Relocalisation : elle doit être solidaire, pas nationaliste

La levée par Donald Trump d’une série de mesures protectionnistes contre plusieurs pays, telles la Chine, ou l’Europe, redistribue les cartes et les stratégies du commerce mondial. À l’opposé, des écologistes défendent une économie de proximité. Quelles différences entre ces deux approches ? 

Relocalisation, protectionnisme, souveraineté : de quoi parle-t-on ?

Si l’autonomie locale est un fondement des politiques économiques libertaires ou décroissantes, certains secteurs ne peuvent néanmoins pas être complètement délégués au niveau local. La relocalisation fédéraliste et sociale est fondée sur la relocalisation de la production et la régulation fédéraliste de la fiscalité, du social et de l’écologie.

Le souverainisme consiste à préserver prioritairement l’autonomie économique nationale, par rapport aux organisations internationales. Or, le souverainisme peut être solidaire (de gauche), ou néolibéral (de droite), voire économiquement capitaliste autoritaire et xénophobe (l’extrême droite). Il faut en effet éviter deux excès : celui d’un centralisme gouvernemental internationaliste ou mondialiste, et le régionalisme égoïste, le nationalisme xénophobe et guerrier.

Quant au nationalisme, il peut être de droite, d’extrême droite ou de gauche, mais aussi économique et / ou culturel (l’identité) ; défensif (protectionniste, limitation de l’immigration) ou offensif (l’impérialisme, le néocolonialisme…).

Le nationalisme peut aussi être de gauche, dans la mesure où la caractéristique principale de la gauche relève prioritairement de la quête de l’égalité (économique et sociale), notamment grâce à des politiques sociales redistributives. Ainsi, au plan économique, une politique socialiste nationaliste (qu’il s’agisse du capitalisme social ou du socialisme réel) peut exercer une redistribution des richesses et assurer une égalité des droits (sociaux, politiques, économiques…) dans sa nation, tout en menant une politique inégalitaire d’exploitation prédatrice (impérialiste) vis-à-vis des peuples des nations étrangères. Il y a dans ce cas une incohérence sur le plan de la philosophie politique entre la volonté d’égalité nationale et l’inégalité au plan international, liée à l’exploitation des autres pays (généralement les plus pauvres).

La relocalisation peut être de droite ou de gauche. Une relocalisation non sociale et non sélective s’inscrit dans une politique autarcique relevant d’une décroissance d’extrême droite. Elle consiste en un repli excessif sur soi, le local, la nation, sans prendre en compte les pays et les régions les plus pauvres. Dans un contexte quelque peu différent, puisqu’il s’agit de politique intérieure, la Lombardie (en Italie du Nord), ou la Serbie (dans l’ex-Yougoslavie) ont cherché chacune à leur manière à se séparer des régions les plus pauvres de leur pays par exemple.

Une relocalisation sociale (de gauche) supposera notamment, de la solidarité économique et de la redistribution. Au niveau régional, la redistribution permet une solidarité entre territoires, c’est-à-dire entre les communes, les régions ou les nations les plus riches vis-à-vis des plus pauvres. 

Quels sont les modèles existants ?

Chacun des systèmes politico-économiques peut se développer à l’échelle nationale ou internationale de différentes politiques économiques, qui peuvent se combiner entre elles autour de l’axe politique : globalisation / souveraineté (relocalisation). Il y observe ainsi :
  • La globalisation centralisée solidaire (de gauche)
  • La globalisation centralisée libérale (de droite) ou autoritaire (d’extrême droite)
  • La souveraineté solidaire (de gauche)
  • La souveraineté de droite ou d’extrême droite

Les besoins essentiels, le développement autonome et l’identité culturelle sont les trois principes d’une relocalisation écologique et sociale. En répondant aux besoins essentiels des populations, en stimulant par exemple la production des cultures vivrières, en permettant l’éducation de base, en répondant aux besoins locaux avant de suivre la demande internationale, le pays devient ainsi plus autonome et peut assurer sa croissance à long terme.

Un développement basé sur l’autonomie renforce l’identité culturelle en centrant les efforts de développement sur les ressources (au travers la participation des populations notamment) et les connaissances propres du pays. Ce choix d’un développement autonome centré sur des besoins essentiels et l’identité culturelle a été la politique défendue et menée par de nombreux pays en développement, menant une politique socialiste, en même temps, qu’ils luttaient contre la colonisation des pays capitalistes, à partir de la conférence de Bandung dans les années 1950 et les suivantes.

Le développement de circuit court et solidaire évite la dérive nationaliste, notamment lorsque les consommateurs ou les distributeurs situées proches de la frontière de leur pays, décident d’importer des marchandises des pays situés à une distance proche de leurs régions. Les partisans d’une relocalisation fédéraliste, solidaire et écologistes cherchent à éviter les dérives d’un centralisme coercitif et uniformisant au plan mondial et de l’autre les excès d’un souverainisme, trop nationaliste, via un protectionnisme égoïste et des opérations militaires agressives envers l’étranger.
 

A propos de l’auteur :
Thierry Brugvin est enseignant-chercheur en sociologie, spécialisé dans l’étude du commerce éthique, équitable, l’écologie sociale, l’action des mouvements sociaux transnationaux dans la régulation démocratique du travail, et l’influence cachée des pouvoirs économiques internationaux sur le pouvoir politique. Il est notamment l’auteur de “Le commerce équitable et éthique: opportunités et limites” (2013), “Le pouvoir illégal des élites” (2014), ainsi que “6 chemins vers une  décroissance solidaire” paru en 2018. 

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