Partager la publication "Primaire de la droite et du centre : les programmes au banc d’essai de l’avenir"
Tout cela donne le sentiment d’une campagne davantage tournée vers le passé que vers l’avenir, avec des recettes héritées du XXe siècle plutôt qu’anticipant les défis de demain. Révolution numérique, ubérisation et pluriactivité, transition énergétique, environnement et développement durable, médecine de demain, démocratie participative…
Comment les candidats prennent-ils (ou ne prennent-ils pas) en compte ces révolutions en cours ? We Demain s’est penché dans le détail des projets de chacun de ces sept prétendants à l’Élysée…
Alain Juppé : énergie et numérique, mais pas d’environnement
Dans son livre De vous à moi, disponible exclusivement sur le net, Alain Juppé écrit pourtant :
“Je dois au Québec un regard neuf sur le monde et sur les défis de la globalisation, une sensibilité –tard éclose diront certains, mais d’autant plus aigüe – aux enjeux environnementaux…”
Dans le chapitre “énergie”, le premier point réaffirme “l’importance cruciale de l’énergie nucléaire pour la France”. Il est précisé que “l’objectif absurde consistant à ramener à 50 % le nucléaire dans la production d’électricité sera supprimé”, que les centrales atteignant 40 ans pourront être prolongées si elles présentent les garanties de sécurité. La fermeture de Fessenheim sera annulée.
Un troisième point, après l’amélioration de l’efficacité énergétique, consiste à “accélérer le développement des énergies renouvelables, en engageant notamment un programme d’équipement solaire”.
Le numérique ? “L’une des pierres angulaires de la nouvelle croissance et de la création d’emploi”. Le chapitre qui lui est consacré propose d’adapter l’éducation à l’ère numérique, de former tout au long de la vie aux métiers de demain, de faire de la France une nation de start-up et d’accélérer la digitalisation de l’ensemble des entreprises.
Le chapitre “emploi” reprend des recettes traditionnelles : apprentissage, formation, baisse des charges, contrats de travail flexibles, sortie des 35 heures… Un autre document évoque néanmoins “le développement de l’économie circulaire qui placera le pays sur le chemin d’une nouvelle dynamique d’emploi à l’échelon local et territorial, tout en accompagnant une préservation et une gestion attentive de la biodiversité”. Si l’ubérisation de la société n’est pas traitée en tant que telle, le même document parle de créer de l’emploi en adaptant notre économie “aux nouvelles formes de travail et aux transformations numériques”, mais sans en dire beaucoup plus.
En terme de rénovation de la démocratie, Alain Juppé assure que le gouvernement devra s’engager à répondre publiquement à toutes les pétitions portées par plus de 100 000 personnes en trente jours.
Nicolas Sarkozy : marche arrière toute !
“On a peur de quoi ? D’un tsunami sur le Rhin ?”, a déclaré l’ancien président.
Selon Sarkozy, le principe de précaution doit être remplacé par celui de responsabilité, de même qu’il faut remettre à plat la représentation des associations environnementales et réduire leurs subventions… Côté agriculture, à propos notamment des ventes à la ferme, il s’oppose “à une espèce de boboïsation permanente”…
Sur les questions sociétales, Nicolas Sarkozy veut en finir avec “l’héritage de mai 68 et la tyrannie des minorités”. Dans le contexte des attentats, “l’État de droit n’est pas gravé pour l’éternité dans les tables de pierre”. Enfin s’il y a crise de la démocratie, c’est celle “du peuple contre les élites coupées des réalités”. Malgré tout, le candidat veut rétablir le cumul des mandats…
François Fillon : Lutter contre le changement climatique… grâce au nucléaire
“Il est de notre devoir de laisser à nos enfants et nos petits enfants cette planète dans un état environnemental aussi bon, voire meilleur que celui qui nous a été légué par les générations précédentes.”
La France, selon lui, a les atouts pour être un champion industriel de l’environnement et de l’énergie décarbonée, mais elle doit emprunter les voies du progrès scientifique et donc renoncer au principe de précaution au profit de celui de responsabilité.
Pour lutter contre le changement climatique, “enjeu majeur de notre planète”, François Fillon propose de prolonger l’exploitation des centrales nucléaires existantes de 40 à 60 ans, de stopper la fermeture de Fessenheim, de consolider la filière et les études sur les réacteurs de quatrième génération. Il veut aussi fixer un objectif proche de zéro d’électricité d’origine fossile le plus rapidement possible, renforcer les pôles de compétitivité regroupant les entreprises spécialisées dans les énergies renouvelables, supprimer l’obligation d’achat de la production pour les nouvelles installations et autoriser l’autoconsommation de l’énergie produite de manière autonome pour les particuliers et les entreprises.
Dans le chapitre “numérique”, appelé à un “rôle majeur dans les domaines aussi stratégique que l’enseignement, la santé, l’administration publique et la politique industrielle”, nous devons “cesser d’être à la traine des géants américains et asiatiques, et créer des leaders européens”.
