Partager la publication "Phytoplancton : le peuple invisible des océans peut-il s’adapter au changement climatique ?"
Direction le grand Nord pour mieux étudier le réchauffement climatique et comprendre son impact sur la biodiversité des océans, notamment le phytoplancton. À la base de la chaîne alimentaire sous-marine, ce peuple invisible joue un rôle primordial pour toute la faune aquatique. Ces organismes microscopiques sont-ils taillés pour résister à la hausse des températures. Chris Bowler, directeur de recherche CNRS à l’École Normale Supérieure, a décidé de se pencher avec son équipe sur la question.
“Nous travaillons à partir d’échantillons prélevés dans l’océan Austral au cours des expéditions de la Fondation Tara Océan, explique le biologiste d’origine britannique. Le phytoplancton est une sentinelle des profondes mutations climatiques et environnementales actuelles.” Pour mener à bien cette mission, l’expédition a également reçu le soutien de la Fondation BNP Paribas dans le cadre de son programme “Climate & Biodiversity Initiative”.
En 2022, la mission Tara, avec à son bord 14 marins et scientifiques, a passé un trimestre en mer de Weddell, une partie de l’océan Austral située à l’est de l’Antarctique. Cette mer est recouverte de glace une bonne partie de l’année et est réputée comme particulièrement dangereuse, avec souvent plus de 60 nœuds de vent (110 km/h).
“C’est un des endroits où les eaux sont les plus denses sur Terre, explique Romain Troublé, Directeur Général de la Fondation Tara Océan, biologiste et marin. Ces eaux coulent au fond de l’océan, emportant avec elles des phytoplanctons, comme les diatomées.”
Et d’ajouter : “Les microbiomes, ce peuple invisible de l’océan, sont cruciaux pour notre survie car ils produisent la moitié de l’oxygène terrestre et aident à stocker quelque 40 % du CO2 de l’atmosphère au fond de l’océan. Nous étudions notamment les diatomées, ce petit phytoplancton est capable de faire du verre dans une eau à 2 degrés quand nous, humains, ne savons pas en faire à moins de 800 degrés.”
Il faut savoir que l’océan austral est très riche en silice, qui est à la base du verre. Les diatomées s’en servent pour créer leur exosquelette, leur carapace. Les scientifiques n’ont pas encore percé le mystère de cette fabrication du verre mais s’intéressent de près aux diatomées car, en mourant, ces phytoplanctons coulent au fond de l’océan, emportés par le poids de leur exosquelette.
“En s’enfonçant dans l’océan, les diatomées emportent avec elles le carbone qu’elles ont stocké. Cela fait de l’océan Austral un des puits de carbone le plus efficace sur Terre”, souligne Romain Troublé.
Sur la base des 3 mois d’échantillons collectés en mer de Weddell, dans des conditions souvent dantesques, les équipes scientifiques vont maintenant étudier tout cela à terre pour essayer de comprendre comment ce puits de carbone pourrait évoluer dans le futur. “Nous avons les données mais il nous faudra 2 à 3 ans pour les analyser. Cela va se passer notamment à Liverpool mais aussi en partenariat avec un laboratoire allemand. Au total, nous collaborons avec 35 laboratoires européens”, résume Romain Troublé.
Hausse des températures, effets de la pollution… comment va réagir le plancton ? Sur la péninsule Antarctique, on note un réchauffement de presque 3 °C en 50 ans. Les prélèvements en mer sont complétés par des carottes de sédiments qui vont permettre de remonter le temps 10 000 ans en arrière pour voir les fluctuations et les capacités d’adaptation de ces microbiomes, qui sont à la base de la chaîne alimentaire.
“Avec ces données, nous allons alimenter des modèles afin de projeter l’évolution du phytoplancton dans les cent ans qui viennent”, ajoute Chris Bower. Et
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