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Prévenir les pandémies coûterait 100 fois moins cher que de les subir


Serions-nous en train d’entrer dans une ère pandémique ? À en croire les scientifiques de l’IPBES, organisme intergouvernemental scientifique indépendant dédié à la biodiversité, ce pourrait être le cas. 

Dans son dernier rapport, publié le 29 octobre, le “GIEC de la biodiversité” a étudié les liens entre les pandémies et la biodiversité. Pour cela, les experts se sont basés sur plus de 700 travaux de recherche scientifique. Les conclusions sont alarmantes : entre 631 000 et 827 000 virus encore inconnus pourraient infecter l’humanité dans les années à venir. 

On estime à 1,7 million le nombre de virus “non découverts” actuellement présents dans les mammifères et les oiseaux, dont 827 000 pourraient avoir la capacité d’infecter les êtres humains“, indique le rapport. 

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Des pandémies plus fréquentes et plus nombreuses

Selon les scientifiques, pas de doute : si nous ne changeons pas nos modes de vie, le Covid-19 ne sera pas la dernière crise sanitaire mondiale. “Les futures pandémies émergeront plus souvent, se propageront plus rapidement, feront plus de dégâts à l’économie mondiale et tueront plus de personnes que le Covid-19 à moins qu’il n’y ait un réel changement dans l’approche globale de la lutte contre les maladies infectieuses”, alarment les 22 grands experts internationaux ayant participé à la confection du rapport. 

Ils rappellent que la crise actuelle est “au moins” la sixième pandémie mondiale, depuis la grippe de 1918, et que son émergence “a été entièrement motivée par les activités humaines”, malgré son origine animale. 

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Ils citent parmi les causes l’expansion et l’intensification de l’agriculture, ainsi que le commerce, la production et la consommation non durable qui “perturbent la nature et augmentent les contacts entre la faune sauvage, le bétail, les agents pathogènes et les êtres humains”.

“C’est un chemin qui conduit droit aux pandémies”

Un coût élevé pour les États

Ces pandémies sont traitées en urgence par les gouvernements, déclenchent des crises mondiales et causent de nombreux morts. Selon les scientifiques, il est donc impératif de s’atteler à la prévention de ces crises sanitaires. 

S’attaquer aux pandémies après qu’elles se soient déclenchées, en cherchant des vaccins par exemple, est une “voie lente et incertaine”, qui cause à la fois “la souffrance humaine généralisée” et des “dizaines de milliards de dollars de dommages économiques annuels”, détaillent-ils.

En effet, les experts ont évalué le coût du Covid-19 entre 8 000 et 16 000 milliards de dollars au niveau mondial jusqu’à juillet 2020 seulement. Aux États-Unis, celui-ci pourrait atteindre 16 000 milliards de dollars d’ici le quatrième trimestre de 2021. 

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Or, il serait beaucoup plus économique selon eux de prévenir ces crises : “le coût de la prévention et de la réduction des risques de pandémies est 100 fois moins élevé que le coût de la réponse à de telles pandémies”, calculent les scientifiques dans le rapport. 

Des solutions pour prévenir les pandémies

Un rapport plutôt alarmant, mais pas défaitiste : “il est possible d’échapper à l’ère des pandémies”, assurent les auteurs, mais cela “nécessite un profond changement d’approche pour passer de la réaction à la prévention”.

Pour cela, l’organisation propose diverses solutions, comme celle de lancer un conseil intergouvernemental sur la prévention des pandémies ayant comme objectif de fournir aux décideurs des données scientifiques et factuelles sur les maladies émergentes. Il préconise aussi de veiller à ce que le coût économique des pandémies soit pris en compte dans les budgets gouvernementaux.

Ce n’est pas tout. Réaliser des changements profonds de nos modes de consommation, notamment réduire l’expansion agricole dans le monde et le commerce international, est selon l’IPBES primordial. Il propose par exemple de mettre en place des taxes sur la consommation de viande et la production animale. 

“Le risque de pandémie peut être considérablement réduit en diminuant les activités humaines entraînant la perte de biodiversité, par une plus grande conservation des zones protégées et par des mesures réduisant l’exploitation non durable dans les régions riches en biodiversité. Cela permettra de réduire les contacts entre les animaux sauvages, le bétail et les êtres humains, et aidera à prévenir la propagation de nouvelles maladies”, indique le rapport. 

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Les experts estiment aussi que l’adoption de nouvelles lois pour éviter le commerce d’espèces sauvages et d’espèces à haut risque de maladie est nécessaire. 

“Les preuves scientifiques conduisent à une conclusion encourageante. Nous avons la capacité de prévenir les pandémies”, a fait valoir le Dr Peter Daszak, président de l’organisation non-gouvernementale EcoHealth Alliance et de l’atelier IPBES. Pour la suite, tout est encore possible…

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