“C’est notre nouvelle stratégie de croissance”, a commenté Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, lors de la présentation, mercredi 11 décembre, de son “Pacte Vert”. L’objectif : faire de l’Europe le premier continent neutre en émission de gaz à effet de serre d’ici 2050. Pour y parvenir : 100 milliards d’euros. De quoi booster la transition vers une nouvelle économie, réduire nos émissions de CO2 et les compenser par des mécanismes d’absorption.
Un “Green New Deal”, c’est aussi la revendication de l’économiste et homme politique Pierre Larrouturou depuis plusieurs années.
En février dernier, il en appelait dans We Demain à relancer l’Europe via un grand projet tourné vers le climat. Élu député européen sous les couleurs de Nouvelle Donne en mai dernier, membre du groupe des Sociaux-démocrates, il vient d’être nommé rapporteur du budget 2021 de l’Union Européenne. Pour
We Demain, il réagit aux annonces de la Commission.
We Demain : Comment jugez-vous ce Pacte vert ? Pierre Larrouturou : C’est une excellente nouvelle, et nous en manquons dans la lutte contre le réchauffement climatique. C’est la première fois qu’un continent se donne une ambition aussi forte : diviser par deux nos émissions en 10 ans, comme vient de le confirmer le vice-président chargé du climat Frans Timmermans. C’est aussi une vision globale, puisque sont concernées l’énergie, l’industrie, les transports, le logement, l’agriculture…
Mais tout reste à faire, notamment du côté du financement. Avec un plan beaucoup plus modeste, il manquait déjà 260 milliards par an à la précédente Commission. Aujourd’hui, les besoins sont de l’ordre de 400 milliards par an. C’est colossal, mais quand Roosevelt est entré en guerre en 1941, il a quadruplé le budget américain, et quand Kennedy a décidé d’aller sur la lune, le budget de la Nasa a été multiplié par 15 en 4 ans !
Nous avons besoin de financements publics et privés. La Banque européenne du climat propose 15 milliards : il en faudrait 20 fois plus pour atteindre les 2 % du PIB européen qui sont nécessaires.
Trois pays européens, encore très dépendants des énergies fossiles et en particulier du charbon, la Pologne, la Hongrie et la République tchèque, veulent faire barrage. Ils jugent tout à fait insuffisants les 100 milliards d’investissements prévus sur 7 ans pour les régions et les secteurs les plus vulnérables… Ils ont raison ! Il faudrait beaucoup plus. La BCE va créer 240 milliards d’euros en un an. Mais elle en avait créé 1000 en 2008 pour sortir de la crise financière, et 2600 depuis 2015 pour doper l’économie. Christine Lagarde, présidente de la BCE, est très ouverte sur le sujet. La volonté politique est réelle dans plusieurs groupes du Parlement européen. Il y a peut-être un alignement des planètes. Il faut réunir un Conseil européen des chefs d’état et de gouvernement pour déterminer concrètement ce qu’il faut faire en matière d’énergie, de transports, de logement…
Plusieurs pays, dont la République tchèque, veulent que le nucléaire soit considéré comme une source d’énergie susceptible d’être soutenue par des financements verts… Le groupe social-démocrate y est hostile, comme d’autres. Pour des raisons économiques – le coût du nucléaire a beaucoup augmenté et dépasse désormais celui du renouvelable –, pour des raisons de sécurité et du traitement des déchets, enfin pour des raisons politiques : des pays comme l’Allemagne, l’Autriche ou le Luxembourg s’y opposent.