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Pourquoi les viandards sont de plus mauvaise humeur ?

Alors qu’articles de presse, livres et émissions de télévision se passionnent pour le ventre, notre “deuxième cerveau”, les chercheurs n’en finissent pas de mettre à jour de nouvelles relations entre notre abdomen et notre tête.

Nous avons tous eu mal au ventre avant un examen. Des nerfs dits neurovégétatifs relient le cerveau à tout le tube digestif qui, en cas de stress, s’agite  : on avale de l’air, la sortie de l’estomac se pince (“cela m’est resté sur l’estomac”), on ballonne, la vésicule biliaire peut avoir des spasmes et contribuer à des nausées ou des migraines, l’intestin s’agite, ce qui peut donner une diarrhée ou, paradoxalement – si ce qui domine est le resserrement du sphincter anal – une constipation. Jusqu’ici, les mécanismes sont connus.

Cette chronique a initialement été publiée dans le numéro 32 de la revue WE DEMAIN. Retrouvez la chronique du nutrithérapeute Jean-Paul Curtay dans chaque numéro.

Connectés par le nerf vague

Mais le stress et la dépression altèrent aussi la flore intestinale, qui devient inflammatoire, comme l’ont montré plusieurs études, dont celle de Haiyan Jiang, de l’université du Zhejiang. Et on constate le même effet chez les personnes qui avalent trop de sucre, de graisses saturées, d’additifs des aliments industriels, de produits carnés, mais aussi chez celles qui sont touchées par le surpoids, le diabète, ou qui ont pris des antibiotiques. 

La flore intestinale appauvrie, inflammatoire, se met à dégrader dans le tube digestif des acides aminés, ces petites briquettes qui forment les protéines. Et pas n’importe lesquelles… car il s’agit des plus importantes pour notre cerveau ! J’ai nommé la tyrosine, précurseur des neurotransmetteurs de l’attention, de la concentration, de la motivation, de l’humeur (noradrénaline et dopamine) et le tryptophane, précurseur de la sérotonine, qui nous sert à freiner nos pulsions.

Autrement dit, avec une alimentation défavorable aux bactéries amicales de notre flore, le stress ou des antibiotiques, nous pouvons nous retrouver moins attentifs, moins combatifs, déprimés ou irritables, impulsifs, attirés par le sucre et la cigarette.

Mais les relations intimes entre ventre et cerveau vont beaucoup plus loin. Le tube digestif lui-même contient 200 millions de neurones (dits” mésentériques”) qui interagissent avec les substances émises par les bactéries du tube digestif. Le tube digestif est d’ailleurs lui-même directement connecté au cerveau par un long nerf, le nerf vague. Et de plus en plus d’études constatent des altérations de la flore dans de nombreux troubles, y compris psychiques, comme l’hyperactivité et l’autisme, mais aussi dans des maladies graves comme Parkinson et Alzheimer.

Bactéries amicales

Les résultats convergents de plusieurs études récentes nous amènent à l’étonnante conclusion que ces maladies peuvent avoir une origine digestive  ! En effet, chez les Parkinsoniens par exemple, les protéines inflammatoires, pathogènes caractéristiques de la maladie, se trouvent dans le tube digestif bien avant de l’être dans le cerveau. Et les personnes à qui on a dû couper le nerf vague voient leur risque de maladie de Parkinson s’annuler. Des mécanismes similaires sont probables pour la maladie d’Alzheimer. On sait aussi désormais que les protéines pathogènes provoquant des maladies neuro-dégénératives s’exportent de neurones à neurones.

Tout ceci permet de comprendre pourquoi nombre de troubles du comportement, de pathologies mentales et les maladies neuro-dégénératives sont nettement plus fréquents chez ceux qui consomment des aliments inflammatoires – comme les gros mangeurs de viande.

Les chercheurs se focalisent donc maintenant sur la recherche des bactéries les plus favorables à notre équilibre comportemental et à la santé de notre cerveau, bactéries pour lesquelles ils ont créé le nouveau terme de « psychobiotiques ». Le meilleur moyen d’entretenir ces bactéries amicales pour notre cerveau et notre bien-être est de bien les nourrir, avec des végétaux riches en fibres et en polyphénols, comme les légumineuses, les céréales complètes sans gluten comme le riz, le sarrasin ou le quinoa et les alliacées comme les poireaux ou l’ail. 

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