte d’identité du bien. Dans ce NFT, seraient stockés la date et le lieu de création, l’origine des composants (traçabilité), l’empreinte carbone, le nom de l’ouvrier ou l’ouvrière qui a fabriqué le bien, etc. A cela pourront être ajoutées ensuite des données sur la vie du produit (date de réparation, type d’intervention, etc.). Même chose pour la propriété d’un appartement. Plutôt que de posséder des papiers notariés, on peut imaginer un NFT qui stocke toutes les données de preuve de propriété et de transaction.
N’importe qui peut créer un NFT. Le plus simple est évidemment de créer une oeuvre d’art unique. Une fois le fichier digital créé, il faut choisir la blockchain qui a votre préférence. La plupart du temps, c’est Ethereum qui s’impose. Il vous faudra ensuite créer un Wallet crypto afin de pouvoir récupérer l’argent de la vente de votre NFT. Il en existe des milliers (MetaMask, ZenGo, eToro, Coinbase, Binance…).
Troisième étape : s’inscrire sur une marketplace. C’est un portail sur lequel les NFT sont vendus. La plateforme la plus connue est OpenSea mais il en existe bien d’autres (Rarible, Mintable, Nifty Gateway, etc.). Ces galeries d’art numérique mettent en vente vos oeuvres en échange de cryptomonnaies. Une fois votre compte créé, il convient de renseigner les informations sur votre NFT et de signer électroniquement les documents et autorisations de mise en vente. Cette étape passée, votre NFT est disponible sur votre Wallet. Il n’en disparaîtra qu’une fois la vente réalisée et la somme convenue transférée.
Outre l’art, les NFT sont intéressants dans bien d’autres domaines. On a évoqué le certificat de propriété d’un bien immobilier ou encore d’une montre de luxe. C’est vrai aussi pour des billets pour un concert ou pour un match sportif, des jeux vidéo (pas la propriété du jeu en lui-même mais des objets dans ce jeu) ou encore d’objets de collection.
Mais, attention, un NFT peut être trompeur. Selon un analyste qui a passé en revu la marketplace OpenSea en profondeur, environ 80 % des NFT enregistrées sur cette plateforme sont des oeuvres d’art plagiées, de fausses collections ou encore du spam. Méfiance donc si jamais vous rêvez de devenir collectionneur de NFT ou que vous lorgniez ce marché (90 % des acheteurs de NFT le font dans l’espoir de devenir riche). Regardez de près qui vend ce NFT et s’il possède vraiment les droits.
Certes l’artiste Mike Winkelmann, alias Beeple, a marqué les esprits en 2021 lors d’une vente aux enchères spectaculaire chez Christie’s où une de ses œuvres d’art numérique s’est vendu pour 69 millions de dollars. Mais la valeur d’un NFT est extrêmement fluctuante. Comme le prouve le premier tweet du fondateur de Twitter, Jack Dorsey.
Transformé en NFT, ce dernier a été vendu pour 2,9 millions de dollars. Lorsque son propriétaire l’a remis en vente, il en a demandé 48 millions. Las, la première offre était de 280 dollars et, une semaine après la mise en vente, le montant avait péniblement atteint l’équivalent de 6 000 dollars. Bref, il ne faut pas perdre de vue que tout cela reste un pari risqué.
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