Suivent neuf mesures pour mettre le numérique au coeur de la croissance française : enseignement du numérique, gouvernance avec la création d’un poste de Haut commissaire à la Transformation numérique rattaché au premier ministre, instauration de services publics de l’open data, généralisation du très-haut-débit, mise en place d’un agenda européen pour l’équité de traitement fiscal entre majors américaines et entreprises européennes et pour le soutien aux “plateformes loyales”. En revanche ubérisation et pluriactivité ne sont pas évoquées dans le chapitre “emploi”.
Bruno Le Maire : entre laisser-faire et écologie punitive
Dans l’agriculture, Bruno Le Maire veut introduire le numérique, en créant une plateforme des données agricoles, un open data permettant de meilleurs prédictions pour de meilleures décisions, plus de productions et moins d’intrants. Il veut aussi mettre l’accent sur la méthanisation et le photovoltaïque dans les exploitations. Plus généralement, dans le domaine de l’énergie et du développement durable, il résume ainsi sa volonté :
“Trouver une nouvelle voie exigeante et pragmatique entre le laisser-faire court-termiste qui détruit l’environnement et l’écologie punitive qui asphyxie l’économie”.
La dimension “environnement”, selon Le Maire, doit être intégrée à toutes les initiatives de l’État, notamment la modernisation de la politique de l’eau, la gestion de la biodiversité, le développement du véhicule électrique.
Le choix du tout nucléaire des années 1970 était visionnaire selon le candidat, mais il faut revoir profondément le modèle historique d’organisation industrielle d’EDF, et procéder à un échéancier détaillé de prolongement ou de fermeture des centrales. Par ailleurs, il faut simplifier les trop nombreuses contraintes administratives qui entravent encore le développement des énergies renouvelables et encourager en particulier “l’autoconsommation, qui permet à chaque Français de devenir acteur de sa propre consommation”.
Au chapitre “innovation”, Bruno le Maire dénonce les dérives du principe de précaution, devenu un outil politique et populiste anti-progrès, par exemple contre les OGM. Il faut donc supprimer ce frein selon lui.
En matière de numérique, la France doit devenir une “smart nation”, grâce à des infrastructures efficaces et un cadre juridique favorable. Il faut, selon le candidat, favoriser l’implantation des start-up européennes en France, et le crowdfunding en Europe. Notre pays doit aussi devenir l’un des leaders mondiaux de l’écosystème blockchain. Enfin Bruno Le Maire entend “sécuriser l’émergence du travail indépendant et collaboratif et faire de la création d’une micro-entreprise un droit inconditionnel et simple à exercer”.
Nathalie Kosciusko-Morizet : “Nous avons changé de monde”
“Les Français ont compris que le numérique et les multiples applications qui en découlent imprimaient une transformation radicale des modes de vie et de travail”.
Nathalie Kosciusko-Morizet commence par décliner les nouvelles libertés qu’elle prône. C’est d’abord une démocratie enfin participative, avec la création d’une chambre des citoyens, plateforme en ligne qui permettrait à chaque citoyen de soumettre une proposition de loi. Au dessus de 500 000 signatures en ligne, le parlement serait tenu de débattre du texte.
C’est ensuite l’entreprise libérée, avec, à coté des baisses d’impôts, le développement des business angels grâce à la fiscalité. C’est encore le travail indépendant favorisé : “Oui, l’ubérisation de l’économie est en marche !” Ce “travail libre” est, selon la candidate, une chance face au chômage. D’où sa proposition d’un seul statut plus simple, plus souple et plus protecteur pour le travailleur indépendant, et la création d’un revenu d’existence de 470 euros pour chaque Français de plus de 18 ans, pour faciliter les nouveaux modèles de travail et accroitre le retour à l’emploi et la flexibilité du salarié ou du travailleur indépendant.
C’est ensuite “l’écologie pour tous” : retrouver l’énergie mobilisatrice du Grenelle de l’environnement (qu’elle a conduit), généraliser les circuits courts, développer l’autoproduction d’énergie et faciliter le télétravail pour réduire l’impact carbone.
Viennent enfin les nouvelles sécurités : mesures fiscales avec un impôt proportionnel individualisé et la conservation de l’ISF, la formation, et un revenu par enfant pour tous les parents en remplacement du quotient familial et des allocations conditionnées.
Jean-François Copé : vieilles recettes et rares innovations
Pour “libérer le travail en soutenant sans frein la création d’entreprises et le cumul d’emplois”, Jean-François Copé veut créer le numéro Siret personnel. Comme celui de la sécurité sociale, on en disposerait dès l’âge de 16 ans et il permettrait à chacun d’être rémunéré pour des activités en parallèle d’un emploi salarié, ou d’être un travailleur indépendant. Par ailleurs, pour accompagner l’émergence de la nouvelle économie participative, le plafond du crowfunding de la part des particuliers serait relevé.
Pou réduire la dette environnementale, serait accordé un crédit d’impôt à taux unique de 50 % sans condition de ressources, sur le prix des équipements, des matériaux, et de la main d’œuvre dépensé pour participer à la production d’énergie renouvelable entre 1er septembre 2017 et le 31 décembre 2020.
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