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Prolifération du ver de feu en Méditerranée, preuve du réchauffement climatique

À mesure que les températures de l’eau ont augmenté en Méditerranée, le Glycera, une espèce indigène, s’est propagée dans tout le bassin.

Le 26/08/2024 par Florence Santrot
Hermodice carunculata ver de feu
L'Hermodice carunculata, ou ver de feu, présente de jolies couleurs mais il ne faut pas s'en approcher sous peine de souffrir de douleureuses brûlures. Crédit : _jure / iStock.
L'Hermodice carunculata, ou ver de feu, présente de jolies couleurs mais il ne faut pas s'en approcher sous peine de souffrir de douleureuses brûlures. Crédit : _jure / iStock.

Vers de feu. Sous ce nom exotique, se cache pourtant une espèce indigène de Méditerranée, l’Hermodice carunculata, un ver marin (polychète) venimeux. Sous ses airs débonnaires, tel un mille-pattes coloré, voici un ver carnivore qui pourrait bien gâcher nos étés dans le futur tant il se développe à grande vitesse dans la Mare Nostrum. Les biologistes des centres siciliens de Panarea (île éolienne) et Milazzo (Sicile) alertent sur leur multiplication inquiétante.

Ces scientifiques, rattachés à l’Institut italien d’Océanographie et de Géophysique Expérimentale (OGS) s’intéressent de très près à ce ver annelé qui mesure entre 20 et 60 centimètres de long. De couleur rouge, verte, jaune ou blanchâtre, il présente des bouquets de soies blanches sur les côtés. Cet animal est présent principalement sur les fonds marins rocheux mais on peut également le trouver sur le sable et dans les herbiers de Posidonie. Mais il ne faut pas les toucher : leur corps est recouvert de poils contenant des toxines piquantes qui provoquent des douleurs, des brûlures, des œdèmes, des démangeaisons et des engourdissements.

Une espèce qui prolifère avec le réchauffement climatique

Le ver de feu est présent en Méditerranée depuis de nombreuses années. Au IIe siècle après J.C., cette espèce était connue sous le nom de scolopendra marin » dans la région. « Les premières traces remontent à environ 1800 dans le golfe de Catane [en Sicile, près de l’Etna, NDLR], explique l’OGS. Dernièrement, probablement en raison du réchauffement des eaux, leur abondance a considérablement augmenté, à tel point qu’elle est devenue un problème notamment pour le secteur de la pêche. » . C’est précisément pour cette raison qu’ils colonisent de nouveaux territoires à une vitesse alarmante : le réchauffement des eaux signifie que de plus en plus d’habitats deviennent idéaux pour que cette espèce prospère.

Une des caractéristiques de ce ver marin venimeux est en effet qu’il s’agit d’un organisme thermophile. C’est-à-dire qu’il préfère les eaux chaudes et subtropicales et vit dans les environnements coralliens. Jusqu’à il y a une trentaine d’années, on ne connaissait ce ver que dans la partie méridionale de la mer Tyrrhénienne, de la mer Ionienne, dans les eaux des Pouilles et de la Sicile. Aujourd’hui, avec la hausse des températures, il a atteint l’Argentario, en Toscane. Un vrai problème environnemental et écosystémique : en raison de ses caractéristiques piquantes, il n’a pas de prédateurs naturels. Sa présence peut donc avoir un impact négatif sur la biodiversité marine.

La pêche mise à rude épreuve en raison de la prolifération des vers de feu

Les pêcheurs souffrent de l’expansion du ver vers le Nord, car ils trouvent de plus en plus leurs filets remplis de ces animaux, ce qui compromet leurs prises. Leur capacité à se reproduire rapidement et à se régénérer rend difficile leur contrôle. Pour atténuer l’impact, des pièges contenant des poissons morts ont été positionnés à titre expérimental pour attirer les vers et réduire leur présence dans les filets.

ver de feu
Des vers de feu ramassés par des pêcheurs dans leurs filets. Crédit : OGS.

En effet, le ver de feu mange le poisson qui est pris dans les filets. Et s’il trouve sa proie le soir, le lendemain matin il n’en restera plus que le squelette… Depuis 2022, l’OGS travaille donc activement sur le sujet. En collaboration avec les Universités de Modène et Reggio Emilia, Catane et Messine, ISPRA, la Zone Marine Protégée de Capo Milazzo et ScubaBiology, l’institut a lancé le projet « Worm Out ». Il s’agit de collecter des données écologiques et biologiques sur le ver de feu et à rechercher les meilleures solutions pour gérer la présence de cette espèce et contenir sa prolifération. Le grand public peut aussi contribuer grâce à l’application de science participative  
NoticesAPP. Cet outil doit aider les scientifiques à surveiller les différentes espèces méditerranéennes. Et identifier les proliférations problématiques.

Que faire si on pense avoir été piqué par un ver de feu ?

Si on approche trop un ver de feu, au contact, il va injecter une neurotoxine qui génère une démangeaison intense et une forte sensation de brûlure. Celle-ci peut persister plusieurs heures et s’accompagner de nausées voire de vertiges. En intervention immédiate, il convient d’appliquer de l’alcool éthylique sur la zone enflammée. Ensuite, une fois la peau sèche, utilisez du ruban adhésif pour retirer les éventuelles petites pique implantées dans la peau restantes.

Pour l’heure, les autorités sanitaires françaises n’ont pas émis d’alerte particulière pour le ver de feu mais sa prolifération sans cesse plus au Nord de la Méditerranée incite à la prudence. Et encore plus si vous décidez de partir en voyage en Italie du Sud.

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